Daniel Mesguich : «Faire du théâtre, c’est ouvrir quelque chose »
Daniel Mesguich : «Faire du théâtre, c’est ouvrir quelque chose » |
Avec «Trahisons » d’Harold Pinter, présenté au Théâtre du Chêne Noir jusqu’au 27 juillet à Avignon, Daniel Mesguich nous donne à explorer ce qui pour lui est l’essence même du théâtre : le glissement incessant entre mensonge et vérité. La pièce de Pinter remonte le fil des relations entre trois personnages, une femme et deux hommes, qui s’aiment, se possèdent et se trahissent chacun leur tour. En septembre, Daniel reprendra avec son fils William « L’Entretien de M. Descartes avec M. Pascal le jeune » de Jean-Claude Brisville au Théâtre de Poche Montparnasse et en novembre sera créé Hamlet de Shakespeare au Théâtre de l’Epée de Bois de la Cartoucherie de Vincennes. Acteur, metteur en scène et professeur, il fait le point sur sa vision très personnelle du théâtre. Vous voici à Avignon actuellement avec un spectacle qui fait salle comble et votre rentrée parisienne est déjà entièrement programmée avec deux autres pièces. Vous êtes heureux ? -Vous savez, je ne fais pas du théâtre simplement pour plaire à des gens, pour qu’ils passent une bonne soirée. Je ne fais pas non plus du théâtre en remplacement d’autre chose. Beaucoup de gens vous présentent leur spectacle comme s’ils parlaient d’un roman, en vous racontant l’histoire. Comme un film. J’essaie de faire du théâtre pour le théâtre, non pas pour montrer les choses à plat comme dans un film ou un roman, mais au contraire plonger dans l’inconscient de l’œuvre, pour montrer des choses qu’on ne voit pas d’habitude. C’est à cette seule condition que le théâtre m’intéresse. Bien sûr, je suis heureux que le spectacle marche mais ce n’est pas l’essentiel. C’est la première fois que vous montez une pièce de Pinter. Pourquoi avoir choisi « Trahisons » ? -J’avais envie de m’approcher d’un théâtre qui a l’air réaliste, avec une histoire plus ou moins contemporaine. Pourtant, Pinter est bien l’héritier de Shakespeare car il ne cesse de nous interroger sur les limites entre le vrai et le faux. Au bout d’un moment, on se dit que tout est double, tout est triple, tout est quadruple. Pinter nous demande d’explorer tous les sens possibles d’une même phrase. On peut résumer la pièce par le trio mari, amant et maîtresse. Ce n’est que le point de départ. Le fond de la pièce est la langue elle même : qu’est-ce qui se dit quand on dit. Ce qui m’intéresse, c’est une vibration absolue et essentielle qui existe dans l’être même des gens et des choses. Pour moi, le théâtre doit ouvrir quelque chose, non pas simplement par curiosité, mais pour y découvrir les fantômes vibrant dans chaque être. Je n’arrive pas à me contenter du seul présent, j’aimer imaginer d’autres histoires. Transmettre, enseigner sont pour vous des passions qui vous tiennent à cœur depuis de longues années. Vous êtes toujours professeur au Conservatoire National ? -J’arrête d’enseigner au Conservatoire mais je continue d’être professeur à l’Ecole Normale Supérieure. Quel bilan justement pouvez-vous tirer de votre expérience au Conservatoire et comment avez vous vécu la cabale des étudiants l’an dernier contre vous ? -L’an dernier, 4 ou 5 élèves ont décidé d’en découdre avec la direction du Conservatoire et en ont entraîné une vingtaine d’autres pour des raisons diverses. Ils ont donc écrit une lettre à la presse qui en a fait ses choux gras tandis que 800 personnes m’ont soutenu à travers lettres et réseaux sociaux. Cette petite affaire est devenue une grosse affaire. Ce n’est pas pour cela que je pars. Il se trouve que l’année que je viens de passer avec mes étudiants était sublime avec des élèves exceptionnels. L’enseignement, c’est comme les vendanges. Il y a de bonnes et de mauvaises années. Aujourd’hui, cela fait trente ans. La seconde raison de mon départ, c’est que ma présence au Conservatoire gêne Claire Lasne, la nouvelle directrice. J’incarne en effet le contraire de ce qu’elle pense. A sa place, je n’aimerais pas que le cas se présente. Qu’est-ce qui vous caractérise en tant que metteur en scène et qu’est ce qui selon vous, vous fait aller à contre courant des modes ? -Aujourd’hui, tout le monde joue et parle de la même manière, Molière, Sophocle ou Tennessee Williams. Notre époque écrase toutes les autres. Quand je lis du Chateaubriand, je ne peux pas le faire comme si je jouais dans « Plus belle la vie ». Il y a un style, une musique, un souffle pour chaque texte. Ne bafouons pas la lettre des textes. Hélène Kuttner [Photos : Chantal Palazon] |
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