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“Edith Piaf, je me fous du passé” : la fureur de vivre

Hélène Kuttner 19 novembre 2022
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© Philippe Escalier

Dans un spectacle en forme de cabaret musical, Béatrice Bonnaudeau, comédienne et chanteuse, retrouve le personnage mythique auquel on l’associe souvent, Edith Piaf. A ses côtés, une Piaf plus jeune chante encore dans la rue, sous l’oeil ravageur d’un producteur qui rêve d’en faire une star. Multipliant les doubles et les fausses pistes, la pièce de Victor Guéroult, mise en scène par Loïc Fieffé, est une fantaisie théâtrale qui percute malicieusement le réel que chaque personnage réinvente à tour de rôle pour exister. Fascinant.

La création d’un mythe

© Philippe Escalier

Figure incontournable de la scène française de 1930 à 1960, Edith Piaf ne cesse de fasciner par sa créativité, sa carrière fulgurante, ses amours et ses drames personnels. Son charisme, sa générosité et son talent ont fait des émules dans la France entière, jeunes filles de tous milieux qui cherchaient à l’imiter en chantant ses chansons populaires. Petit bout de femme aux yeux immenses, elle fut aussi une tendre croqueuses d’hommes, coachant avec une parfaite connaissance du milieu Charles Aznavour ou Yves Montand, jeunes chanteurs encore très verts. Plongeant dans tous les méandres de cette vie incroyable, l’auteur de la pièce imagine donc une jeune fille, Thérèse, campée par la formidable Léa Tavarès, qui souhaite se lancer dans la chanson sous l’influence de sa star préférée. Un double de Piaf en quelque sorte, avec une voix incroyable et un physique identique.

Un producteur impitoyable

© Philippe Escalier

Avec Thérèse, et son frère (Nicolas Soulié), surgit aussitôt un producteur impitoyable et carnassier, appâté par le talent de la jeune fille, campé par l’excellent Gérald Cesbron. Et c’est l’intérêt de ce spectacle émouvant, de nous montrer l’envers du décor de l’époque, dans les années 1940, quand il fallait bien survivre et vivre de l’Occupation, en divertissant une population tétanisée. Et c’est encore Thérèse, quelques années plus tard, que le producteur viendra chercher pour remplacer définitivement Edith Piaf, affaiblie par  l’alcool et la maladie, qui peine à poursuivre ses concerts. Béatrice Bonnaudeau et Léa Tavarès, physique proche à quelques années de distance, sont toutes deux vibrantes, totalement convaincantes quand elles interprètent Mon amant de Saint-Jean ou La vie en rose, Padam ou Je ne regrette rien, créant le trouble du doute sur la “vraie” Edith Piaf. Franck Jazédé incarne avec une belle humanité une tenancière de maison close, clin d’œil aux lieux interlopes que Piaf fréquentait au tout début de sa carrière, mais il est aussi ce frère médecin qui cherche à protéger la santé fragilisée de Thérèse-Piaf. Lionel Losada orchestre élégamment les chansons au piano dans le rôle de Marco le producteur. Un spectacle réjouissant, léger et grave à la fois, qui évoque la passion de créer et de vivre, d’aimer et d’exister, à tout prix.

Hélène Kuttner  




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