Ercole Amante, un spectacle éblouissant
© S. Brion
Le jeune chef d’orchestre Raphaël Pichon s’attaque à un opéra de Cavalli gonflé d’intrigues mythologiques ou le bel Hercule se fait ridiculiser à cause de son amour. Valérie Lesort et Christian Hecq donnent à cette production une incroyable fantaisie visuelle et la musique jouée sur des instruments anciens nous transporte avec la furie des orages de tragédie. Encore une réussite à l’Opéra Comique.
Un opéra destiné à la gloire des rois français

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C’est le Cardinal Mazarin qui commanda à l’Italien Cavalli un spectacle total en l’honneur du mariage de Louis XIV et de l’Infante d’Espagne, et le roi lui-même, habillé en Soleil, prit part à sa création en 1662 au Théâtre des Tuileries, inaugurant le Théâtre des Machines. Lully devait lui adjoindre des ballets mais la complexité de l’intrigue et la longueur de l’opéra, ainsi que la rivalité entre artistes italiens et français, renvoyèrent le compositeur et son oeuvre à Venise. C’est justement cet extraordinaire et baroque mélange des genres, comique et tragique, lyrique et farcesque, qui a séduit aujourd’hui le jeune chef Raphaël Pichon qui est parvenu, dans son élan formidable avec les musiciens et chanteurs, à rendre la partition flamboyante, contrastée et si passionnante.
Chœurs, chanteurs et musiciens au diapason de la passion

© S. Brion
Deux harpes, deux théorbes, des cornets et des trompettes, des clavecins et des sacqueboutes, des violes de gambe et une basse de violon qui impulse l’atmosphère, soleil ou orage, larmes ou bonheurs, sont quelques uns des instruments d’époque dont la résonance chaude et boisée transporte les oreilles des spectateurs dans un voyage merveilleux. Le prologue, notamment, est un bouquet de promesses musicales qui ne vont cesser d’éclore, et dont le choeur, dont les visages apparaissent en étoile au bout de chaque rayon de soleil, est le vibrant exemple. La voix surgit d’un visage tout doré, dans un rond de paradis, commentant une intrigue dont les rois et reines sont les héros de sit-com. La composition musicale ici invente, explore, dans les scènes de genres, les récitatifs, enveloppant chaque personnage d’une humeur, d’une émotion, d’une interrogation ou d’une rêverie.
Un véritable théâtre à images

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Comme ils l’avaient parfaitement réussi sur Domino Noir d’Auber, les deux metteurs en scène se sont régalés à plonger dans les machineries et accessoires du 17° siècle, pour en renouveler l’usage dans une esthétique comique actuelle. Chaque scène est donc une occasion à faire descendre, monter ou apparaître une fantasmagorie, caractériser un personnage en respectant le livret à la lettre. Hercule, évidemment, roule les mécaniques et trimbale au bout de sa laisse un gentil monstre captif qu’il frappe avec un gourdin en forme d’os, Vénus descend sur terre dans un avion rose en battant des ailes de cocotte, Déjanire traîne une robe dont les interminables voiles bleus ressemblent à un flot de larmes, et le Sommeil prend la forme d’un bibendum énorme soufflant comme un Bouddha son haleine ensorcelante. On n’oublie pas la robe paon de Junon aux deux paires d’yeux, fière et dominatrice, ni le sous-marin de Neptune. Il faut dire que dans cette débauche d’inventions artisanales et de costumes signés Vanessa Sannino, sans une seule image numérique, les interprètes possèdent une remarquable aisance. La basse Nahuel Di Pierro, Hercule tonitruant, Anna Bonitatibus explosive dans Junon, Giuseppina Bridelli en Dejanire d’un tragique profond, Francesca Aspromonte en lumineuse Yole et Krystian Adam en Illo benêt mais déchirant, tous participent avec bonheur et talent à ce spectacle unique et réjouissant.
Hélène Kuttner
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