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Festival Avignon Off 2024 : nos premiers coups de cœur

Hélène Kuttner 2 juillet 2024
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©-Yanick-Macdonald

Il y a ceux que l’on va découvrir parmi les 1683 spectacles à l’affiche du Festival Off d’Avignon, proposés par plus de 1316 compagnies dans 141 lieux à partir du 3 juillet. Comme chaque année, nous sommes sur place pour guider vos choix dans cette grande fête du spectacle. Voici trois de nos coups de cœur déjà présentés en avant-premières et à découvrir rapidement. Bon festival ! 

Le Poids des fourmis à la Manufacture
Du 4 au 21 juillet à 10h – Réservations ici

Jeanne est en colère. “Croire que je peux changer le monde me donne envie d’en faire partie” clame la jeune lycéenne qui tague les pubs des shampoings parce qu’ils lui renvoient une image de laideur, qui interpelle son proviseur sur la vacuité des programmes scolaires, qui débarque par effraction chez Madame la Maire pour parfaire son discours. Car on lui propose de se faire élire à la présidence de l’association lycéenne, elle en a la rage et la carrure, le franc-parler et le verbe haut. De l’autre côté, Olivier, un adolescent, fait des rêves de planète brulée et rencontre une libraire souvent ivre qui lui offre le plus beau des cadeaux : L’Encyclopédie du savoir inutile, qui nous informe sur les mondes infinitésimaux qui nous entourent, tout ce que l’on ne sait pas et qui est bien sûr essentiel.

© Yanick Macdonald

Ces deux-là, Jeanne et Olivier, ressemblent à tous les jeunes révoltés aujourd’hui par le réchauffement climatique, le gâchis du capitalisme, la misère des plus pauvres et la richesse des happy few. Comment agir sur tous les dérèglements qui nous menacent ? C’est le propos de ce formidable spectacle dont le texte signé David Paquet est mis en scène avec une énergie virevoltante par Philippe Cyr. Sur un plateau envahi d’une piscine de balles, surmonté par une terrasse en pelouse synthétique et un palmier en plastique flashy, Nathalie Claude, rousse explosive, interprète une trentaine de rôles, et Gaetan Nadeau campe le bedonnant directeur qui réagit comme un dictateur. Elisabeth Smith et Gabriel Szabo sont formidables dans les rôles des adolescents révoltés, qui nous font partager l’incandescent bouquet de nos angoisses collectives en nous invitant, malgré tout, à l’entraide et au partage. 





Frères au Théâtre des Corps Saints
Du 3 au 21 juillet – À 18h05 – Réservations ici

Voici une pièce en forme de combat de catch entre deux amis que tout oppose mais qui partagent une même passion : celle de faire la cuisine dans un restaurant gastronomique. Maxime et Emile se retrouvent en CAP cuisine. Le premier doit vite gagner sa vie et est issu d’une famille modeste, le second est le fils d’une famille bourgeoise dont l’autoritaire papa est propriétaire d’un grand restaurant. L’un est flegmatique, peu sûr de lui et insécure, l’autre est nerveux, déterminé et prêt à tout. Et ces deux-là, si différents, ne vont plus se quitter.

© François Fonty

Clément Marchand, dont c’est la première pièce de théâtre, raconte un milieu qu’il connaît bien pour l’avoir côtoyé étant jeune. Loin des paillettes et de la vitrine télégénique de Top Chef, ce qu’il décrit, à travers des dialogues à la vivacité féroce et pleins d’humour coriace, c’est la dureté et l’exigence des premiers pas dans les cuisines pour de jeunes apprentis. Cadence infernale, racisme, sexisme, le travail en cuisine ressemble à un sacerdoce au service exclusif du client et de la dégustation plaisir. Tout cela est raconté avec talent et humour dans une aventure haletante, autour des deux personnages et leurs dialogues aux petits oignons. Qu’est-ce que l’amitié masculine ? Entre admiration et rivalité, Jean-Baptiste Guinchard et Guillaume Tagnati sont excellents dans une mise en scène au cordeau de l’auteur, chorégraphiée subtilement par Delphine Jungman. La musique et un judicieux décor viennent parfaire le tout, un vrai régal on vous le dit !





Mal élevée au Théâtre des Lila’s
Du 2 au 21 juillet – À 19h10 – Réservations ici

Pourquoi n’apprend-on pas aux filles à dire non ? Pourquoi faut-il sans arrêt s’excuser, même et surtout quand on n’est pas coupable ? Continuer à sourire et à remercier malgré les atteintes morales ou physiques, les vexations ou plaisanteries grivoises dont les filles sont souvent les victimes ? Astrid Tenon et Lætitia Wolf ont partagé leur vécu, leurs frustrations et leurs révoltes de petites filles, devenues adolescentes et adultes.

© Elise Gotchac

De ce mélange des expériences, les deux comédiennes ont concocté un spectacle épatant de justesse et de finesse, où se déploient une parole, des dialogues percutants et édifiants sur la manière dont les filles sont écartées, formatées et méprisées dans la sphère familiale et sociale. Elles disent ces textes, prosaïques et poétiques à la fois, s’interpellent et s’amusent, évoluant de manière chorégraphique et symétrique sur un plateau en forme de marelle comme dans une cour d’école. Elles sont très différentes et pourtant semblent être les deux faces d’une même pièce, celle qui porte en elle la mémoire des abus, des harcèlements et des petits mensonges. Dans de belles lumières, les deux actrices semblent obéir à une rythmique de comédie musicale, navigant sans détour entre le tragique et le comique, le réel et le faux semblant. Tout est ici signifié, suggéré avec la délicatesse d’un geste artistique porteur d’une puissance magistrale. Une vraie réussite.





Hélène Kuttner

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