« Des corps et des songes » avec le 29° Atelier du Cnac et l’Ensatt
Mathurin Bolze, artiste de cirque et créateur de spectacles, met en scène et en lumière la dernière promotion des étudiants du Cnac, avec la complicité de celle de l’Ensatt de Lyon pour la technique. Un spectacle qui dépasse les frontières nationales et nous embarque sur des radeaux suspendus et des ailes de désir avec la fougue de la jeunesse.
Equilibre instable
Le défi se renouvelle chaque année : comment réunir une quinzaine de jeunes artistes de cirque venus du monde entier, en mettant en valeur leur personnalité, en respectant leur singularité, tout en fabriquant un spectacle qui reflète l’âme d’un collectif, un désir d’être ensemble sous la houlette d’un metteur en scène qui va lui même ajouter sa pâte artistique ! Le circassien Mathurin Bolze, qui a travaillé avec François Verret, Kitsou Dubois, Jérôme Thomas et bien d’autres s’est saisi du défi pour en ajouter un autre, proposer à 5 étudiants de l’Ensatt de Lyon d’assurer la scénographie, la création des lumières, de la bande son et des costumes.
Nomades sans point de chute
Le résultat est emballant. Univers en déséquilibre sur des planches flottantes, petits hommes au corps cintré dans des costumes blanc éblouissant, qui se raccrochent aux amarres de la vie ou plongent dans des vagues tumultueuses, au rythme d’un montage musical formidablement riche, les artistes nous font réellement voyager. Colons ou migrants, famille recomposé, amazone en quête de Dom Juan.
La scénographie instable joue sur la balance de planches en bois ouvrant sur des trappes, projetées en diagonale ou à la verticale, murs, radeaux de survie, balançoire ou skate géant, tandis que les cordes, le mât chinois, les échelles composent avec ces plate-forme des échafaudes surréalistes.
Cul par-dessus tête
On pense à Chirico, à Dali, à Braque quand les corps des interprètes sont renversés, morcelés, éparpillés. Lieu physique mais aussi espace de pensée, qui permet de perdre le spectateur dans plusieurs endroits du plateau circulaire, avec Anja Eberhard (Suisse) qui fait des culbutes formidables sur son vélo, Tommy Edwin Entresangle Dagour dans son cercle ou Inbal Ben Haïm (Israël) sur sa corde. En solo ou en scènes de groupes, dans de chaudes lumières de soleil couchant, les jeunes interprètes se meuvent avec grâce dans un espace intermédiaire entre ciel et terre, graine d’humanité en déséquilibre constant, tenue de se tenir, par toutes les figures de la géométrie euclédienne. Ils nous embarquent dans une épopée des possibles où chacun peut rêver. La musique nous ballade, elle aussi, et c’est très beau.
Hélène Kuttner
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