“Guys and Dolls” : le musical de Broadway qui enflamme Marigny
Quelle merveilleuse idée de remonter en France l’un des succès de Franck Loesser, créé en 1950 à Broadway et qui fut ensuite adapté pour le cinéma avec Marlon Brando et Franck Sinatra ! Une histoire rocambolesque entre deux couples dans le milieu interlope des salles de jeux qui se dénoue grâce à l’Armée du Salut. Chorégraphie et mise en scène de Stephen Mear, distribution en or, costumes formidables, le spectacle est de bout en bout irréprochable de talent et de virtuosité.
Un “musical” qui fait exploser le box-office
1 200 représentations en 1950, un record de récompenses avec 5 Tony Awards, cette création poursuivra sa carrière à Londres avant de rafler un Golden Globe pour l’adaptation cinématographique de Mankiewicz. C’est dire à quel point l’œuvre fut auréolée de succès avant sa reprise dans les années 1990 à Broadway. Ce succès tient certainement à l’aspect extraordinairement coloré et vivant des personnages qui apparaissent à l’origine dans les nouvelles de Damon Runyon. Une foule de petits parieurs, de joueurs de “craps”, un jeu de dés et de paris, qui se réunissent dans les arrière-boutiques ou dans des garages, changeant d’endroit pour échapper à la police qui les pourchasse. Ce sont ces personnages masculins, ni bons, ni méchants, qui forment le cœur de Guys and Dolls, avec notamment Nathan Detroit, l’éternel fiancé (éblouissant Christopher Howell), et le brillant Sky (l’acteur, chanteur et danseur formidable Matthew Goodgame), alors que leurs partenaires féminins, Miss Adelaide (incarnée par la géniale Ria Jones) et Sarah (parfaite Clare Halse, la Cathy Selden de Singing in the Rain), sont des bombes atomiques de féminité et d’humour.
Richesse des personnages et vivacité de la mise en scène
Mais ils sont tous épatants, les personnages qui peuplent cette comédie musicale, de la dame patronnesse en collerette rouge (Rachel Izen) au grand-père protecteur (Barry James) en passant par l’hilarant Nicely-Nicely (Joel Montague) ou Rusty Charlie le rouquin (Jack North) et les “dolls” au corps élastique qui sont danseuses ou poules dans les scènes de cabaret. Tout ce petit monde qui se partage entre les tripots, la magouille et le salut des âmes bien chrétiennes, c’est un peu le melting-pot qui brasse les cultures à New York, mâtiné d’un argot du New Jersey, de Brooklyn ou de Little Italy, un peu juif, irlandais ou écossais, à coups de cheesecake ou de strudel aux pommes, avec du whisky. Le livret de Jo Swerling et d’Abe Burrows est d’ailleurs un festival de bons mots, de formules délicieuses et de dialogues percutants qui fusent à la vitesse des bulles de champagne.
Décor, costumes et orchestration de haute tenue
Tout cela est porté par une mise en scène enlevée et des chorégraphies efficaces, légères, rythmées comme dans les années 1950, alors que les costumes dessinés à la mode 1940, avec pantalons à pinces et robes cintrées, se distinguent par des teintes colorées et raffinées et que les décors, panneaux lumineux multicolores, apparaissent et dessinent l’architecture de New York (Peter McKintosh). La musique de Franck Loesser est interprétée joyeusement, lyriquement même par l’orchestre du Théâtre de Marigny dirigé somptueusement par James McKeon dans la fosse. Travail de précision car les chanteurs-danseurs ne le voient pas mais ont le retour en vidéo côté salle. Les lumières ciselées de Tim Mitchell découpent habilement les silhouettes et les visages. Formidable moment de musique et de danse pour petits et grands !
Hélène Kuttner
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