“Comme il vous plaira” à la Pépinière : on adore !
C’est à une véritable fête du théâtre à laquelle on assiste tous les soirs à la Pépinière Théâtre avec cette bienheureuse adaptation de la comédie de Shakespeare signée Pierre-Alain Leleu, dont la jeune Léna Bréban nous propose une mise en scène inventive, explosive et d’une fraîcheur revigorante. A savourer par tous et à tout âge, car ça chante, ça danse et ça nous fait rêver.
Exclusion
Comme à son habitude et en scénariste hors-pair, William Shakespeare prend le spectateur par la main et le plonge dès le prologue de la pièce face à une situation à l’issue problématique. Nous sommes dans un duché de France et voici Orlando, frère malheureux d’Olivier qui le maltraite et le persécute alors qu’il a la charge de s’en occuper depuis la mort de leur père. Face aux deux frères ennemis surgissent deux cousines qui s’aiment comme des soeurs. Célia est la fille du Duc Frédérick, qui règne en tyran et a usurpé les terres de son frère en exil. La fille du Duc exilé, Rosalinde, a pu rester dans le duché en raison de sa complicité avec Célia. Mais voilà qu’un beau jour, les deux cousines assistent à un combat dont le vainqueur, Orlando, un beau jeune homme athlétique, séduit Rosalinde passablement enchantée par la vue du jeune homme. Naturellement, au même moment, on apprend que Rosalinde est bannie par le Duc Fredérick et qu’Orlando, partisan du Duc banni, se doit aussi de fuir. Que va-t-il arriver aux deux amants ? Pourquoi Célia décide-t-elle aussi de fuir avec Rosalinde, et se retrouvent-elles aussi déguisées toutes deux comme un couple de paysans ?
La forêt magique
La forêt est un thème à la récurrence magique, un bain de sorcellerie qui favorise les travestissements, aide les amoureux à se cacher et les malins à percer le secret des arbres, souvent bons conseilleurs pour clarifier les énigmes impossibles. C’est ainsi que le génie de Shakespeare projette tout ce petit monde dans la forêt d’Arden, une invention franco-anglaise, que le faux Ganymède, en réalité Rosalinde, promet à l’amoureux Orlando un remède de sorcier pour le délivrer de sa passion amoureuse en le voyant chaque jour, que la fausse Aliéna (Célia) jouera les entremetteuses, que le couple de bergers Phébé et Sylvius rentreront dans le droit chemin avec un fou poète et une paysanne simplette. L’esprit de la forêt souffle très fort, en même temps que l’ivresse amoureuse et l’équilibre magique de la raison. Léna Bréban fait son miel de cette comédie féérique et morale, avec la complicité judicieuse et éclairée de Pierre-Alain Leleu, qui joue et actualise le texte de manière spirituelle et tendre, n’hésitant pas à prendre des libertés qui guident allègrement l’auteur.
En musique
Jaillissant de tous les coins du théâtre, investissant les balcons et les issues de secours, les comédiens flamboyants interprètent à la vitesse de l’éclair plusieurs personnages, se lancent avec beaucoup de sincérité dans des dialogues intenses, passant du rire aux larmes avec la fluidité d’une bande dessinée. Tous sont chanteurs et musiciens, s’essayant au piano, à la guitare ou au banjo avec une précision de géomètre. Entre chaque acte, des tubes anglo saxons des années 70 nous embarquent dans une atmosphère californienne à la suave mélodie que l’on a tous envie d’entonner. Barbara Schultz campe une éblouissante Rosalinde, malicieuse, vive et comique à souhait; Ariane Mourier, dans le rôle de Célia, lui donne la réplique, facétieuse et lumineuse, tandis que l’Orlando de Lionel Erdogan ne coche aucun défaut. Jean-Paul Bordes, Pierre-Alain Leleu, Eric Bougnon, Léa Lopez, Adrien Urso et Adrien Dewitte complètent une distribution formidable d’énergie et de talents mêlés. Pour notre plus grande joie et celle du spectacle vivant.
Hélène Kuttner
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