Daniel Auteuil et Lambert Wilson stars chez Molière
Daniel Auteuil royal
L’acteur a choisi de mettre en scène la comédie de Molière dans une scénographie et des lumières somptueuses. Lorsqu’il énumère l’ordonnance à rallonge de son pharmacien en comptant les sous qui tombent de sa bourse, le feu qui brûle dans la cheminée éclaire les tentures aux moirures roses et vertes, alors que les bougies toutes allumées lui confèrent un teint de vieux bébé, joues roses et chevelure soyeuse. L’Argan de Daniel Auteuil est un quinquagénaire en manque d’amour qui séduit et minaude, imposant à sa fille (Victoire Belezy) un benêt médecin, à sa femme (Natalia Dontcheva) et son frère (Alain Doutey) le spectacle d’un grand enfant inconsolable, souffreteux et démiurge, qui fait tourner le monde autour de lui. Toinette, interprétée par Aurore Auteuil, la fille de l’acteur, est la seule à lui tenir tête, avec un bagou et un punch de comédienne italienne. Daniel Auteuil incarne avec superbe et une humanité magnifique ce personnage en proie à ses démons cauchemardesques, en y insufflant une vitalité réjouissante et beaucoup de burlesque, notamment lors des jeux de scène et des quiproquos. On rit beaucoup, à cette comédie très bien jouée qui critique de manière acerbe le corps des charlatans du XVIIe siècle, et Molière est servi avec un grand bonheur.
Lambert Wilson impérial
Dans une toute autre ambiance et d’autres couleurs, le metteur en scène Peter Stein monte Le Misanthrope auquel Lambert Wilson prête son physique altier et sec, livrant le meilleur de son art avec toute la passion, l’exigence et la droiture morale de son personnage. Obéissant à la lettre à la règle classique des trois unités, les personnages circulent de long en large d’un plateau bordé de hauts miroirs, une sorte de galerie des glaces réfléchissant le public. Pas de gras ni de fioritures dans cette mise en scène au cordeau, ultra classique mais qui fait entendre à la perfection les alexandrins à l’argumentation riche et implacable de l’auteur. Lambert Wilson, impeccable durant les cinq actes, tient le rôle de manière magistrale, avec une diction parfaite. Mais le comédien ne joue pas seulement, comme souvent, le donneur de leçons. Son Alceste souffre, transpire, écume de passion et de rage au coin des lèvres. Et ceci est très beau, et rend du coup son combat pour l’honnêteté, la sincérité d’une justesse émouvante.
Face à lui, le Philinte d’Hervé Briaux est d’une rondeur, d’une suavité apaisantes, dans son beau costume poudré créé par Anna-Maria Heinreich dont il faut saluer ici l’inventivité et le raffinement. Oronte, rival d’Alceste et ridiculisé par ce dernier, trouve en Jean-Pierre Malo un interprète extraordinaire, maladroit et maléfique, audacieux et sirupeux, explorant toutes les subtilités du texte. Brigitte Catillon compose une Arsinoé perfide à souhait et Paul Minthe un Acaste, petit marquis flanqué de Léo Dussolier (Clitandre). La Célimène de Pauline Cheviller est belle et fraîche comme une veuve de 20 ans, mais manque de piquant aux côtés de la sage Eliante (Manon Combes). Beau spectacle strié de grâces et de fulgurances pour ce chef-d’œuvre qui n’a pas pris une ride.
Hélène Kuttner
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