Combats de femmes
Pour cette rentrée, plusieurs spectacles traitent de la condition féminine. Et c’est plutôt bon signe. En voici une petite sélection.
« La Visite »
Est-il si merveilleux d’enfanter ? Dans le monologue d’Anne Berest, Lolita Chammah excelle en mère larguée. Au bout du rouleau, elle n’est peut-être pas si dérangée, mais dérangeante à coup sûr ! Le thé est servi et le nouveau-né attend son lait. La jeune femme reçoit ses visiteurs, les prenant à témoin de sa révolution : on pourrait faire des fromages au lait de femme !
Parole directe et sans fard au public : être mère n’a rien du miracle annoncé. Pourquoi l’instinct maternel serait-il inné ? Comme les représentations sociales ou la culture, il se construit – ou non – au fil de l’histoire de chaque femme. Convoquant ses connaissances scientifiques, la jeune femme passe alors en revue le monde animal, de la tortue qui abandonne sa progéniture, à la lézarde qui la dévore. Elle déculpabilise ainsi nombre de « mauvaises » mères et démontre en quoi la femme ne se cantonne pas à sa fonction de génitrice.
Théâtre du Rond-Point, du 7 au 17 octobre 2020, réservation
« Féministe pour Homme »
Comment rester féministe en porte-jarretelle ! Chaque dimanche et lundi soirs, Noémie de Lattre clame haut et fort son féminisme sans rien sacrifier de sa féminité. Avec ses décolletés plongeants et ses talons vertigineux, elle lutte contre les stéréotypes tout en dénonçant sexisme ordinaire, discrimination et violences. Son esprit libre et cocasse fait mouche. Culottée, elle fait voler les tabous en éclat. Un show bouillant, entre cabaret et tribune, stand-up et confession manifeste.
Lire la critique ici
La Pépinière Théâtre, jusqu’au 4 janvier 2021, réservations
« Et pendant ce temps Simone veille »
Revisiter soixante ans de luttes est toujours utile pour mieux comprendre le combat semé d’embûches, pour les femmes d’hier et d’aujourd’hui. Et pour les futures qui ne baisseront pas les bras ! Fort de son succès depuis 2012, cette comédie retrace l’évolution de la condition féminine de l’après-guerre à nos jours. Du divorce à la PMA, en passant par le droit de vote ou l’avortement, la pièce est une machine à remonter le temps avec quatre comédiennes qui nous font voyager entre les époques.
Comédie Bastille, jusqu’au 4 janvier 2021, réservation
« Affaires sensibles »
Adaptée de la fameuse émission de France Inter, la pièce se concentre sur quelques-unes des grandes affaires qui ont marqué les soixante-dix dernières années. Sur scène Fabrice Drouelle et la comédienne Clémence Thioly racontent trois destins, trois combats de femmes hors du commun qui incarnent la liberté : Pauline Dubuisson, amoureuse transgressive condamnée pour le meurtre de son ex petit ami ; Marie Humbert, qui a milité pour le droit à mourir de son fils tétraplégique ; Édith Cresson, ancienne Première Ministre indépendante anticonformiste. Des affaires effectivement sensibles.
Théâtre Tristan Bernard, à partir du 22 septembre 2020, réservation
« Les Sorcières de Salem »
Voici une pièce inspirée d’un autre procès, celui en sorcellerie, qui fit basculer, en 1692, une ville du Massachusetts, dans une pulsion puritaine, avec l’appui d’une cour de justice. Dans les années 1950, Arthur Miller a pioché dans cette page sombre de l’histoire coloniale des États-Unis de quoi faire une allégorie du maccarthisme, dont il fut l’une des victimes. Aujourd’hui, la figure de la sorcière est devenue une icône féministe. Après Rhinocéros de Ionesco et l’État de siège de Camus, Emmanuel Demarcy-Mota dénonce l’intolérance parce que l’histoire peut toujours se répéter. Parce que l’aveuglement est à nos portes.
Théâtre de la Ville – Espace Cardin, jusqu’au 10 octobre 2020, réservation
« Noire »
L’histoire n’a pas retenu le nom de Claudette Colvin ? Tania de Montaigne fait d’elle l’héroïne d’un spectacle. Elle a répondu à l’invitation des éditions Grasset qui s’attache à faire (re)découvrir des femmes dont la vie est traversée par un engagement, un combat et qui, pour des raisons diverses, ont été oubliées, volontairement ou non, par l’histoire. Cette vie méconnue a d’ailleurs valu à son auteur le prix Simone Veil (2015).
En 1955, Claudette Colvin refusa de céder sa place à une femme blanche, comme le lui ordonnaient les lois ségrégationnistes en Alabama, l’un des états les plus stricts en la matière. Depuis son pupitre, l’auteure qui est aussi sur scène pour la première fois, place le public dans la peau de cette adolescente courageuse de 15 ans, dont le geste fournira l’opportunité à deux autres femmes, dont Rosa Parks, de rendre public une affaire d’injustice. Des lois iniques et racistes étaient enfin dénoncées. Mais Claudette Colvin sera soigneusement gommée du récit. Toujours vivante, elle accède aujourd’hui à la lumière. Ce témoignage donne vie aux invisibles, car le mouvement des droits civiques s’est largement appuyé sur des femmes qui furent, là aussi, effacées de l’Histoire au profit des hommes.
Théâtre du Rond-Point, jusqu’au 26 septembre 2020, puis tournée, dont le Théâtre de l’Œuvre, du 10 novembre au 22 décembre 2020, réservation
Sélection de Sarah Meneghello
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