Inglourious Basterds de Quentin Tarantino
Une bande de mercenaires
Inglourious Basterds c’est une bande de mercenaires menée par un Brad Pitt convaincant, l’acteur américain affirmant que c’est sous ses moustaches à l’ambitieuse partialité qu’il livre son meilleur rôle. Des bonhommes, kamikazes, têtes brûlées, introduits comme des héros de jeux vidéo, font tout pour se faire bien aimer du lieutenant à moitié indien Aldo Raine (Brad Pitt) : tuer du nazi et faire flamber toute la merde blanche nazie (celle que l’on mange du Salo de Pasolini aux bâtards de Tarantino), flamber Hitler, Goebbels et ses indigestes films de propagande. Quentin Tarantino n’est pas un livre d’histoire, juste un amoureux du cinéma. Il le rappelle en début de chapitre III par ce lent panoramique chutant sur le scintillement des lettres du cinéma d’Emmanuelle Mimieux.
Dark of the sun
Emmanuelle Mimieux est Soshanna, une juive qui a vu le reste de sa famille tué dans un premier chapitre de sueur à la Alessandro Baricco dans Sans sang. Une cabane. Un Français. Une cachette. Une rafle allemande. Et du lait.
Mimieux c’est aussi le nom de l’actrice Yvette Mimieux. Elle avait joué dans Dark of the Sun, brûlant film de guerre basé au Congo (Jack Cardiff, 1968). Elle était blonde, s’échappait effrayée d’une cabane où une fusillade avait eu lieu. Elle retrouvait Curry, un lieutenant, autoproclamé bâtard, interprété par Rod Taylor.(qui joue Churchill dans Inglourious Basterds) Curry tuait un seul de ses compagnons, le seul avouant une sympathie nazie, derrière la géniale musique signée Jacques Loussier.
Le thème du film fait aussi partie de la bande originale d’Inglourious Basterds.
Dark of the Sun relate l’histoire de ces mercenaires partis chasser du diamant et capables de sacrifier un wagon de civils, de s’entretuer et de laisser en vie un ennemi.
Des bâtards sans morale
Dark of the Sun est un film américain, tourné en anglais, français et langues tribales africaines. Des passages qui nécessitent qu’un des autres acteurs présents dans le film s’improvise traducteur (comme le rôle donné à la femme de Goebbels, vulgarisée par un intelligent montage attraction dans Inglourious Basterds).
Et tellement d’autres éléments que l’on retrouve dans Inglourious Basterds.
Pour autant, s’il n’est pas difficile de voir l’influence qu’a eu Dark of the Sun ou un film comme Quel maledetto treno blindato ( titre américain : Inglorious Bastards, réalisé par Enzo G. Castellari avec Bo Svenson, tous deux présents dans le film de Tarantino). Et c’est là que revient tout le talent de Tarantino. Il va emprunter « les éléments-cadeaux » pour sublimer son cinéma.
Mise en scène
Dans Inglourious Basterds, Quentin Tarantino inflige à la dureté et à la puissance de feu du film de guerre un effet de dilatation propre au western. Par sa science de la conversation, il ralentit volontairement l’action et prolonge l’attente avec des dialogues hors normes. Le processus fonctionnait déjà dans Boulevard de la mort avec une structure scénaristique simplissime : premier mouvement, ça discute sereinement puis ça mitraille à mort, deuxième mouvement, ça discute pareil puis ça mitraille pareil. Le processus est le même avec un effort plus intéressant encore effectué dans chacun des chapitres d’Inglourious Basterds. Tarantino jouit de la tension qu’il installe, il tourne donc autour du pot, se détourne de sa cible centrale et y revient pour une détonation d’autant plus extrême et poussée : le harcèlement moral du premier chapitre, l’arrivée de « l’ours juif » dans le deuxième, par exemple. Ce plaisir, il le communique aussi par un humour décapant très second degré qui fait des acteurs d’Inglourious Basterds, des acteurs comblés (Christoph Waltz en colonel polyglotte n’a pas volé son prix d’interprétation cannois).
Tarantino dépasse Boulevard de la mort parce qu’il parvient à installer une dramaturgie entre chapitres là où les deux segments de Boulevard de la Mort se suffisaient chacun à eux-mêmes. La reprise d’éléments lui permet de multiplier leur potentiel cinématographique, on pense en particulier au verre de lait ou à la batte de baseball.
Cette dramaturgie complexifie une psychologie des personnages de plus en plus ambiguë. Il se dessine un monde éclaté où la méfiance est de rigueur, les opportunités rares, la naïveté, l’héroïsme et les passions déchus : la fourberie du Britannique déguisé en nazi, la vengeance des Allemands juifs (Hugo Stiglitz), l’amour de Frédérik Zoller (fierté de la nation), la traîtrise de l’Allemande. Reste le bâtard qui finit par signer sur un front une croix gammée qu’il appelle chef d’œuvre, comble de l’ambiguïté, rapprochant définitivement Tarantino de Peckinpah.
Florent Boucheron
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Inglourious Basterds
De Quentin Tarantino
Avec Brad Pitt, Diane Kruger, Mélanie Laurent et Christoph Waltz
Sortie le 19 août 2009
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