Ea Sola : « Sécheresse et pluie » à Bobigny
Sécheresse et pluie De Ea Sola Les 2 et 3 juin 2014 Tarifs : 29 € à 9 € Réservations : Durée : 1h15 MC93 – Maison de la Culture de la Seine-Saint-Denis www.mc93.com |
Passerelle entre les civilisations et les époques, Sécheresse et pluie est la pièce fondatrice et maîtresse d’une épopée pas si lointaine, qui fait remonter des souvenirs-clés chez tous ceux qui l’ont vue en 1995. La version reconstruite permet aux autres d’attraper au vol une des plus belles aventures de la scène contemporaine.
Les années 1980 voient une Ea Sola danseuse et comédienne qui traverse Paris, alors qu’elle est encore trop fraîchement sortie des peurs liées à une vie sous les bombes pendant la guerre du Vietnam, aux mines, aux nuits passées dans la jungle dans la peur des tigres. Elle surmonte ses traumatismes en se lançant dans des impromptus physiques qui font office de rituels instinctifs et chargés de violence psychique, dans les rues de Paris. Une décennie plus tard, la voilà de retour dans la campagne vietnamienne, pour préparer son spectacle phare. Sécheresse et pluie marqua à la fois un tournant, une césure et un retour aux sources. La performeuse se mua en chorégraphe-anthropologue et humaniste, forte d’une âme de militante et d’une curiosité qui appartient à ceux qui font partie d’une culture, tout en portant sur elle un regard extérieur. En effet, Ea Sola est née d’un père vietnamien et d’une mère française, elle-même immigrée d’Europe de l’Est. Cette pièce fut l’une des grandes découvertes, un bouleversement des repères, l’avènement d’un autre monde dans le monde de la danse, le début d’une série qui a planté un repère incontournable dans le paysage chorégraphique. Après l’œuvre fondatrice, elle puisa dans son expérience et son engagement la matière pour créer une série de pièces phares, dont Il était une fois, Voilà voilà et Requiem. Ne voulant pas transformer des personnes liées à la terre en professionnels de la scène, elle commença ensuite à travailler avec des étudiants du Théâtre national de Hanoi, « la plus belle ville au monde ». Comme son titre l’indique, Sécheresse et pluie se réfère au rythme millénaire des saisons. Pas de frénésie occidentale, mais un rythme régulier, qui balance. Ce rythme est aussi celui qui berça, depuis, le calendrier de ses créations. Elle eut la sagesse de ne pas se laisser imposer le productivisme occidental, de ne pas céder à ceux qui lui demandaient toujours plus. Un jour, elle déclara même qu’elle ne ferait plus jamais de création pour la scène. C’était en 2001, après Requiem. Et effet, il fallait attendre 2005 avant de la revoir. Entretemps, elle s’était consacrée aux recherches et à l’écriture. Pour préparer la création de Sécheresse et pluie, elle passa pas moins de quatre années auprès des paysans dans le nord du pays. « Ils portent des vêtements en couleurs de terre, très simples et beaucoup plus élégants que les costumes très colorés créés pour la cour. Leur poterie, leur peinture et leurs maisons aussi sont faites en couleurs naturelles. Mes chorégraphies entendent rendre hommage à cette culture populaire. C’est pourquoi je suis allée vivre auprès des paysans au lieu de mener des études à la fac ou avec des spécialistes de la musique ou de la danse. Il faut aimer l’art à l’endroit même où il se crée. » Et elle ajoute que le nord du pays est depuis toujours moins coloré que le sud. Cette authenticité avait immédiatement séduit le public français. Pas question pour Ea Sola de déformer les présences et mouvements originels en créant une danse faussement « contemporaine ». On est ici dans une dimension millénaire et intemporelle. À chacun de décider s’il veut y voir le passé, le présent ou l’avenir. Les grands ensembles et leurs mouvements collectifs reflètent la même simplicité. Ses créations d’après le grand retour en 2005 avec Sécheresse et pluie vol.2 (tout sauf une reconstruction de la pièce de 1995), à savoir Air Lines (2008) et Le corps blanc (2009) étaient plus directement politiques et une synthèse de son parcours entre le Vietnam et l’Europe. En 2013, elle publie son premier roman, Partition silencieuse (Libella, 2013), une œuvre de fiction nourrie de son expérience, de l’histoire récente du Vietnam et de son amour pour les humains et la nature : « À la dernière saison des pluies, celle où la mère a passé le plus de temps sur ses lots de piments, on s’est posé des questions. Que pense la belle-mère qui n’a rien à craindre de la pluie ? À quoi pense-t-elle quand la pluie tombe ? Quand la terre glisse ? » (p.99) [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=SrNL6_QjLM0[/embedyt] Thomas Hahn [photos : Cie Ea Sola] |
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