En bonne compagnie au Théâtre des Nouveautés

La dernière comédie de Francis Veber, Un Animal de compagnie, a le charme tranquille et décontracté du poisson rouge dont il est question. Adopté par Henri et Christine qui traversent une phase difficile, le poisson devient contre toute attente le confident idéal qui permet au couple de ne plus tourner en rond.

Le mari nommé Henri est journaliste et il est finement interprété par Stéphane Freiss, qui a la bonne cinquantaine séduisante. Son épouse Christine, décoratrice, tout autant séduisante, a tenu à privilégier sa carrière, laissant passer le moment d’avoir un enfant à la grande déception de son conjoint. Après vingt ans de mariage, bien que toujours fringants et sexy, l’absence de marmots les laisse quelque peu las face à l’érosion du couple, n’ayant rien à se reprocher ni conflit majeur, mais étant juste banalement confrontés à la morosité qui survient au fil des ans malgré l’envolée amoureuse des débuts. Christine, battante et énergique, demande à son mari de lui acheter un yorkshire pour combler le vide, mais, par petite rancune malicieuse sans méchanceté, c’est un poisson rouge qu’Henri décide de ramener à la maison. Et c’est ce petit animal de compagnie, d’abord rejeté et détesté, qui finit par provoquer des échanges cocasses et des remous salutaires pour eux, amusants pour le public.

Toujours présent sur le plateau, le poisson intervient quelquefois à travers la voix familière de Gérard Jugnot. En son aquarium il ne cesse de tourner en rond évidemment, à l’image d’Henri et Christine qui se croisent avec lassitude au rythme de leurs rendez-vous professionnels. Petit à petit s’échafaude autour de lui un drôle de manège d’amoureux en reconstruction. D’autant plus qu’un ami du couple, Jean-Pierre, personnage puéril et désarçonnant de naturel fort bien interprété par Philippe Vieux, s’installe chez eux pour quelques jours, son arrivée étant très vite suivie de celle d’une jeune femme qui apporte une touche pimentée. Le quatuor se livre à des chassés-croisés, chacun souhaitant trouver une stabilité et attisant la jalousie de l’autre pour le reconquérir, tandis que le poisson, imperturbable, incarne un équilibre que tous rêvent de trouver.

Cette comédie, différente des célèbres réalisations de Francis Veber, notamment Le Dîner de cons, ne cherche pas à enchaîner rire sur rire ni à multiplier les rebondissements. Elle manie joliment un certain humour désabusé, en posant un regard débonnaire sur les naufrages du couple. Francis Veber sort une palette moins corsée que ce à quoi il nous a habitués mais il choisit de traiter la thématique de l’amour usé avec une verve comique plutôt simple, touchante, rangeant modestement les affres de l’amour dans un courant en eau douce. C’est agréable, on y rit par petites tranches bien franches et les spectateurs passent une bonne soirée. C’est finalement optimiste et reposant. L’ennui qui s’installe dans un couple étant désopilant de banalité il faut bien l’avouer, c’est une bonne idée de le traiter ainsi, avec une vraie tendresse pour les humains qui peut-être ont juste besoin de se tenir compagnie pour être heureux, comme tous les animaux.

Émilie Darlier-Bournat

[Photos 1 et 2 © Bernard Richebé]