Dairakudakan – Maison de la Culture du Japon à Paris
Remontons plus de trente ans en arrière. A partir des années 1980, la France découvre le butô, et quand Sankai Juku font apparition au Forum des Halles, les corps poudrés de blanc, leur banderole annonça une « troupe de butoh grotesque et grimaçante ». Pourquoi ? Le fondateur de Sankai Juku, Ushio Amagatsu était danseur dans la troupe Dairakudakan, fondée en 1972 par Maro Akaji, lui-même initié à cette danse étrange par son créateur, Tatsumi Hijikata. En effet rien de plus grotesque et grimaçant que Hijikata, plusieurs fois arrêté par la police pour son apparence improbable sur la voie publique.
Le Japon aussi a eu sa période de folie et de contestation, et le véritable esprit originel du butô est un enfant de la même envie de renouveau et d’ouverture que « Mai ‘68 » en Occident. Mais Amagatsu a vite quitté cette voie agitatrice et Hijikata, à l’origine son grand complice, lui reprocha de trop se plier au goût occidental. Aussi, il y a une part d’Hijikata qui continue de vivre dans Maro et Dairakudakan.
Ce butô tendance « canal historique » compte aujourd’hui un seul adepte d’origine. Maro, naturellement. Dans ses créations, les danseurs dessinent des grimaces de corps, tandis que Maro se charge des grimaces du visage. Un brin diva, un peu personnage de conte, il joue avec la féminité, la transgression, le mystère et l’attitude, tendance ballet et rock’n’roll à la fois. Dans la vie, il arbore un côté marin manqué qui devient, sur scène, une incarnation de Kazuo Ohno doublé de Prince. Mais à aucun moment Maro perd sa présence légèrement éthérique. Ce mélange-là est aussi fantasque et mythologique que le centaure ou la sirène.
Comme à l’époque originelle, Maro marie butô et cabaret. Mais les sources du butô sont multiples, de la danse expressionniste allemande au shintoïsme, en passant par Artaud. Et si Kazuo Ohno était Chrétien, Maro s’inspire du Livre des morts du bouddhisme tibétain quand il crée Symphonie M, pièce pour lui et sa troupe. Cinq tableaux sur quelques échos aléatoires de la Symphonie n° 5 de Gustav Mahler. Ce texte sacré parle des réincarnations et de la possibilité de s’extraire à ce cycle des Karmas. « L’important est de disparaître », dit Maro, à moitié sérieux et à moitié espiègle, comme à on habitude.
Il permet cependant à un interprète chevronné de sa troupe d’ouvrir la valse à la Maison de la Culture du Japon à Paris avec sa propre chorégraphie. Takuya Muramatsu présente Oublie tout, et souviens-toi, où cet ancien étudiant en beaux-arts crée des tableaux aussi somptueux que remuants. Mais attention, Symphonie M et Oublie tout, et souviens-toi sont deux programmes distincts, présentés à des périodes différentes.
Thomas Hahn
Oublie tout, et souviens-toi
Chorégraphie, mise en scène et interprétation : Takuya Muramatsu
Direction artistique : Akaji Maro
Pièce pour 8 danseurs
Du 14 au 16 novembre à 20h
Plein tarif : 15 € / Tarif réduit : 12 € / Adhérent MCJP : 9 €
Réservation 01.44.37.95.95
Symphonie M
Chorégraphie, direction artistique et interprétation : Akaji Maro
Pièce pour 15 danseurs
Du 21 au 23 / du 27 au 30 novembre à 20h
Plein tarif : 20 € / Tarif réduit : 16 € / Adhérent MCJP : 12 €
Réservation 01.44.37.95.95
Maison de la culture du Japon à Paris
101 bis, quai Branly
75015 Paris
M° Bir-Hakeim ou Champ de Mars
[Crédits photographiques : Junichi Matsuda]
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