Danser, la corde au corps
À Chaillot, la chorégraphe Jann Gallois affirme une fois de plus sa liberté créatrice. Pour Samsara, elle invente un étonnant système de contraintes, à la fois philosophique, allégorique et terriblement concret, où sept danseurs sont enchaînés les uns aux autres par de longues guindes. Pris dans leur existence charnelle, ils cherchent la plénitude du nirvana.
Le samsara est, selon Jann Gallois, “le cycle de renaissances dans lequel sont pris les êtres non éveillés”. Ce concept bouddhiste lui inspire aujourd’hui une pièce de danse qui se nourrit d’un inévitable paradoxe. Car pour évoquer ce “cycle sans commencement dans le temps”, elle doit composer avec les limites étroites du cadre de scène et de la durée très limitée d’une représentation, selon les concepts occidentaux d’un spectacle scénique.
Tous premiers de cordée
Il lui faut donc passer par une métaphore. Elle l’a trouvée et s’y est attachée. Tout part d’une image : “Enchaîné au samsara, duquel il ne peut s’échapper, l’homme connaît bien des moments de plaisirs mais ceux-ci ne sont qu’éphémères.” Ces chaînes spirituelles et invisibles sont représentées par un système de cordes noires, représentant “l’attachement à nos désirs incontrôlés”. On pourrait aussi y voir un filet de tresses ou autres choses. Et la cordée passe d’un cycle de vie à un autre…
Mais le but de Jann Gallois n’est pas de prêcher ni de séduire. Nous sommes bien face à une pièce de danse et la chorégraphe n’a cessé d’interroger les relations des humains entre eux et aux forces qui les dominent. La chorégraphe a étudié la musique, la physique et les mathématiques. À la danse, elle est venue par le hip-hop.
Matériel = spirituel
La relation intense du B-Boy qui pratique la breakdance au sol et à la gravité lui a inspiré un duo qui l’a propulsée au centre de l’intérêt : P=mg. Par la suite, elle a interrogé les limites qui nous sont imposées par le corps, la santé et les relations humaines. Cette connaissance chorégraphique de la condition humaine la guide aujourd’hui vers une vision où une “toile d’araignée” de cordes permet d’évoquer nos quêtes spirituelles.
À Chaillot – Théâtre national de la Danse, nous allons donc découvrir, en première mondiale, cette danse avec les cordes. Et comme elle a beaucoup de cordes à son arc, Gallois participe, le 16 novembre, au Musée Guimet, temple parisien des cultures d’Asie, dans le cadre du cycle Chaillot nomade, à un parcours à deux voix avec la conférencière Cécile Becker, spécialiste d’art asiatique, autour de plusieurs œuvres portant sur la thématique du samsara.
Thomas Hahn
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