Avignon 2015 : Notre sélection danse
Festival d’Avignon 2015 Du 6 au 25 juillet |
Du 6 au 25 juillet 2015 Deux poids lourds dans le In, et de formidables propositions d’évasion dans le Off. Qui aime la danse trouve toujours des raisons de passer quelques jours dans la Cité des Papes. Angelin Preljocaj, Hofesh Shechter, Système Castafiore, la compagnie Difé Kako de Chantal Loïal, la Corée du Sud éternelle, le Vietnam contemporain… Il y a de quoi varier les plaisirs. Depuis l’arrivée d’Olivier Py à la direction artistique du Festival d’Avignon, la danse s’y fait un peu rare. Cela ne surprendra personne, Py étant metteur en scène, pas chorégraphe. Plus embêtant: l’absence de toute ligne ou de cohérence dans la programmation danse. Soulignons cependant les deux créations d’envergure, celles d’Angelin Preljocaj et de Hofesh Shechter (en fait la première en France, une semaine après la création à Berlin) s’annoncent emblématiques, des deux chorégraphes autant que de leurs pays respectifs. Laurent Mauvignier écrit, en vue de la création chorégraphique, un texte choral au sujet d’un soldat revenant chez lui après trois ans de captivité. Ca donne “Retour à Berratham”, ville qu’on cherchera en vain sur les cartes du monde. Elle n’existe pas, elle pourrait donc se trouver partout. Choristes et danseurs se partageront le plateau. “Barbarians” de Hofesh Shechter a également trait aux conflits violents qui déstabilisent l’humanité et s’annonce aussi fulgurant que d’habitude chez le nouveau chef de file de la danse britannique. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=PyHB8AB2fGE[/embedyt] Dans le Off, un parcours de la diversité qui fait sens Mais comme le In perd de son éclat, traçons plutôt un parcours dans le Off, avec ses formidables possibilités de dépaysement, et partons de la présence de Difé Kako, la compagnie de Chantal Loïal qui défend vaillamment les couleurs de la créolité dans le paysage chorégraphique. Ce n’est pourtant pas avec ses pièces les plus métissées que Loïal se présente, mais avec deux œuvres partant d’un fond tragique. L’engagement chorégraphique y rencontre une lutte contre l’oubli des souffrances infligées à des personnes antillaises ou africaines, sacrifiées au bénéfice de la France. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=SEZgYOQNU_c[/embedyt] Dans “On t’appelle Vénus”, elle rappelle sur scène la mémoire de Saartje Baartman, cette femme sud-africaine, déportée en France en 1810 et soumise aux regards, aux désirs et aux perversités des anthropologues et autres professions, sans parler du regard curieux et cupide des quidams. De l’Europe, Loïal convoque sur scène les airs tragiques de Gorecki et Pärt, les mettant au service de la “Vénus Hottentote”, longtemps enterrée sous la dalle de Chaillot, au Musée de l’Homme de Paris. Ce n’est qu’en 2002 que sa dépouille mortelle fut symboliquement restituée à sa terre natale. Chantal Loïal interprète elle-même la Baartman, dansant autant sa propre révolte que le désarroi de la Vénus malmenée. Et c’est magistral. Cette pièce, entre autres, lui a valu d’être décorée par François Hollande lui-même comme membre de la Légion d’Honneur. -> Chapelle du Verbe Incarné du 4 au 26 juillet à 12h15 (relâche les 8, 9, 15 et 22 juillet) Dans sa seconde pièce à l’affiche, elle s’attaque à un autre oubli historique. Si les tirailleurs sénégalais font partie de la mémoire collective, leurs équivalents antillais n’ont droit à aucun dicton. Si Loïal les évoque par la danse, elle jette un pavé dans la mare. Mais “Noir de boue et d’obus” n’est en rien une pièce communautariste. Les interprètes sont ici mélangés, et en plus majoritairement féminins. Aussi Loïal esquive tout ce qu’on attendrait d’une pièce évoquant les lignes de front et les tirailleurs. Les choix opérés s’avèrent être particulièrement judicieux, d’autant plus que l’idée n’est ici pas de reconstruire la vie sous les grenades. mais d’interroger les tensions, les tics, les fous rires qui naissent de l’horreur. En voix off, les lettres du front témoignent d’espoir, d’amour et de souffrance pour parler de ces élus d’un Sacre de la France, sacrifiés pour que de cette terre aussi puisse de nouveau jaillir une vie [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=SvOv_vhw0Rw[/embedyt] -> au Théâtre Golovine du 4 au 26 juillet à 14h30 (relâche les 8, 15 et 22 juillet) Au Théâtre du Balcon, une fenêtre sur le monde La compagnie suisse Interface a reçu, en 2014, le Prix du Public, pour sa pièce “Teruel”. Elle revient cette année au Théâtre du Balcon, avec “L’Oubli des Anges”, Géraldine Lonfat, autre fleuron de ses créations qui réunissent danse, chant lyrique, musique contemporaine et théâtre. Lyrique sous tous points de vu, ce spectacle total (mais sans étalage de média électroniques) se construit autour du déchirement à devoir laisser partir son amoureuse, sa sœur, sa fille… La jeune et belle victime d’un accident, interprétée par la chorégraphe de la compagnie, qui rejoint l’au-delà. “L’Oubli des Anges” ressemble à un requiem dansé et chanté d’une qualité exceptionnelle. Interface risque donc fort de rentrer chez eux, au pied de la montagne, avec de nouvelles récompenses. Et s’ils ne sont pas créoles, ils font tout de même le pari d’inviter chaque semaine deux comédiennes étrangères à jouer une partie du texte dans leurs langues maternelles, à savoir en chinois, anglais, hindi, hébreu, coréen et arabe. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=yRi7fa1cKE4[/embedyt] -> au Théâtre du Balcon, à 10h45 La présence coréenne chez Interface n’a par ailleurs rien de fortuit. Une belle amitié lie à la compagnie MAC Theatre de la ville portuaire de Busan. En 2013 ils ont beaucoup ému le public avignonnais et parisien avec “Binari”, une création mêlant danse, chant et théâtre masqué, le tout fortement empreint de tradition coréenne. Ils viennent cette année avec une nouvelle création, “Kokdu”. Le kokdu est une figurine pour cercueils traditionnels coréens. Il établit le lien entre les vivants et les morts, il protège et guide le défunt. Il se doit d’être solide, durable et serviable. Il se doit même de divertir l’âme en transit. -> au Théâtre du Balcon, à 16h
Arts visuels au CDC Les Hivernales C’est l’un des rendez-vous majeurs de la danse sur le territoire français. Chaque année, le CDC (Centre de Développement Chorégraphique) Les Hivernales offre un festival de très belle envergure – en hiver, bien sûr. Mais Les Hivernales proposent aussi chaque année la manifestation “L’Eté dans au CDC”, où chaque spectacle a une raison d’être tellement plus forte que certains qui trouvent leur entrée dans le In. Trève de comparaison, mettons simplement en avant la nouvelle création de Système Castafiore, l’une des compagnies françaises les plus originales, les plus grand public, les plus avancées en matière de technologie dernier cri. Bref, l’une des meilleures. “Théorie des Prodiges” appellent-ils leur nouvelle création qui met le XVIème siècle en rapport avec le XXIème. Une création au CDC qui sera l’une des créations les plus emblématiques de cette édition du festival. -> au Théâtres des Hivernales, du 10 au 20 juillet, à 21h45 On y découvrira aussi Isida Micani, interprète phare de la compagnie Carolyn Carlson, laquelle vient de lui transmettre son solo mythique « Density 21.5 ». Mais ici, Micani présente son propre solo, où les spectateurs, équipés de lunettes 3D, plongent dans l’univers visuel et sonore de Spike. -> au Théâtres des Hivernales, du 10 au 20 juillet, à 13h45 MiAO ! Un autre théâtre aux rendez-vous réguliers est La Condition des Soies qui accueille « Les solis noirs » d’Yvann Alexandre qui sont noirs, bien sûr, mais qu’on se rassure! Ils ne le sont pas tant que ça et se dansent sur un sol blanc. Mais cet ensemble de pièces brèves et très poétiques exprime ce désir de noir que chantaient également des peintres comme Soulages et Rothko, auquel Alexandre fait référence. Cinq solos, dont un interprété par Christian Bourrigault, autrement dit, une belle part de l’histoire de la nouvelle danse française. Ne ratez pas non plus la très intrigante Marinette Dozeville qui aime habiller son corps de lumières crées par l’artiste visuelle Do Brunet et sait conjuguer les deux univers de façon très intimiste. L’ensemble de la programmation à la Condition des Soies passe sous le générique de MiAO, ce qui signifie « Micadanses in Avignon Off », et on y reconnaît le nom de Micadanses, structure très active dans la scène danse parisienne. -> au Théâtre de la Condition des Soies, à 10h Pour les petits A partir de trois ans, on peut voir de la danse contemporaine, à Avignon et ailleurs. Au Pays Basque, par exemple. La compagnie Elirale de l’excellente chorégraphe biarrote Pantxika Telleria propose, avec « Ninika », un trio clair, poétique et sensuel pour évoquer les relations entre humains et avec la nature. Pas didactique mais ludique, ouvert et inspirant. -> au Théâtre Golovine, à 10h45 Et si vous avez dix ans (ou plus), la Région Champagne-Ardennes, qui s’installe à La Caserne des Pompiers, vous invite à un voyage chorégraphique au Vietnam, avec la pièce « Derrière les peaux, les âmes se terrent et attendent leur heure » d’Agnès Pancrassin, pièce qui évoque le Vietnam contemporain avec une liberté esthétique qu’on trouve peut-être plutôt ici que là-bas. -> à La Caserne des Pompiers, à 13h30 Thomas Hahn Photo “Barabrians”: Jake Walters
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