Des arbres à abattre, miroir pathétique et glaçant à l’Odéon
Des arbres à abattre De Thomas Bernhardt Mise en scène de Krytian Lupa Tarifs : de 6 à 40 euros Réservation en ligne ou par téléphone au 01 44 85 40 40 Durée : 4h40 Odéon-Théâtre de l’Europe www.theatre-odeon.eu |
Jusqu’au 11 décembre 2016 Des arbres à abattre de Thomas Bernhard, mis en scène par le dramaturge polonais Krystian Lupa à l’Odéon, se pose en miroir pathétique et glaçant du monde des artistes et génies autoproclamés, narcisses en tout genre qui parasitent et vampirisent les sphères artistique. Une expérience immersive, cathartique, violente, qui appelle à une réflexion sur l’art comme à un sursaut salvateur. Après trente ans d’absence, un ancien étudiant féru de musique qui revient à Vienne est convié à un repas. L’« élite artistique ». viennoise se retrouve, autour de la table d’Auersberger, un artiste sénile qui se prétend le « successeur de Schönberg ». Le narrateur apprend en même temps le suicide par pendaison d’une amie de jeunesse qui se considérait « artiste ratée ». Publiée en 1984, cette pièce valut à Bernhard quelques ennuis… causés par des artistes de l’époque qui s’y reconnurent.
Triste miroir Car la pièce se tend comme miroir pathétique de ce miroir ou se noient les narcisses, artistes et génies en tout genre autoproclamés qui parasitent et vampirisent les sphères artistique. D’aucuns emploieront le terme emprunté d’ « onanisme social ». Face à une réalité qui nous gicle pendant plus de quatre heure en plein visage, que nous sommes, à l’image de ce repas peu appétant, forcés d’avaler, pardonnez nous mais l’envie de cracher ou même de vomir les termes un peu plus triviaux de « branlette artistique » ou « intellectuelle » nous prend. Car les temps n’ont guère évolué et ce miroir brandi violemment devant nos yeux peut éveiller, comme le feu sous la cendre, irritation et exaspérations latentes. Les personnages qui se contemplent dans l’écran de cinéma intégré à la scène endossent le double rôle de spectateurs et acteurs de leur inaction. Les thèmes tchékhoviens, présents dans Oncle Vania par exemple, foisonnent ; la forêt purificatrice, l’ennui, les « artistes » à l’égo hypertrophié qui jouent ou rêvent leur vie à défaut de la vivre, et dont la médiocrité le dispute à la jalousie et à la frustration.
Expérience immersive Alors que l’on se demande comment certains spectateurs font pour demeurer de marbre lorsque des rires sarcastiques nous étranglent, on se demande aussi comment cela se fait que nous soyons emportés tout de même par ce piteux spectacle. Et si nous nous érigeons en juge alors que nous posons le premier pied à bord de ce bateau, c’est pour réaliser bientôt que nous n’en sommes probablement qu’un membre de l’équipage parmi d’autres. Le navire a largué les amarres et nous embarque dans son drame. Cependant le temps s’avère temps long et s’étire indéfiniment. Est-il possible de représenter l’ennui sans le rendre pour les spectateurs ? Doit-on y voir la tentative de faire de ce spectacle une expérience totale, performative pour nous enliser avec les comédiens dans ces méandres nauséabonds ? Une expérience immersive, cathartique, violente, qui appelle un sursaut salvateur. Jeanne Rolland [Crédits Photo 1 et 2 : ©Natalia Kabanow ] |
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