“Gloria” : une ode flamboyante à la danse et à la vie
Pour défier le chaos de nos sociétés, la cupidité de notre environnement et sa violence, le chorégraphe José Montalvo imagine un spectacle d’une beauté sublime, d’une énergie folle, tout entier dédié à la joie de danser, dans la simplicité et l’évidence d’un désir profond de vie et de jouissance. Seize danseurs de toutes cultures nous offrent leur talent dans un éclatant feu d’artifice qui nous réchauffe le coeur.
Défier la gravité
Imaginez un plateau démesuré, une aire de jeu, sur laquelle déboulent de grands enfants, habillés de vêtements aux couleurs vives. La musique Moldavian Sheperds’ Dance, interprétée par Taraf De Haidouks, projette ses violons enivrants avec un tempo entêtant. Mais toutes les autres compositions, traditionnelles interprétées par Nemanja Radulovic ou baroques, chantées par Philippe Jaroussky ou Cécilia Bartoli, sont une invitation joyeuse à danser, à partager, à s’amuser. Gloria, c’est un précipité de joie et de confiance, d’audace et de ténacité, porté par seize danseurs de tous âges, de toute taille et de toute nationalité, bien décidés à exprimer leur désir, leur rêve, en dépit de toutes les brimades, vexations subies à leurs débuts. Trop petite, trop maigre, trop de seins, trop vieux, autant de reproches en forme d’aiguillons envoyés à ceux qui brillent tous aujourd’hui devant nous. Chacun se confie au micro, alors que le choeur des autres danseurs le soutient.
Une terre d’asile
Ce spectacle est un voyage à travers des humanités qui se racontent. Sans limites, dans une essentielle simplicité, Karim Ahansal dit Pepito, Michael Arnaud, Rachid Aziki ZK Flash, Sellou Nadege Blagone, Elenore Dugue, Serge Dupont Tsakap, Fran Espinosa, Samuel Florimond dit Magnum, Elizabeth Gahl Lenotre, Rocio Garcia, Florent Gosserez dit Acrow, Rosa Herrador, Dafra Keita, Chika Nakayama, Beatriz Santiago, Denis Sithade Ros dit Sitha révèlent ce dont ils sont le plus fiers : leur réussite, leur parcours volontaire malgré les obstacles, les difficultés financières, et la liberté dont ils font preuve de manière magnifique dans d’éblouissants solos, ou duos, de hip hop, de flamenco, de danse africaine, de break, de danse classique ou jazz. Les corps explosent, rivalisent de virtuosité mais aussi de sagesse. Les danseurs parlent et chantent, ils savent tout faire, avec une humilité et une générosité communicative. Derrière eux qui captivent notre attention avec fureur et fantaisie, des projections graphiques nous baladent dans la savane avec les animaux, dans des tableaux du Quattrocento italien, ou dans le film King Kong à Manhattan.
Un spectacle anti-morosité
Après les deux années de COVID qui a vu les spectacles se faire puis se défaire, les productions se déprogrammer, ce festival annonce la couleur de son slogan : « La joie est plus profonde que la tristesse », car « tout est foutu rassurons-nous », imprimé sur les bateaux en papier dans lesquelles flottent les personnages et les animaux sur l’écran. La création visuelle et les vidéos sont d’ailleurs superbes, projetant les mondes, les groupes de danseurs, dans des univers toujours changeants. « Dansons, dansons sinon nous sommes perdus » disait Pina Bausch, figure protectrice du chorégraphe. Acharnons-nous à réinventer la vie, à donner forme à nos rêves. Les danseurs, sous le regard des animaux, éléphant, singe, girafe, présences complices du spectacle, sont la preuve vivante que le corps parfait n’existe pas et que la beauté de chacun d’eux n’existe que dans son originalité. La scène où les danseuses, exhibant leur poitrine comme une marque de fierté, de féminité revendiquée, martèlent le sol de leurs jambes au rythme effréné d’un flamenco, ou à celui entêtant d’un tam-tam africain devant La naissance de Vénus de Botticelli, est d’une renversante sensualité. Passant d’un genre à l’autre, traversant tous les types de danse, Gloria nous fait traverser toutes les émotions, et nous gonfle à l’hélium pour un moment. Merci à tous.
Hélène Kuttner
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