0 Shares 2182 Views

“Edith Piaf, je me fous du passé” : la fureur de vivre

Hélène Kuttner 19 novembre 2022
2182 Vues

© Philippe Escalier

Dans un spectacle en forme de cabaret musical, Béatrice Bonnaudeau, comédienne et chanteuse, retrouve le personnage mythique auquel on l’associe souvent, Edith Piaf. A ses côtés, une Piaf plus jeune chante encore dans la rue, sous l’oeil ravageur d’un producteur qui rêve d’en faire une star. Multipliant les doubles et les fausses pistes, la pièce de Victor Guéroult, mise en scène par Loïc Fieffé, est une fantaisie théâtrale qui percute malicieusement le réel que chaque personnage réinvente à tour de rôle pour exister. Fascinant.

La création d’un mythe

© Philippe Escalier

Figure incontournable de la scène française de 1930 à 1960, Edith Piaf ne cesse de fasciner par sa créativité, sa carrière fulgurante, ses amours et ses drames personnels. Son charisme, sa générosité et son talent ont fait des émules dans la France entière, jeunes filles de tous milieux qui cherchaient à l’imiter en chantant ses chansons populaires. Petit bout de femme aux yeux immenses, elle fut aussi une tendre croqueuses d’hommes, coachant avec une parfaite connaissance du milieu Charles Aznavour ou Yves Montand, jeunes chanteurs encore très verts. Plongeant dans tous les méandres de cette vie incroyable, l’auteur de la pièce imagine donc une jeune fille, Thérèse, campée par la formidable Léa Tavarès, qui souhaite se lancer dans la chanson sous l’influence de sa star préférée. Un double de Piaf en quelque sorte, avec une voix incroyable et un physique identique.

Un producteur impitoyable

© Philippe Escalier

Avec Thérèse, et son frère (Nicolas Soulié), surgit aussitôt un producteur impitoyable et carnassier, appâté par le talent de la jeune fille, campé par l’excellent Gérald Cesbron. Et c’est l’intérêt de ce spectacle émouvant, de nous montrer l’envers du décor de l’époque, dans les années 1940, quand il fallait bien survivre et vivre de l’Occupation, en divertissant une population tétanisée. Et c’est encore Thérèse, quelques années plus tard, que le producteur viendra chercher pour remplacer définitivement Edith Piaf, affaiblie par  l’alcool et la maladie, qui peine à poursuivre ses concerts. Béatrice Bonnaudeau et Léa Tavarès, physique proche à quelques années de distance, sont toutes deux vibrantes, totalement convaincantes quand elles interprètent Mon amant de Saint-Jean ou La vie en rose, Padam ou Je ne regrette rien, créant le trouble du doute sur la “vraie” Edith Piaf. Franck Jazédé incarne avec une belle humanité une tenancière de maison close, clin d’œil aux lieux interlopes que Piaf fréquentait au tout début de sa carrière, mais il est aussi ce frère médecin qui cherche à protéger la santé fragilisée de Thérèse-Piaf. Lionel Losada orchestre élégamment les chansons au piano dans le rôle de Marco le producteur. Un spectacle réjouissant, léger et grave à la fois, qui évoque la passion de créer et de vivre, d’aimer et d’exister, à tout prix.

Hélène Kuttner  

Articles liés

Retrouvez KOSMA + AGATHE BONIN + APRILE en concert à La Boule Noire !
Agenda

Retrouvez KOSMA + AGATHE BONIN + APRILE en concert à La Boule Noire !

C’est pop, c’est frais, c’est KOSMA. Les deux jumeaux qui regroupent plus de 300.000 personnes sur les réseaux connaissent une belle ascension depuis leur début en mai 2021. Entre chansons françaises et pop urbaine, le duo propose sur scène...

“Gisèle Halimi, une farouche liberté” : hommage à une figure du féminisme à la Scala
Agenda
33 vues

“Gisèle Halimi, une farouche liberté” : hommage à une figure du féminisme à la Scala

Créé triomphalement à La Scala Paris la saison dernière, ce spectacle bouleversant est un hommage essentiel à la célèbre avocate. Depuis sa création, cette production de La Scala Paris affiche complet ! Interprétée par Marie-Christine Barrault et Hinda Abdelaoui,...

“Que d’espoir !” un cabaret hors normes au Théâtre de l’Atelier
Agenda
112 vues

“Que d’espoir !” un cabaret hors normes au Théâtre de l’Atelier

Valérie Lesort, artiste prolifique multiprimée aux Molières pour son univers visuel unique, s’empare des cabarets du dramaturge israélien Hanokh Levin, maître incontesté de la satire. Dans une mise en scène riche en inventivité plastique faite de transformations à vue...