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Ecrire de Marguerite Duras – Théâtre de l’Atalante

3 octobre 2011
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Ecrire de Marguerite Duras - Théâtre de l’Atalante

Car l’écriture plus que jamais s’impose comme un acte fort de survie. Elle, capable de se mettre en danger pour accoucher d’un seul mot, considère au plus profond de sa solitude qu’un seul choix s’offre à elle : soit la mort soit… le livre. Ainsi, elle a choisi depuis longtemps : le livre car : « cette solitude réelle du corps devient celle, inviolable, de l’écrit ». Celui-ci Ecrire sera son dernier, publié en 1993 quelque peu avant son décès le 3 mars 1996 au troisième étage du numéro 5 de la rue St Benoît à Paris dans le 6ème arrondissement, à l’orée de ses 82 ans.

Comment avec un tel matériau Jeanne Champagne a t’elle pu donner de la théâtralité à un texte qui s’apparente à un testament littéraire ? Ecrire ne semble-t-il pas destiné à ceux qui écrivent déjà ? Comment Tania Torrens parlera-t-elle aux spectateurs dès lors que Duras enferme tout jeu possible avec ses assertions lapidaires ? Comment faire quand elle nous dit qu’écrire « c’est ne pas parler, c’est se taire, c’est hurler sans bruit. » ? Surtout quand elle enfonce le clou en ajoutant : « C’est reposant souvent, un écrivain ça écoute beaucoup. »

Partager avec un large public un moment de vérité

Jeanne Champagne, metteur en scène, courageuse et exigeante affirme que ce texte est probablement l’un des plus difficiles de Duras à transmettre sur un plateau de théâtre.

« Ma façon à moi de dire (d’écrire ? ), c’est mettre en scène le texte de Marguerite Duras au théâtre avec la voix et le corps de l’actrice, Tania Torrens »

Car, ça ne se partage que difficilement au premier abord nous dit-elle mais c’est pourtant ce questionnement autour de l’acte d’écrire qu’elle a souhaité partager avec un large public.

Et de questionner : « Aller vers ce mystère de l’écrit avec un grand écrivain comme Marguerite Duras, n’est-ce pas partager un moment de vérité ensemble ? »

Ce moment de vérité s’imposait. Il était inscrit puisque ce texte avait pris forme à Equinoxe, Scène Nationale de Châteauroux dont il vous faut savoir qu’elle y est artiste associée, (Écrire, création en novembre 2009 puis en tournée à l’Abbaye de Noirlac) avant qu’elle n’y propose La Maison, spectacle imaginé à partir de La Vie matérielle et autres textes de Marguerite Duras (tournée dans l’Indre en mai 2010, puis en tournée à Duras, à Trouville, au Théâtre du Lucernaire, etc.) « A la fin de La Maison, dans le tableau final, précise Jeanne Champagne, Tania Torrens plonge dans les racines de La Maison, alors Ecrire m’apparut comme l’évident prolongement qu’il me fallait exploiter. Dès lors, l’actrice acceptait d’être ce matériau qu’est l’écriture. En conséquence, si Duras se mettait en danger, je voulais qu’on entende la façon dont Tania Torrens se projetait dans cette posture. » La comédienne insuffle la vie là où quelques soupirs semblent pouvoir suffire. Cadrée par une mise en scène millimétrée, Tania Torrens entre coups de téléphone auxquels elle ne répondra pas, confession qu’elle fait à son magnétophone et entourée de cris des enfants sortant de leur école, nous renvoie avec justesse à ce drame qui se joue de l’intérieur, ayant réglé définitivement son horlogerie interne durassienne que peu d’artistes pourront se vanter de posséder !

La mouche, héroïne « à l’insu de son plein gré »

Bien évidemment, il y a une mise en scène de l’écriture, donc les durassiens retrouveront le texte. C’est vous dire que cela pourrait sembler difficile de jouer des éléments qui n’appartiennent ni au sentiment ni aux points de repère, et pourtant… »

L’épisode de la mouche dans lequel Tania Torrens excelle, ouvre une fenêtre romanesque. Cette mouche prend tout à coup une formidable place dans cet espace où deux êtres sont unis par leur immense solitude : l’insecte et la femme désormais unis pour la postérité ! « Je voulais retirer cet épisode afin de resserrer sur l’écriture en gommant cette anecdote mais Tania Torrens a tenu à ce que nous conservions ce passage très ludique et j’en suis finalement ravie ! »

La salle du Théâtre de l’Atalante permet cette rencontre par la configuration de son espace chaleureux où se faufilent les jeux subtils de la lumière et où bruissent de délicates illustrations sonores.

A dire vrai, on est heureux de ce type de théâtre à voir et à entendre de l’intimité d’une femme écrivain que l’iconographie renvoie à une dépendance au vin rouge où s’engouffrent ses détracteurs.

Savent-ils que sa préférence allait au Bar des Sports de Malakoff où elle s’installait pour y prendre sa limonade-pression : « Parce que c’est bien là qu’elle était la meilleure » ?

Patrick DuCome

Ecrire

Avec Tania Torrens 

Scénographie : Gérard Didier // Lumières : Franck Thévenon assisté de Jean-Jacques Nicaud (Equinoxe, Scène Nationale de Châteauroux) // Son : Bernard Valléry // Régie son : Samuel Mazzotti // Assistante : Mylène Berthaume // Régie Atalante : Jaime Azulay et Yaovi Aziaka

Les lundis, mercredis et vendredis à 20h30
Les jeudis et samedis à 19h
Le dimanche à 17h
Relâche le mardi

Réservations : 01.46.06.11.90

Théâtre de l’Atalante
10, place Charles Dullin
75018 Paris
M : Abbesses ou Anvers

[Visuel : © Laurencine Lot]

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