Crime et châtiment – L’Atalante
Crime et châtiment D’après Dostoïevski Adaptation et mise en scène de Benjamin Knobil Avec Dominique Jacquet, Loredana Von Allmen, Romain Lagarde, Mathieu Loth et Frank Michaux Lumières : Laurent Nennig Du 17 janvier au 9 février 2014 Durée : 1h45 Thêatre de l’Atalante |
Jusqu’au 9 février 2014
Une adaptation du chef d’œuvre de Dostoïevski scrupuleusement respectée dans sa trame narrative et resserrée dans un format d’une heure quarante-cinq. Une incontestable réussite que l’on doit tant à une mise en scène ingénieuse qu’à une direction artistique irréprochable. Un tourbillon théâtral. Presque 150 ans après sa publication, Crime et châtiment ne cesse de fasciner, d’envouter comme bon nombre de romans de Dostoïevski. L’auteur de L’Idiot et Humiliés et offensés, tout en restant le plus russe des auteurs russes, demeure l’un des plus diaboliques scrutateurs de l’âme humaine et si le décor ne quitte que rarement la cité de Pierre le Grand, le propos se pare d’une universalité qui le hisse au rang des incontournables de la littérature mondiale. Avec les aventures de Raskolnikov, étudiant qui tue une vieille usurière et la sœur de cette dernière à coups de hache avant de se torturer jusqu’aux confins de la démence, Dostoïevski aborde à sa manière le roman policier. Avec en contrepoints des questionnements métaphysiques et la violence permanente d’une abjecte société en déliquescence. Cette trame romanesque constitue un matériau aussi délicat que fascinant pour un metteur en scène de théâtre. Le personnage central, plongé dans un marasme existentiel de solitude, a la figure christique du condamné et ce, bien avant son geste. Désargenté et donc exclus, contraint de se défaire de ses biens les plus précieux auprès d’un « pou », il marche au bord d’un monde qui le conspue, le harangue, comme à la circonférence d’un manège lancé à vive allure et dont il ne peut rattraper la folle marche. Le processus scénographique que propose Benjamin Knobil dans son adaptation va jouer constamment sur cette réalité grâce à un décor redoutablement ingénieux, aussi gris que le quartier de la rue Grajdanskaïa à Saint-Petersbourg où vit Raskolnikov et monté sur un pivot qui en tournant éjecte par sa force centrifuge le personnage humilié et offensé. Sans s’abandonner à des cris hystériques et hurlements auxquels on a parfois tendance à assujettir l’œuvre de Dostoïevski, Benjamin Knobil dirige ses comédiens vers une intériorité salvatrice, redonnant au propos originel toute sa puissance psychologique. La trame narrative est respectée, resserrée sur un peu moins de deux heures qui défilent à vive allure comme un polar réussi sans pour autant laisser sur la touche tout le grotesque des personnages, prostituées, flic au rire sardonique, usurière cassante, tout cet aréopage de la petitesse. Endossant tous plusieurs rôles à l’exception de Frank Michaux, remarquable Raskolnikov, chacun assure une très belle homogénéité à ce spectacle. Et malgré cet anachronisme certes volontaire mais inutile qui évoque Staline, cette adaptation de « Crime et châtiment » s’avère une incontestable réussite. Franck Bortelle [Crédits photographiques : Maurizio Giuliani] |
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