D.A.F, Marquis de Sade – Ciné 13 Théâtre
Embastillé au sens fort puisque détenu dans la plus célèbre prison du Royaume de France, Donatien Alphonse François de Sade vitupère contre son garde, exigeant un confort auquel son titre de noblesse et sa fortune l’ont habitué et finit par déverser aux faces successives du geôlier, d’une femme et d’un prêtre sa célèbre vision de la vie, de l’amour, de l’humanité. Faisant depuis toujours la nique aux conventions de tous genres, prenant un plaisir démoniaque à bousculer le protocole qu’il aime tant se carrer là où le proctologue pourrait aller l’y quérir, il développe, avec force figures de styles et amples phrases, ce qui deviendra la pratique portant son nom, le fameux sadisme. Malade, souffreteux et même en proie à une forme de délire, il n’en a pas moins la langue bien pendue et la dialectique en parfaite osmose avec ses idées… Le libertin sous les scellés reste libre dans sa tête…
Enrobant ses salacités sous une saillie de métaphores, décortiquant de manière couillue ses fantasmes à grands coups de descriptions on ne peut plus explicites, le texte, d’une sidérante beauté et d’une infinie élégance, oxymore à lui tout seul jouant autant de style pur que de crudité directe, constitue l’atout maître de ce spectacle par bien des points diablement jouissif. Pierre-Alain Leleu, à partir des écrits du noble marquis, a façonné un état des lieux de l’aristocratie du XVIIIème dans laquelle ce dandy avant l’heure se plût tant à jouer les trouble-fêtes. Une fête, souvent en dessous de la ceinture, sur laquelle ses contemporains ne rechignaient guère mais qu’ils masquaient hypocritement d’une « pudibondieuserie » bien peu sadienne.
De ce texte si cru, si cul, Nicolas Briançon a tiré un spectacle d’une très belle vigueur et d’une modernité qui dynamite tout ancrage temporel du propos. L’ensemble affiche une exemplaire tenue, une rigueur qui traduit cette rectitude et cette logique intellectuelle du personnage titre. Même tourmenté, comme le symbolisent des éclairages très contrastés, Sade demeure vif et les interventions pourtant imaginaires d’une femme et d’un prêtre maintiennent dans la lucidité plus qu’elles n’enfoncent dans la démence le célèbre « aristo-phalo-crate ». Elles permettent par ailleurs de mieux cerner sa pensée profonde sur le monde. Le comédien Pierre-Alain Leleu fait le reste grâce à une interprétation très réaliste et humaniste qui met en lumière toute la complexité de cet étrange animal qu’on appelle l’homme, à la fois tendre, monstrueux et inquiétant.
Franck Bortelle
D.A.F, Marquis de Sade
De Pierre-Alain Leleu
Mise en scène de Nicolas Briançon
Avec Dany Verissimo, Pierre-Alain Leleu, Michel Dussarat et Jacques Brunet
Téléphone : 01.42.54.15.12
Horaire et date de représentations sur www.cine13-theatre.com
Durée : 1h20
Ciné 13 Théâtre
1, avenue Junot
75018 Paris
M° Abbesses
A découvrir sur Artistik Rezo :
– Les pièces à voir à Paris en février 2013
[Photo : LOT]
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