Le Fils de Florian Zeller : la famille déchirée
Sur un sujet plus que brûlant, celui d’un adolescent saisi par la mal de vivre aujourd’hui, Florian Zeller dessine la lente décomposition d’une famille trop tranquille autour d’un fils trop fragile. Yvan Attal y est plus que vrai dans le rôle du père et Rod Paradot, César du meilleur espoir 2016 pour « La Tête haute », le fils de 17 ans.
L’école buissonnière
Rien de plus banal qu’un ado à la dérive. Le sujet frôle même le cliché. Florian Zeller, après avoir écrit sur « La mère » et sur « Le Père », à travers les thèmes de la dépression et de la démence sénile, s’attaque à la relation d’un père à son fils alors que ce dernier traverse un épisode de mal être et d’extrême fragilité. Nous sommes dans un appartement au design clair et élégant, celui de Pierre, incarné par Yvan Attal, brillant avocat à l’avenir très politique. Sa nouvelle compagne, Sofia (Elodie Navarre) pouponne leur petit dernier qui n’a que quelques mois. Mais son ex-femme (Anne Consigny) déboule ce soir, fatiguée : leur grand fils de 17 ans, Nicolas (Rod Paradot) sèche le lycée depuis trois mois sans le dire à personne, ils se sont disputés, elle craque.
Une mise en scène apaisante
Ladislas Chollat met en scène ce quatuor d’acteurs avec beaucoup de délicatesse, alternant les scènes par une ponctuation musicale très réussie. Les portes coulissent suavement, blanc sur blanc, tandis que les personnages se cherchent, s’écorchent en douceur dans une constante difficulté à communiquer. Pierre, le père, veut tout pour son fils, et en premier la réussite scolaire, l’épanouissement par les voyages, les rencontres, les stages. Yvan Attal porte la pièce avec une sincérité et un engagement absolu, celui d’un père incapable d’accepter une faille, une fragilité chez son fils, tout entier pris dans son propre désir paternel. Rod Paradot joue ce fils empêché de vivre, qui se ronge les ongles et tremble, incapable d’avouer sa détresse à son père.
Un réalisme troublant
Il y a un aspect très cinématographique dans ces dialogues ultra réalistes, ces échanges quotidiens qui sont le miroir de nos vies. Avant que la tension dramatique ne s’emballe, on pourrait reprocher au texte de n’être que cela, un reflet cruel et banal de nos vies avec son lot de familles recomposées, d’adolescents à la dérive et de parents à coté de la plaque. Mais peut-être que l’auteur, justement, place le couteau sur la plaie de nos inconsciences, de nos culpabilités, en tous cas de notre incompréhension. Un sujet lourd d’émotions.
Hélène Kuttner
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