Idoles, des histoires d’amour signées Christophe Honoré
Dans un vibrant spectacle porté par de superbes comédiens, Christophe Honoré, écrivain et cinéaste, rend hommage à six personnalités des années 90 tuées par le sida. Bernard-Marie Koltès, Cyril Collard, Serge Daney, Hervé Guibert, Jean-Luc Lagarce et Jacques Demy sont les fantômes rendus bien vivants et souvent drôles de cette création qui raconte le basculement d’une époque. Un spectacle très fort et généreux.
A la rencontre d’êtres libres
Au moment où il débarque à Paris, au Centre Pompidou, pour assister à « Jours étranges », une performance posthume de Dominique Bagouet, Christophe Honoré est encore étudiant à Rennes et le virus du sida fait des ravages. Jacques Demy, le cinéaste adoré («Les Demoiselles de Rochefort »,« Les Parapluies de Cherbourg ») vient de disparaître, tout comme le dramaturge Bernard-Marie Koltès, à 50 ans, en pleine gloire littéraire. Suivront le romancier et photographe Hervé Guibert, le flamboyant Cyril Collard qui se met en scène dans « Les Nuits Fauves », Serge Daney le « ciné-fils et Jean-Luc Lagarce, comédien et auteur de théâtre, qui mourra en 1994. Six artistes, hommes libres, créatifs et novateurs chacun à leur manière, que Christophe Honoré, dans un spectacle généreux et foisonnant, décide de convoquer sur le plateau.
Une mise en vie
Dans un décor en forme de squat, espace interlope aux murs dévastés, les comédiens se présentent, jouant avec leur corps comme avec les micros, les lumières, s’enveloppant dans des volutes de fumées de cigarettes, ou disparaissant derrière des colonnes de manière mystérieuse. Où sommes nous ? La lumière est crépusculaire, le ton est à la confidence, mais chacun des personnages se meut à travers un portrait éclaté, morcelé, diffus. Avec une subtile intelligence, le metteur en scène n’a pas cherché à reproduire des portraits à l’identique. Chacun des comédiens s’est saisi d’un créateur et y a composé, avec sa personnalité, l’essence de l’artiste, réelle ou fantasmatique. Parfois, des extraits de journaux intimes ou d’émissions radiophoniques viennent étayer le propos et donner vie au contexte de l’époque. Ce qui fait que nous sommes constamment entre le réel et le jeu, dans un flot de vie et de fantaisie, de peur et de joie.
Des acteurs éblouissants
Marina Foïs campe avec sa gouaille mutine Hervé Guibert, pantalon à pinces anglais et chemise d’homme blanche, dégaine flegmatique et humour caustique. Elle est spontanée et directe, mais aussi terriblement grave et émouvante lorsqu’elle raconte les derniers moments de vie de l’auteur. Marlène Saldana incarne Jacques Demy, formes rebondies de femme fatale nue sous son manteau de fourrure, qui se met soudain à danser follement sur la bande-son des célèbres comédies musicales. Sensuelle, rieuse et provocatrice, la comédienne performeuse brouille les pistes en nourrissant aussi le personnage du cinéaste d’un mystère encore plus grand. D’autant que Jacques Demy n’a jamais révélé ni son homosexualité, ni qu’il était atteint du sida. Youssou Abi-Ayad (Koltès), Jean-Charles Clichet (Daney), Julien Honoré (Lagarde) et Harrison Arévalo (Collard) sont tous superbes, évitant le collage cliché, mais réinventant avec drôlerie et fantasmes les artistes disparus. Extravertis ou secrets, mais toujours passionnés, jamais vulgaires, ils se livrent au public de l’Odéon et c’est très beau de les voir revivre ou vivre le temps d’un spectacle.
Hélène Kuttner
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