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Anna Halprin – interview

13 décembre 2012
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Il est 6h du soir en France, 9h du matin en Californie. Anna Halprin est ponctuelle. A l’heure dite, c’est avec Skype que nous nous appelons. Malgré les quelques 9’000 km qui nous séparent, c’est bien la chorégraphe américaine qui se présente face à une webcam devant nous. Elle est prête à nous parler du film Le Souffle de la danse, documentaire que le réalisateur Ruedi Gerber lui a consacré en 2009 et qui sort aujourd’hui sur les écrans français.

Sa toute première attention est de s’excuser de ne pouvoir être présente à Paris en raison d’une multitude de projets qui la retient. Oui, Anna Halprin a beau avoir 92 ans, elle continue avec la même énergie de monter des projets et de danser.

Savoir capter le sens du mouvement

Peu connue en France, Anna Halprin a tout au long de sa vie préféré la quiétude et la nature de la côte Ouest américaine plutôt que de faire carrière sur la côte Est et d’immigrer en Europe, à l’image de ses confrères Merce Cunningham, Trisha Brown ou encore plus tard William Forsythe. « Ce n’est pas pour autant que je n’aime pas la France, bien au contraire. J’y ai même été invité de nombreuses fois par le Centre Pompidou à Paris et le musée d’Art Contemporain de Lyon. »

Contestataire, révolutionnaire et femme engagée, Anna Halprin reste surtout connue pour sa chorégraphie Parades and Changes (1965-1967) où pour la première fois des danseurs se déshabillaient intégralement sur scène. « On m’a même arrêté à l’issu de la représentation ! C’est pour vous dire à quel point nous étions fermés d’esprit à l’époque. Toute ma vie, j’ai souhaité capter le sens du mouvement. Nous ne pouvons rien faire sans notre corps. Je n’ai jamais cherché à rendre la danse conceptuelle ou abstraite. Bien que nous étions très amis avec Merce Cunningham, notre vision de la danse était radicalement différente par exemple. Pour moi, la danse est une discipline liée à l’émotion et au mental. Je me suis davantage inspiré du courant asiatique que du courant européen. »

La famille avant tout

C’est en voyant Memories from my Closet (2000) que Ruedi Gerber a eu l’idée de réaliser un portrait de la chorégraphe. Avec ce spectacle, Anna Halprin revenait sur son enfance et sa famille à travers un monologue dansé. « C’est en fouillant dans ma cave et en tombant sur de vieux pyjamas de mon père que plusieurs souvenirs me sont revenus à la mémoire. »

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La famille donc. Une priorité qui a eu un impact direct et constant tout au long de sa vie. Marié à l’architecte paysagiste Lawrence Halprin, le couple a eu deux filles, Daria et Rana. « Je suis resté marié pendant 70 ans, jusqu’à la mort de mon mari en 2009. Mes enfants ont toute leur vie participer à la création de mes chorégraphies et je continue de travailler étroitement avec elles. »

tumblr_m7gwudXssu1qf1ynpo1_500Daria Halprin n’est pas méconnue du grand public. C’est elle qui fut choisi par Michelangelo Antonioni pour jouer le rôle principal du film Zabriskie Point (1970) (on se souvient de la séquence d’orgie « dansée » dans le désert). Avec sa mère, Daria a fondé en 1978 la Tamalpa Institute, une ONG où il est possible d’effectuer des thérapies et de suivre des programmes et ateliers artistiques dont la dance reste l’activité principale. « Moi-même atteinte d’un cancer durant ma carrière, je me suis servi de la danse comme catalyseur et pour guérir. De là est né la chorégraphie « Intensive care, Reflections on death and dying ». Puis j’ai commencé à danser avec des gens malades atteints de la même maladie, mais aussi du Sida et en compagnie de personnes âgées. »

Quand certains créaient leurs troupes et triomphaient à travers le monde, Anna Halprin a préféré s’occuper d’elle-même et des autres, tout en continuant de bousculer les traditions et d’aller de l’avant. « J’envie pourtant la nouvelle génération et prie pour qu’elle améliore notre façon de vivre. La danse sert aussi à cela. Si elle n’est pas une religion, au moins est-elle source de spiritualité. »

« Dance Deck »

article02La nouvelle génération ? Anna Halprin la fréquente justement tous les jours au Mountain Home Studio, entre ses salles de danses et surtout son studio extérieur plus communément appelé « Dance Deck » et qui a vu passer toute une génération d’artistes. « Mon mari Lawrence a conçu ce plateau dès que nous avons emménagé ici. Après la guerre du pacifique, nous avions prévu lui et moi de retourner en Israël pour vivre dans un Kibboutz. Mais nous avons au final choisi de nous installer près de la baie de San Francisco, en harmonie avec la nature et l’environnement. Lawrence a passé énormément de temps dans la forêt pour s’inspirer. Voici comment il aimait la définir » : « Cette plateforme de danse n’a rien d’un objet ; elle ne devient pas un objet dans le paysage, mais fait au contraire parti intégrante de celui-ci. » 

A 92 ans, Anna Halprin n’a jamais quitté ce paradis sur terre, mais continue à se poser des questions sur la vie après mort. « Je suis en train de travailler sur une nouvelle chorégraphie qui s’intitule « Beyond Death ». Je continue aussi de rendre hommage à mon mari en créant plusieurs chorégraphies. La dernière en date s’intitule In the Fever of Love. Elle trouve sa source dans les différents croquis érotiques que dessinait alors Lawrence en pleine guerre du pacifique. Je travaille de même toujours autant sur des variations de Parades and Changes. Nous avons même plusieurs dates de prévues à partir de février 2013 au Berkeley Art Museum !

En attendant, il est 9h54 au Montain Home Studio et Anna Halprin doit mettre fin à notre conversation. D’ici quelques minutes, elle retrouvera ses élèves pour une nouvelle séance qu’elle animera avec la même passion et énergie. De notre côté, il ne nous reste plus qu’une seule chose à faire : « danser sa vie » et maintenant.

Edouard Brane
Twitter : Cinedouard

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