Giacometti, au fil d’une rencontre
Giacometti, la rue d’un seul Adaptation du livre de Tahar Ben Jelloun par Sarah Vaussier Mise en scène de Sarah Vaussier Avec Sarah Vaussier et Valérie Pujol Chorégraphie de Sylvaine Soldano Jusqu’au 4 juin 2016 Tous les vendredis et samedis à 19h30 Tarif : de 17€ à 22€ Réservations par tél : 01 43 55 14 80 Durée : 1h 15 La Folie Théâtre |
Le spectacle est inspiré du livre de Tahar Ben Jelloun, « Giacometti, la rue d’un seul ». Deux comédiennes, en nous livrant des extraits entrecoupés de chorégraphie, font surgir le sculpteur dans son intériorité avec une rare délicatesse.
La rue d’un seul, c’est le nom donné à une de ces ruelles de Fès, si étroites que seul un homme peut s’y engager. Le romancier Tahar Ben Jelloun en expérimentant cette déambulation solitaire semble avoir rencontré Giacometti, dont les sculptures effilées le touchent comme elles avaient déjà bouleversé Jean Genet. A partir de ce mince espace qui conduit à la Médina, toute l’œuvre du sculpteur se pose en une métaphore sur la condition humaine. Les silhouettes taillées dans le bronze viennent occuper la ruelle mais aussi les interstices de la sensibilité du romancier puis des deux comédiennes, et enfin du public. On rentre subtilement dans cette perception des corps et des visages dépouillés, longs et secs, rendus à la vérité de leur intimité, creusés par l’angoisse, la solitude, l’exil ou le secret de toute blessure qui taillade l’être. Valérie Pujol et Sarah Vaussier évoluent sur la petite scène juste occupée par un tabouret et une table rectangulaire qui évoque l’atelier de Giacometti tout autant que le bureau de l’écrivain. A travers des tableaux séparés en douceur par des musiques, des danses et des lumières, elles font saisir dans un univers onirique la traversée humaine qui amène au dépouillement physique représenté par Giacometti. Les traits en lames de couteau et les figures décharnées provoquent des rencontres avec des anonymes ou des célébrités. Un émigré dans le métro, Billie Holiday, Antonin Artaud et Samuel Beckett sont invoqués au gré de cette réflexion tel un voyage. La volonté de simplicité du spectacle ramène harmonieusement à la nudité scrutée par le sculpteur. Les comédiennes pieds nues et vêtues à l’identique transmettent à travers leurs récits et leurs danses la sincérité de leurs propres rencontres avec Giacometti, avec Tahar Ben Jelloun, mais aussi avec les blessés de la vie d’aujourd’hui, exclus, réfugiés, marginaux. Leur duo fait apparaitre la scission au sein des individus tout en donnant à percevoir la beauté d’un regard fraternel et vrai qui s’y pose, ou l’impact d’un geste, qu’il soit personnel ou artistique. Parti de l’effilement intime embrassée par l’œuvre de Giacometti, le spectateur parvient à saisir la palpitation vivante au-delà de l’apparence et partage le lieu de la rencontre, à l’image de la minuscule rue qui n’en est pas moins ouverte sur le ciel bleu de Fès. Emilie Darlier [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=kdPCdl_Zjx8[/embedyt] [ Photos : © Cyril Jacquemin] |
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