From Tanger, with love: « Halka » épouse La Villette
Halka Avec le Groupe Acrobatique de Tanger Du 28 septembre au 16 octobre 2016 Tarifs : de 15€ à 26€ Réservation en ligne Durée : 1h La Villette |
Du 28 septembre au 16 octobre 2016
Jamais construction de pyramides n’aura été aussi douce… Dans « Halka », le Groupe Acrobatique de Tanger part du cercle, de la vie au quotidien et de la tradition de l’acrobatie marocaine. Quatorze acrobates dont deux filles et deux musiciens portent un souffle artistique qui se nourrit de réalités et de luttes. Ainsi bouleversent-ils des salles entières avec un spectacle coup-de-poing. Ils viennent du Maroc, mais sont un repère dans le cirque contemporain en Europe, et ce depuis leur premier spectacle: Ce fut « Taoub », créé en 2004 sous la direction d’Aurélien Bory, metteur en scène et chorégraphe incontournable. Suivirent « Chouf Ouchouf » avec les Suisses Zimmermann De Perrot et « Azimut », seconde œuvre en collaboration avec Bory. Au fil de ces trois succès, ils ont fait comme Bory et Zimmermann De Perrot avec leurs propres compagnies. C’est à dire, ils « ont fait » La Villette, le Festival d’Avignon, le Théâtre de la Ville, tourné aux Etats-Unis et tant d’autres… [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=de7gQQKvxqo[/embedyt] Aujourd’hui, ils volent de leurs propres ailes. En revenant à leurs sources, les papillons bâtisseurs du Groupe acrobatique de Tanger relèvent leur défi ultime. Ils ont pris tous les risques et ont tout gagné. « Halka », créé à la Biennale de la Danse de Lyon, est une révélation, un manifeste, une satire acrobatique, un poème scénique circassien, un tournant historique pour le cirque marocain, un énorme cadeau pour le public, qu’il soit ici ou là-bas. La force du cercle Le mot de « Halka » désigne le cercle dans lequel se crée un spectacle festif, et c’est là que tout commence. On forme des duos de voltige réunis par une ceinture, moyen de transmission d’un savoir ancestral et des vibrations spontanées. C’est beau à regarder dans l’énergie collective et sous les lumières sublimes, sans oublier les couleurs pastel des costumes. Mais sur plage de Tanger, leur unique espace de répétition, les acrobates s’entraînent en utilisant leurs chemises ou pantalons comme courroies de transmission. C’est dire que la mise en scène sublime la réalité de leurs conditions de travail et de vie. Dans « Halka » tout est doux, poétique ou burlesque. Les bassines rondes, si similaires aux tambourins, utilisées au Maroc par les femmes pour laver le linge, préparer et transporter à manger mais aussi pour danser, deviennent ici des agrès et des symboles de force, de courage et de légèreté. Danse, chant, théâtre et acrobatie ne font plus qu’un. Cette « cuisine » traditionnelle revisitée est d’un raffinement absolu. La lévitation donne des ailes « Halka » défie l’autorité. Celle de la gravité, avant tout. Quand ils construisent leurs pyramides spectaculaires, quand un seul porteur soutient cinq camarades, quand les uns montent sur les épaules des autres avec la légèreté d’une brise de l’Océan, on comprend tout à leurs rêves et leurs aspirations. L’empathie l’emporte d’autant plus qu’ils peuvent aussi empiler leur propres corps inertes tels des sacs poubelle ou pire encore. Mais la descente aux enfers n’est qu’illusion. C’est leur incroyable lévitation qui est une réalité! Et visiblement, l’énergie acrobatique leur procure des ailes. Il en faut dans une société comme la leur, pour oser mettre en scène une parodie des forces de l’ordre ou du combat des femmes pour l’égalité. Quand une fille chasse du plateau un athlète à coup de pieds de taekwondo, la force symbolique de l’image n’a d’égal que sa charge humoristique. Mais derrière le burlesque, se cache une réalité de plus en plus réfractaire: « Si l’une de nos deux femmes est jeune, libérée et championne d’arts martiaux, l’autre subit de plus en plus de pressions de son mari. Le contexte devient difficile pour les femmes mais nous menons aussi un combat pour revendiquer une place pour la femme en tant qu’artiste dans les sociétés arabes », confirme Sanaeh El Kamouni, directrice générale de la compagnie. L’argent donne et prend Le Maroc s’est doté d’un ministère de la culture. « Traditionnellement, il soutient par exemple la musique, mais pas le spectacle. Aujourd’hui nous avons enfin la chance d’être reconnus par le gouvernement », se réjouit El Kamouni. Le chemin a été long, et ce n’est un secret pour personne que la France est le soutien principal des artistes maghrébins. Et si la France fait jouer son « soft power », les circassiens s’entraînent dur. Par chance, il n’y a pas que l’état, mais aussi des fondations d’entreprise, principalement celle de la BNP Paribas. Cette banque française récemment épinglée pour ses opérations « offshore » par les révélations des Panama Papers, soutient depuis longtemps la création en danse et cirque ainsi que des projets dans des domaines comme le social. Mais sans doute, son soutien financier n’a jamais été aussi crucial que dans le cas du Groupe acrobatique de Tanger. Si toutes les grandes entreprises en faisaient autant, beaucoup d’artistes travailleraient et dormiraient dans de meilleures conditions. En même temps, le Maroc investit aujourd’hui beaucoup d’argent dans l’aménagement d’un nouveau port de plaisance à Tanger pour accueillir une clientèle de vacanciers fortunés. Au passage, les travaux supprimeront le terrain d’entraînement de tous les acrobates de la ville, y compris ceux du Groupe acrobatique de Tanger. Leur combat pour leur reconnaissance entre donc dans une nouvelle phase. Grâce à la beauté et la force de « Halka », d’ores et déjà assurée de connaître une vie en tournée sur plusieurs années, on peut espérer que la troupe, et peut-être les acrobates marocains dans leur ensemble, verront leurs conditions de travail et de création s’améliorer. Pour voir à quel point ce serait plus que mérité, il faut aller voir « Halka », pour entrer dans le cercle. Car après la création au Théâtre des Célestins de Lyon, la compagnie Thomas Hahn [ Photos : Halka / Christian Ganet] |
Articles liés
« Les Misérables », une nouvelle production brillante au Théâtre du Châtelet
Plus de quarante ans après la première création en français, l’opéra d’Alain Boublil et de Claude-Michel Schönberg revient au Théâtre du Châtelet dans une nouvelle version et une mise en scène de Ladislas Chollat. Quarante interprètes dont des enfants...
“Moins que rien” : l’histoire de Johann Christian Woyzeck adaptée au Théâtre 14
L’histoire est inspirée de l’affaire de Johann Christian Woyzeck (1780-1824) à Leipzig, ancien soldat, accusé d’avoir poignardé par jalousie sa maîtresse, Johanna Christiane Woost, le 21 juin 1821. Condamné à mort, il a été exécuté le 27 août 1824....
La Scala présente “Les Parallèles”
Un soir, dans une ville sans nom, Elle et Lui se croisent sur le pas d’une porte. Elle est piquante et sexy. Lui est hypersensible et timide. Il se pourrait bien que ce soit une rencontre… Mais rien n’est moins sûr, tant ces deux-là sont maladroits dans leurs...