Deux euros vingt ! : un régal de rire mais pas que…
Embuscades, chausse-trappes et gros rebondissements pour 2,20 € ! C’est l’été en Provence. Trois couples, amis depuis toujours, se retrouvent comme chaque année pour une semaine de vacances. Patatrac ! À partir d’une simple blague de potache, tout bascule dans un fâcheux imbroglio. Qui songerait qu’ils pourraient exposer leurs petites lâchetés jusqu’à mettre en péril ce lien indéfectible qu’est l’amitié ?
Trois couples, amis depuis toujours, disions-nous, se retrouvent chaque année pour une semaine de vacances. Soleil, cigales et pastaga ! Déjà, d’avoir choisi de la passer en Provence est fort sympathique.
D’entrée, l’un d’eux s’adresse au public et donne la règle de la bonne blague qu’il va faire à ses amis. Il nous explique qu’en laissant volontairement traîner sur la table une escarcelle qui contient 2,20 €, que vous le vouliez ou non, la théorie veut que cette poignée d’argent, quoiqu’il en soit, disparaisse en très peu de jours sans que l’auteur du vol ne se dénonce. Le montant du larcin est futile mais révèle bien des traits de la personnalité de chacun des protagonistes jusqu’à plonger l’auteur de la bonne blague entre potes dans une inextricable situation.
Ainsi sont les gens. Qui songerait qu’ils pourraient exposer leurs petites lâchetés jusqu’à mettre en péril ce lien indéfectible qu’est l’amitié ?
Car c’est bien le propos de cette pièce, l’amitié. Et il faut insister sur ce point. En prenant prétexte à offrir une comédie bien tournée, très bien jouée et d’un comique irrésistible, Marc Fayet**, l’auteur, apporte gravité et réflexion fort bien amenées sur les caractères différents qui émaillent ce groupe d’amis de longue date.
De plus, en prenant le public à témoin, l’auteur qui est également comédien dans sa propre pièce se sert ponctuellement d’une habile interaction. Un jeu de miroir juxtaposant d’un côté la réalité représentée par le public, la salle, par lui, l’animateur-comédien-Monsieur Loyal, et de l’autre, la fiction, la virtualité représentées par les acteurs, la scène, le décor, le spectacle. On comprendra dans ce jeu des apparences qu’il sera très vite pris au piège qu’il a tendu à ses chers amis et ce, à l’aide d’une poignée d’euros (2,20 €). Et Pan sur le bec !
L’argent et ses vicissitudes
Marc Fayet développe : “Quand m’est venue l’idée d’écrire cette pièce, j’ai vu un formidable point de départ pour faire se confronter un groupe d’amis et les mettre face à cette intrigante et pourtant si anodine disparition. Je pressentais qu’un paroxysme était possible car il nous interrogeait sur le mensonge, sur la fidélité et sur notre rapport à l’argent. Je voulais voir si l’amitié valait plus que 2,20 €”. La mise en scène de José Paul utilise avec intelligence ces saynètes rythmées fort comiques rythmées par d’excellents comédiens qui jouent habilement des circonstances lesquelles au fil des rebondissements créent leurs postures extravagantes.
José Paul : la liberté au service du spectacle
José Paul, le metteur en scène (et comédien qu’on ne présente plus), joue avec les mots, “ce sont des vacances au bord de l’amer !” nous dit-il et, prophétique, ajoute que “Perdre de l’argent, ce n’est rien perdre. Perdre les amis, c’est perdre la moitié de ce que l’on a et perdre l’espoir, c’est tout perdre”.
La façon d’appréhender son travail de mise en scène est profonde. Elle mérite qu’on s’y attarde et ce qu’il nous dit dans les lignes qui suivent pourrait s’enseigner dans les cours d’art dramatique…
“Le metteur en scène que je suis n’est qu’un élément d’un ensemble au service de la représentation, ainsi, une fois de plus, il m’est apparu comme une évidence de privilégier une équipe d’acteurs et de créateurs qui se sent bien ensemble tant artistiquement qu’humainement. Des comédiens talentueux, réactifs, en phase les uns avec les autres, une scénographie au service de la narration, une production à l’écoute de l’artistique… Des conditions essentielles à mon sens afin d’appliquer un système où chaque corps de métier met en valeur l’autre, où le collectif prend le pas sur l’individualisme et de fait devient un mode de fonctionnement naturel, une liberté au service du spectacle. C’est donc grâce à l’engagement et à l’énergie de tous que ces 2,20 € grandiront pour le meilleur et n’est-ce pas le prix à payer ?”
Et de conclure en citant fort à propos Tristan Bernard : “Si l’argent n’a pas d’odeur, à partir d’un million il commence à se faire sentir”.
La question qui se pose à nous étant de savoir si, témoins de leurs petits mensonges quotidiens, nous prendrons à notre compte cette réalité criante faite d’humour et de vérités si différentes pour au final recomposer les jeux de l’amour et de la sincérité.
patrick duCome
** Le prolixe Marc Fayet, comédien, metteur en scène et auteur reconnu d’une vingtaine de pièces de théâtre. dont le fameux Dominici avec Pierre Santini en 2010 /cf. notre article : https://www.artistikrezo.com/spectacle/dominici-ou-laffaire-de-lurs-un-proces-impitoyable-au-theatre-de-paris-par-patrick-ducome.html, a obtenu entre autres nominations le Molière de la comédie pour Des gens intelligents en 2015 et le Molière de la révélation théâtrale pour Un petit jeu sans conséquence en 2003 (Ndlr)
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