Doute – Petit Hébertot
Doute De John Patrick Shanley Mise en scène Robert Bouvier Traduction Dominique Hollier Avec Josiane Stoléru, Robert Bouvier, Émilie Chesnais et Elphie Pambu Du 8 octobre au 31 décembre 2013 Théâtre Petit Hébertot |
Du 8 octobre au 31 décembre 2013
Ce qui aurait pu être un huis clos étouffant s’avère un exercice de haute voltige fort d’une mise en scène alerte de Robert Bouvier qui incarne par ailleurs un prêtre progressiste presque jovial. Ses partenaires, Josiane Stoléru en tête, font un sans faute. Un spectacle d’une grande intensité et d’une exemplaire tenue. Quelques jours encore pour le découvrir à Paris avant une tournée en province. Dans les années 60 aux Etats-Unis, dans une école religieuse, le père Flynn, entraîneur de basket, est soupçonné de s’intéresser de trop près à un jeune élève noir. Il fait l’objet de soupçons de la Soeur Aoysius directrice d’une inflexible rigidité et qui fera tout pour confondre cet encombrant collègue dont les idées progressistes jurent avec l’austérité ambiante. Elle est au départ aidée par la Sœur James, jeune religieuse pure et naïve… John Patrick Shanley, il y a cinq ans, avait adapté au cinéma sa propre pièce, longtemps jouée à Broadway. Un film pesant comme une chasuble comme peut aisément le devenir un tel propos dont ni le décorum ni la psychologie ne résonnent de légèreté. La première prouesse de Robert Bouvier est d’être parvenue à distiller tout au long du spectacle une forme sinon d’humour, tout au moins de dérision qui persille savamment un propos d’une intensité psychologique pourtant permanente. Sa mise en scène, qui utilise un espace pourtant réduit, s’organise autour d’un décor modulable sombre et sobre que rehaussent des éclairages et effets sonores plutôt inattendus dans un pareil contexte. Son jeu (il incarne le prêtre Flynn) mène également son personnage moins vers l’austérité monacale que vers une forme de désinvolture d’étudiant attardé. On est loin, très loin de la lourdeur (dans tous les sens du terme) de Philip Seymour Hoffman au cinéma et qu’on imaginait assez mal driblant vers un panier de basket… Mais cette légèreté ne parasitera pas la profondeur psychologique du propos qu’accroit le resserrement du dispositif sur seulement quatre personnages. Les affrontements spectaculaires dissèquent les dommages causés par la rumeur, ces certitudes construites sur rien sinon l’inaptitude à les mettre en doute, tous ces préjugés bâtis sur des interprétations hasardeuses de faits. Même si renforcée par le milieu clérical et toute sa cohorte de principes vertueux censés le régir, l’indubitable puissance de ce formidable moment de théâtre tient aussi par le dépassement de la sphère religieuse et son universalité. La rigueur du dialogue et la dignité de ses interprètes le hissent sans coup férir vers le prix d’excellence. Franck Bortelle |
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