« Douce-amère » : Michel Fau et Mélanie Doutey couple à la dérive
Dans des décors à l’orange furieux et aux courbes très seventies, Michel Fau dépoussière une comédie en forme de vaudeville écrite par Jean-Poiret (« La Cage aux folles ») abécédaire du couple passé au tamis de l’ironie et de la causticité. Mélanie Doutey y est belle et piquante, Michel Fau mordant, mais l’ensemble parait au final trop bavard.
Le jeu de l’amour et de la perversité
Tout juste sorti du « Tartuffe » de Molière où il incarnait le diabolique hypocrite face à Michel Bouquet, Michel Fau, acteur démoniaque et formidable metteur en scène, se saisit d’un vaudeville conjugal des années 70 qui lui permet d’incarner un mari possessif et un brin pervers, Michel, dont la ravissante épouse de trente ans, Mélanie Doutey, se lasse depuis quelques mois. Michel, bavard incorrigible, philosophe de salon, disserte sur le monde qui l’entoure, les auteurs qu’il édite, sa femme qu’il pense dominer avec l’art et la manière de ceux qui ont tous compris sur les autres. Le texte de Jean Poiret tient de Marivaux et de Sacha Guitry, mais aussi d’un cynisme ancré dans l’époque de la libération sexuelle en 1970 et de l’individualisme bourgeois. A cet égard, Michel Fau se délecte d’une prose un peu alambiquée, faite de bons mots et de clichés pulvérisés à l’acide, et le spectateur aussi.
Un décor en forme de podium
Le spectacle joue à fond la carte de la nostalgie avec une scénographie circulaire qui tourne sur le plateau, un divan rouge et blanc en forme de vague et des objets plastiques escamotables. Dans leur appartement aseptisé comme un studio télé, le couple s’amuse ici à échanger ses partenaires, surtout Elisabeth qui multiplie les relations avec la détermination d’une Messaline aux prises avec la sensualité de Célimène. Les costumes, pantalons pattes d’éléphants et combinaisons aux couleurs de fleurs exotiques, donnent aux acteurs des allures de mannequins, tout en soulignant également l’ironie, les clichés des situations. Mélanie Doutey tient son personnage avec une belle énergie, beaucoup d’éclat, sans que l’on puisse vraiment percer le mystère du personnage féminin. Christophe Paou dessine avec finesse un médecin obsessionnel et mélomane, David Kammenos un coureur automobile saisi par la lenteur et Rémy Lacquittant un beau gosse mal dégrossi mais cocasse.
Hélène Kuttner
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