“D’Est en Ouest”, Grenade illumine le meilleur de la danse
La MAC de Créteil et le Théâtre de la Ville présentent une trentaine de jeunes danseurs à l’énergie débordante qui interprètent des extraits d’Akram Khan, Hofesh Shechter, Wim Vandekeybus, Crystal Pite et autre Eun-Me Ahn… Grenade ! Avec fraîcheur, virtuosité et enthousiasme, ces jeunes explosent la danse contemporaine, sous la direction artistique de Josette Baïz.
Le Groupe Grenade est le phénomène le plus étonnant du paysage chorégraphique français. Josette Baïz, interprète des origines de chez Jean-Claude Gallotta et devenue chorégraphe de renom, a créé entre Aix et Marseille une pépinière où se forment, dès le plus jeune âge, de nouveaux virtuoses de la danse. Ils sont de toutes les origines sociales et culturelles et forment pourtant une communauté soudée, qu’ils aient 7 ans ou 17. Car ils partagent le plateau, les créations, et parfois même des tableaux du spectacle.
Mais s’ils sont si jeunes, peuvent-ils se produire dans des spectacles de danse professionnels ? Oui, et ils sont absolument épatants ! La formation au sein de Grenade est joyeuse, mais aussi absolument rigoureuse et culturellement riche. La fraîcheur incomparable de ces jeunes a conquis les scènes les plus prestigieuses, depuis que Baïz a inauguré une série remarquable de programmes mixtes, à partir d’un gala contemporain qui fêtait les vingt ans de Grenade, en 2011, au Théâtre des Abbesses.
Comme le ballet, la danse contemporaine
Depuis, on se les arrache. Le succès de la formule inventée par Baïz est énorme. Elle transpose en danse contemporaine les soirées de gala en danse classique où s’enchaînent des morceaux de choix du répertoire. Chez Grenade, ces extraits sont pris dans le répertoire du meilleur de la danse contemporaine, des chorégraphes internationaux les plus brillants et célèbres qui les transmettent aux jeunes formés par Josette Baïz et son équipe constituée d’anciennes interprètes de la compagnie.
D’Est en Ouest commence par un clubbing coréen par les plus jeunes (9-13 ans), en tenues scintillantes, déployant un déluge de couleurs sur des rythmes pulsionnels et doux à la fois, dans un extrait de la star sulfureuse coréenne Eun-Me Ahn. On marche comme des modèles en défilé ou à quatre pattes, les fesses en l’air. Parmi ces jeunes-là, il y a déjà certains miracles de précision et de fulgurance gestuelle à retenir. Et ça ne fait que commencer…
Israël, Australie, Canada, Belgique…
Suivent des extraits d’Akram Khan (Kaash) et Barak Marshall (Monger), où la rigueur a rendez-vous avec des danses à la fois combatives et jubilatoires. Les robes noires de Kaash et les jupes en couleur terre des filles dans Monger ajoutent une touche d’art plastique soulignant la présence de forces régissant cosmos ou microcosmes. La gestuelle des bras des jeunes (12-15 ans) dans Kaash est bluffante. S’y ajoute chez ceux de Monger (13-18 ans) une belle capacité à alterner entre scènes dansées et vignettes théâtrales. On passe aux chorégraphes phares d’Australie (Lucy Guerin), du Canada (Crystal Pite) et de la Belgique (Wim Vandekeybus).
Force galvanisante
Ce qui fait la force phénoménale D’Est en Ouest est d’avoir trouvé un lien énergétique fort entre tous ces univers, en mettant le curseur sur une énergie tribale débordante, sur l’hymne à la vie, à la fête et à la révolte. Le collectif puise son énergie dans la terre et se laisse pousser par des rythmes liés à la fête et aux rites, démontrant que, d’un bout à l’autre de la planète, la danse contemporaine puise dans les racines des communautés. C’est irrésistible. Sur le plateau se succèdent la fougue juvénile des plus jeunes et la maturité des plus âgés, créant une fusion avec la salle comme on en voit rarement en danse contemporaine.
Le tableau final appartient à Lucy Guerin, où on voit arriver sur le plateau l’ensemble des trente interprètes qui forment d’abord un énorme cercle et finalement une sorte de volcan humain, déversant un déluge de gestes et de cris, pourtant toujours finement orchestré. À une époque où tant de dirigeants misent sur la division entre les humains, D’Est en Ouest est un fabuleux rappel chorégraphique de notre humanité partagée et de ce qui nous relie à travers la planète. Inutile de dire que ça tombe à pic.
Thomas Hahn
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