Fabrice Luchini

Serge Delcourt : Fabrice Luchini, vous serez le 29 juillet dans la carrière du château de Lacoste, pour jouer Le Point sur Robert, spectacle de textes de vos auteurs de chevet : Paul Valéry, Molière, Rimbaud entre autres… Ainsi que des choses à vous, assez personnelles ?

Fabrice Luchini : C’est un spectacle que je joue depuis deux ans à Paris, un spectacle qui exige beaucoup du spectateur, qui est assez atterré par le niveau au début ! Il est désorienté. Mais ils sont tous désorientés, il faut les rassurer : de Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal, Robert Hue… !
Il y a de grands auteurs, de Paul Valéry à Arthur Rimbaud, et puis ma vie personnelle pour la première fois : mes rencontres avec Roland Barthes, Michel Bouquet, Eric Rohmer, Johnny Hallyday, Laurent Terzieff. Et au milieu de tous ses grands auteurs, et bien il y a quand même des choses très drôles. Mais le but est de mélanger la très haute langue de Chrétien de Troyes à Rimbaud et mon existence personnelle. C’est ce qu’on appelle un one man show mais sans tomber dans cette confidence indécente du « moi sociologique », c’est-à-dire du petit moi : « je suis rentré, elle ne voulait pas baiser ! Ah merdre ! Donc alors… », ça ce n’est pas possible ! On commence par du Paul Valéry puis on passe aux rencontres, ce qui fait que ce spectacle a eu un retentissement depuis deux ans que je le joue. Il s’appelle Le Point sur Robert, et Robert est mon vrai prénom.

S. D. : Les critiques sont unanimes, le spectacle est salué comme étant vraiment magnifique, une petite perle. Mais certains s’étonnent de votre capacité à retenir tous ces grands textes en plus des choses un peu plus personnelles. N’y a-t-il pas une part d’improvisation ?

F. L. : Il ne faut pas mentir du tout, il y a 50% de personnel. Ce n’est pas comme le La Fontaine, le Céline, ce n’est pas uniquement les textes d’auteurs. Parce qu’il y a des femmes, « très très abonnées à des journaux culturels du genre Télérama » qui s’esclaffent : « je préférais le La Fontaine, c’est un scandale ! » Là, c’est emprunt de ma vie personnelle avec tout ce qu’il y a d’anecdotique, c’est-à-dire que c’est un mélange. J’ai écrit 50% du spectacle et les autres 50% le sont par les grands auteurs. Concernant les parties dont je suis l’auteur, il y a une trame très précise qui tourne autour du rapport amoureux. Et à l’intérieur de cela il y a une merveille… il y a de l’improvisation. Effectivement la structure est sérieuse mais il y a de l’improvisation. Mais l’improvisation ne veut rien dire, le but est d’improviser même ce qui est déjà écrit, ce que l’on sait. C’est cette innocence dans laquelle l’acte doit être, parce que rien n’est autre chose qu’improvisé même si l’on connaît le texte par cœur. Enfin c’est de la cuisine !

Je vais  jouer ce spectacle dans plusieurs châteaux, dont le château de Sade de Pierre Cardin. J’avais déjà adoré joué dans son théâtre parisien, trois mois cet hiver, et c’était merveilleux. Il est arrivé qu’une journaliste de la Provence, assez sympathique, ait voulu faire de l’humour en commençant son interview par cette question : « Avez-vous des réductions sur les costumes de chez Cardin ?! ». Je me suis demandé comment m’adapter à cette proposition d’interview ! Et je lui ai répondu que Pierre Cardin est un grand seigneur et que lorsque je jouais dans son très joli théâtre de 750 places – c’est le théâtre de Bernstein – on a eu la chance de l’avoir plein tous les soirs, et une fois par semaine, Monsieur Cardin, nous invitait à dîner. Il a une voix magnifique.

Après le festival de Lacoste, nous tournons et partons en Amérique. Je jouerai un mois au Québec, puis à New York et à Washington. Ensuite je rentre pour jouer Le Point sur Robert dans tous les opéras de France. Et puis, je termine à l’Espace Pierre Cardin au mois de décembre avant de partir en Espagne tourner un film. Mais cette tournée va durer jusqu’au mois de février.

S. D. : Fabrice Luchini, deux mots pour finir sur le festival d’Avignon : vous savez que l’on est au cœur de ce festival, et l’on m’a dit que dans les années 1970, vous aviez fait répéter Michel Bouquet pour un spectacle dans la Cour d’Honneur ?

F. L. : Oui, j’avais tourné mon premier film important avec Michel bouquet, qui s’appelait Vincent mit l’âne dans un prè. Et c’est d’ailleurs à ce moment, que le plus beau des conseils de cet homme est arrivé. Ce fut une révélation à un jeune acteur face à une carrure immense comme celle de Michel Bouquet qui est certainement la plus belle voix du théâtre et du cinéma français. Je me souviens très bien de ce premier conseil, au bout d’une quinzaine de jours, il m’avait dit (en l’imitant) : « Il faut que tu deviennes complètement normal ». Voilà le but d’un acteur, c’est de devenir complètement normal et on y est arrivé. Après le tournage de Pierre Zucca, avec Bernadette Lafont, où nous avions tourné trois mois ensemble – j’avais été illuminé – il y eut un petit rôle dans En attendant Godot, celui qui n’a que trois phrases à dire. Michel Bouquet jouait Pozzo et ça n’a depuis lui, jamais été joué comme cela d’ailleurs. Nous étions à Avignon. Il entrait et se présentait : « Je me présente, Pozzo, mon nom ne vos dit rien, je vous demande si mon nom ne vous dit rien ». Et là, il y avait 1500 à 2000 personnes complètement fascinées. Moi j’interprétais l’Ange, ce qui m’a permis de sympathiser avec lui et d’être son répétiteur, de le suivre partout à travailler ce texte. J’en parle d’ailleurs dans mon spectacle.
Donc Avignon, c’est le « tout culturel », comme dirait Paul Valéry, c’est sa phrase la plus drôle : «  le drame c’est qu’il y a trop de tout ». Ce n’est pas génial ?!

S. D. : Merci infiniment Fabrice Luchini. Je rappelle parmi les dates importantes, celle du Vaucluse évidement, dans le Château de Lacoste, un cadre magnifique. Ce sera le mercredi 29 juillet 2009.

F. L. : Ca m’a fait plaisir, vous êtes remarquable ! Vous avez une bonne voix, bien placée ! A très bientôt !

Interview réalisée par Serge Delcourt (France Bleue Vaucluse)

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Le Festival de Lacoste – Programme:

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