Eva Peron au Théâtre du Tambour Royal
Au théâtre du tambour royal dans le 11ème, ces cinq acteurs ont dû s’imposer face à un public quasi absent : au total, 4 spectateurs. De quoi décourager une troupe des plus motivée et pourtant… Aucun n’a perdu l’énergie qui l’animait. Et c’est dans une ambiance intimiste que s’est jouée cette pièce aux accents latins. Visuellement, la mise en scène repose sur trois couleurs : le rouge, le noir et le blanc. Rouge – comme la robe d’Eva, offerte dédaigneusement à sa mère au début du spectacle – qui symbolise ici la mort prochaine de l’héroïne. Noir comme le canapé, qui sert de lit de mort et de pièce à vivre. Mais également comme la robe que porte Eva tout au long de la pièce. Une couleur qui en dit long sur la face cachée de chacun des personnages : Ibiza, le majordome est avide de pouvoir. Derrière la serviable infirmière se cache une femme bien plus maligne qu’il n’y paraît. La mère, nostalgique de sa jeunesse, supplie sa fille mourante de lui livrer les codes de ses coffres forts en Suisse. Et Peròn, ni mort ni vivant, quasi muet, quasi absent. Enfin le blanc, couleur immaculée, couleur de la seconde chance, de l’innocence mais aussi et surtout de la renaissance. Eva aura-t-elle cette chance ?
Viva Argentina !
Toujours servi par ses origines latines, le texte impose à ses acteurs une gestuelle poussée à l’extrême. Entre flamenco et tango, ces derniers bougent, dansent, s’étirent, se touchent de telle sorte que l’on se croirait dans un spectacle de danse : Ibiza entrainant Peròn sur fond de musique ultra rythmée reste l’un des moments forts de la pièce. Le langage du corps tient ici une place prépondérante dans l’avancement de l’intrigue : l’infirmière, toujours courbée, se redresse peu à peu. La mère, droite et digne au début, finit par ramper aux pieds de sa fille. Peròn, replié sur lui même, arrive au final à se tenir debout.
Très agressive, la fable écrite par Copi en 1969 n’a pas pris une ride. La pièce Eva Peròn oscille, une heure et demi durant, entre la violence des textes – « salope », « putain », « crève » – et la violence des actes – les gifles d’Ibiza à la mère de l’héroïne, les coups de pieds d’Evita à sa mère ou encore l’usage du couteau. Le tout cadencé par une bande son très variée. On regrette néanmoins quelques coupures musicales un peu brutales, qui donneront au spectateur un sentiment d’inachevé…
De cette fable l’on retiendra des acteurs de talent, entièrement dévoués à leur pièce. Mais cet hommage lucide à la femme du président argentin Peròn est d’une exubérance toute latine : cruelle, dramatique et criarde, l’histoire jongle entre humour noir et tragédie. Pour amateurs du genre uniquement.
Mathilde Degorce
Eva Peròn de Copi
Mise en scène : Jean Leloup
Chorégraphies : Muriel Ngoué et Jean Leloup
Scénographie : Mobilier prêté par Maisons du Monde
Costumes : Fred et Rick, Lola et Jordi Gomis chez Mode en Demeure
Avec Marie Durand ou Marianne Serra, Aurèle Le Fur ou Emilia Ruiz, Xavier Bazin, Pia Medina Luna ou Sarah Cottereau, Boris Azemar ou Jean Leloup
Jusqu’au 30 novembre 2009
Mardi & Mercredi à 20h30. Jeudi à 19h.
Théâtre du Tambour Royal
94, rue du Faubourg du temple – Passage Piver 75011 Paris
Metro : Belleville ou Goncourt
Réservations au 01 48 06 72 34
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