Ciels – Théâtre de l’Odéon
En découvrant la salle de spectacle des Ateliers Berthiers totalement réinventée pour l’occasion, on devine aisément une volonté de casser l’organisation traditionnelle. Des petits tabourets pivotants sont placés au centre, entourés de hautes cloisons qui encerclent le public. L’impression se veut à juste titre « étouffante ». L’assistance tourne ensuite sur ces inconfortables sièges et de multiples espaces de jeu se dévoilent sur 360 degrés. La mise en place est assez futuriste et l’utilisation quasi-hypnotique et massive de la vidéo rappelle parfois les installations d’art contemporain.
L’intrigue se déploie. Une organisation secrète, retranchée dans un lieu isolé, observe et écoute le monde afin de déjouer un attentat terroriste imminent. A grand renfort d’ordinateurs, d’écrans, d’oreillettes et de tout ce dont regorge la technologie, le groupe doit déceler le lieu de l’attentat et faire face au suicide énigmatique de leur « cryptologue ». Le synopsis est digne de Mission Impossible et l’on est en droit de se demander pourquoi Wajdi Mouawad n’en a pas fait un film plutôt que d’en livrer une si pâle copie.
Sur fond de menace islamiste, l’ultra-modernité est de mise et messages masqués, codes secrets à décrypter, formules mathématiques et algorithmes imprègnent les dialogues et l’espace. Le suspens se veut haletant et les cinq spécialistes mènent l’enquête sous les regards parfois perplexes des spectateurs. Derrière cette fiction ancrée dans le XXI ème siècle, se cache pourtant un propos désespérément simpliste qui veut que la poésie serait la clef permettant de déjouer la violence et de ne pas mener inexorablement l’humanité vers la mort. Sont alors mélangés pêle-mêle mathématiques, poésie et terrorisme sur fond de société désenchantée et déshumanisée. Comme une mauvaise caricature de Da Vinci Code, c’est le tableau de l‘Annonciation du Tintoret qui s’avère être la source à interpréter pour sauver le monde. Ne manquait plus à cet imbroglio de théories mystico-philosophiques, des métaphores bibliques sans finesse. Ajouter à cela un brin de psychanalyse à gros traits et de morale, et les idées de Mouawad perdent toute subtilité.
Les acteurs ne dérogent pas à la caricature de ce théâtre en carton-pâte. Ils courent autour du public, qui tente alors de tourner sur ses tabourets dans le bon sens sans gêner ses voisins. Ils traversent parfois la salle en enjambant manteaux et sacs et en gémissant sans que l’on ne sache bien pourquoi. Dans ce ballet de sièges qui s’agitent et sous les postillons des comédiens pour certains, on s’interroge sur l’intérêt de tant de théâtralisation.
Stanislas Nordey demeure cependant largement au-dessus de ses partenaires en ce qui concerne cet art de la caricature. Sous des airs de BHL en chemise, il adopte une gestuelle maniérée, exagérée, toujours semblable. Il théâtralise à outrance, écarquille les yeux et adopte une posture des plus figées. Sa démarche en est risible et son jeu jure avec celui de ses partenaires tout de même beaucoup plus cohérent. Face à tant de non-sens et d’absence de charisme, l’action désespérément lente est encore plus plombée. L’auditoire n’est pas tenu en haleine et tout cela tourne au ridicule, avec pour apogée la navrante scène finale. C’est en effet par un long dénouement surréaliste, effarant par sa fausseté, et par un pathos porté aux nues que se clôt Ciels…
Mieux vaut oublier cet égarement de Wajdi Mouawad dont le talent est pourtant certain et relire l’œuvre brillante d’Aldous Huxley.
Cassandre Bournat.
Ciels
Texte et mise en scène : Wajdi Mouawad
Scénographie : Emmanuel Clolus
Musique : Michel F.Côté
Avec : John Arnold, Georges Bigot, Valérie Blanchon, Olivier Constant, Stanislas Nordey, Emmanuel Schwartz [les 18 et 19 mars] et la voix de Bertrand Cantat
Jusqu’au 10 avril du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h, relâche le lundi
Renseignements : 01 44 85 40 90 ou servicerp@theatre-odeon.fr
Plein tarif : 32€
Plein tarif exceptionnel le jeudi : 24€
– 26 ans, étudiant, Rmiste : 16€ (justificatif indispensable)
Demandeur d’emploi : 18€
Ateliers Berthiers
Angle de la rueAndré Suarès et Bd Berthier
75017 Paris
Métro Porte de Clichy (ligne 13)
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