Festival d’Automne 2017 : Notre sélection danse
Festival d’Automne 2017 Du 13 septembre au 31 décembre 2017 Réservation par tél. au 01 53 45 17 00 www.festival-automne.com |
Du 13 septembre au 31 décembre Qui dirait que seul le théâtre parle de la réalité du monde? Au Festival d’Automne, la danse s’en empare à son tour, avec son langage spécifique qui implique toujours une dimension poétique, même quand on parle de la violence, sous toutes ses formes. Avec Maguy Marin, Dorothée Munyaneza, la Chinoise Wen Hui, Nadia Beugré ou encore Gisèle Vienne, le Festival d’Automne présente des femmes chorégraphes qui abordent des questions qui fâchent. D’autres s’intéressent aux des territoires intimes : Mette Ingvartsen, Marlène Monteiro Freitas, Jan Martens, Boris Charmatz… Red de Wen Hui La plus exotique, en regardant depuis notre petite perspective occidentale, est sans doute Wen Hui. Et elle a sa place dans les deux catégories. Wen Hui a fait sensation avec deux spectacles documentaires sur l’intimité de la femme, Report on giving birth et Report on body. Ces titres indiquent qu’elle entend creuser par la danse (mais aussi par la vidéo) des espaces intimes qu’elle donne à voir de façon crue, mais d’autant plus humaine. Dans Red, à l’affiche au Théâtre des Abbesses, elle revisite l’histoire d’un ballet emblématique de la Révolution Culturelle et du maoïsme: Le Détachement Féminin Rouge, ballet exubérant façon socialisme, qu’on a pu voir à Paris en 2013. En Chine ce ballet a été joué pendant cinquante ans et a marqué des générations. Wen Hui a interviewé l’une des interprètes principales et des spectateurs. Au fil de leurs commentaires on comprend la réalité chinoise sous Mao, cette société « sans société », où tout repose sur la hiérarchie et l’obéissance. Mais on rencontre aussi la vie privée et les souffrances physiques des danseuses, et la volonté de se donner corps et âme pour la cause du parti. Et on rit, puisque les hommes avoient bien qu’ils n’allaient pas voir ce ballet pour la gloire du communisme, mais pour les corps des danseuses. S’il est vrai que Red, ce spectacle-conférence dansé par un détachement féminin intergénérationnel, nous demande plus de patience qu’une chorégraphie ordinaire, mais il ouvre une porte sur un pays et une époque plutôt mystérieuses. Nadia Beugré, Maguy Marin, Dorothée Munyaneza : Danser pour la justice sociale Le rouge du Détachement, c’était aussi le sang sur les pieds maltraités des ballerines. Du très concret. Inversement, le rouge de Nadia Beugré est très symbolique. Dans Tapis rouge, cette chorégraphe inclassable et inénarrable, laisse éclater, avec son partenaire de scène Adonis Nébié et face au guitariste Seb Martel, de véritables orages gestuels et sonores. Il faut comprendre le Tapis Rouge du titre comme une déclaration d’intention. Ce trio fulgurant rend hommage à une classe ouvrière, en Afrique et ailleurs, qui paye de leurs corps et de leur sang l’aisance des autres. Mais Beugré évoque aussi des femmes travaillant dans les mines qui versent leur propre sang pour faire remonter l’or. Avant de se le faire voler… Beugré s’est rendue sur place. Elle a vu les cicatrices sur les corps des femmes minières. Dorothée Munyaneza s’est rendue dans son Rwanda natal pour vivre avec les femmes Tutsi qui ont donné naissance à des enfants, après avoir été violées par les Hutu déchaînés. Elle se dit bouleversée par la dignité et la sagesse de ces femmes, pourtant rejetées par leur communauté et obligées à vivre à la marge. Ca donne son nouveau spectacle intitulé Unwanted. Maguy Marin n’est pas moins engagée. Mais elle n’a pas besoin de voyager pour rencontrer le sujet de sa nouvelle création qui se penche sur les injustices sociales générées par le libéralisme économique qui échappe à toute modération. En partant des réflexions de Walter Benjamin et de l’exemple de l’Américain Edward Bernays, l’inventeur du marketing manipulatoire, elle entend créer une pièce capable de « réinsuffler de l’espoir et de l’envie » avec un travail théâtral et chorégraphique aux accents tragi-comiques. Vienne, Ingvartsen, Freitas, Martens et Charmatz… De Beugré, Marin et Munyaneza, chacune crée pour en découdre avec la violence ambiante. Gisèle Vienne, elle, met en scène une fête pour une quinzaine de ravers. Mais au sein de la joie se cache, comme dans chaque individu, déjà une violence refoulée et inavouable, jusqu’à ce qu’elle éclate au grand jour et fait des victimes. Crowd, sa nouvelle création, part donc du constat qu’une société a besoin de créer des espaces où les humains peuvent laisser éclater leur besoin de violence. Et on connaît le talent de Gisèle Vienne fusionner corps, arts plastiques, marionnettes, lumières et son. Vienne fait partie des artistes qui ont su forger un univers authentique. Vienne n’est ici pas seule à tabler sur quinze interprètes, nombre tout à fait exceptionnel en danse contemporaine. Mette Ingvartsen lui emboîte le pas. Et comme elle met tout le monde dans des combinaisons bleues qui créent une sorte de dummy (et là on se souvient du spectacle Showroomdummies de Gisèle Vienne), sa pièce to come (extended) se déroule dans une abstraction irrésistible, car tout de même portée sur la rencontre érotique. Marlene Monteiro Freitas livre plutôt une performance musicale et Jan Martens, nouveau prodige de la scène flamande, combine allègrement des éléments de contes et de légendes imaginaires avec un vocabulaire très répétitif, expérimenté dans ses spectacles précédents. Jusqu’ici, c’est-à-dire jusqu’à la création de Rule of three, Martens a plutôt été perçu comme un chorégraphe qui pourrait exiger 10.000 répétitions d’un même geste. Avec Boris Charmatz et ses 10000 Gestes, on peut désormais vérifier l’effet que nous fait l’exact contraire. Pas un seul ne sera répété ne serait-ce qu’une seule foi, promet-il. Thomas Hahn [Crédits Photo : Laurent Philippe/ Dai Jianyong/ Estelle Hananian / Filippe Ferreira] |
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