Ciel ouvert à Gettysburg – Théâtre ouvert
Rêve d’une blonde
Les couches de lecture sont plurielles chez Frederick Vossier, et la scénographie mise en place joue sur ces divers tableaux de compréhension. La première couche est la suivante – Ciel ouvert à Gettysburg, c’est d’abord l’histoire, toute simple, de trois hommes entièrement possédés par l’image (photographique) d’une femme. Cette femme, on le comprend rapidement, répond au fantasme canonique que toute bonne société américanisée nous a servie : blonde, pulpeuse, peu vêtue et heureuse face à l’objectif – substitut direct de l’homme. L’obsession qui éprouve mentalement et physiquement ces personnages masculins va s’intensifier, prendre des formes inattendues, matérielles et imaginaires, inquiétantes ou encore malsaines…
Onirisme érotique
Après une scène d’exposition descriptive et franchement comique, la pièce bascule dans une sphère indéfinissable, trouble. Nous basculons dans le rêve devenu réalité, la photo devenu femme, avec un dialogue qui empreinte son langage mystérieux à celui du rêve. Oui, sauf que pour une fois, une pièce qui se targue de monter des scènes empruntées à l’univers nocturne et intime du songe n’occulte pas la présence impérieuse du désir de l’être inconscient, ni les images érotiques et sexuelles dont le scénario onirique se pare bien souvent. Ici, le spectateur assiste à un vrai morceau de bravoure, une tentative aussi belle et courageuse qu’elle est réussie, de retranscrire scéniquement les délires d’un homme rongé par son propre fantasme. Les gestes, les paroles, les corps, les gestes sur ces corps, sont tous dénués d’hypocrisie, ils sont là. Ces scènes côtoient la vérité et la poésie au plus près, alors qu’elles ne tombent jamais dans l’indécence, le gratuit ni le moche.
C’est d’ailleurs tout l’inverse du moche. L’esthétisme de la mise en scène, très influencé par le cinéma américain, démontre un perfectionnisme du beau stupéfiant. On note quelques références lynchiennes, dans la lumière rouge, dans certaines atmosphères brûlantes. L’œil est constamment invité à regarder les moindres détails, car le regard est central dans le texte, et le metteur en scène l’a bien compris. Un regard triangulaire s’impose : triangle chiadé visuellement, triangle malsain, teinté de voyeurisme, de jalousie et de vanité pour celui qui lie les personnages masculins entre eux.
Parole vaine
C’est un texte difficile. Les mots sont resserés, la parole semble vaine, désespérément ; la communication biaisée, la possibilité d’être ensemble anéantie. C’est une parole rapide mais qui n’avance pas, une parole qui avance tout en se répétant, qui suit le rythme issu d’une pensée hachée. Un texte qui, on le sent, pourrait aisément se faire massacrer par un travail grossier et des interprétations stéréotypées. Or, les comédiens réunis sur cette scène font tous preuve d’un talent et d’une intelligence dans le jeu incontestables.
L’actrice affiche une légère ressemblance avec Valeria Golino, quant au personnage principal, il rappelle quelques traits d’Adrian Brody…Le cinéma est donc bien convoqué.
Une pièce d’une grande efficacité, qui nécessite l’attention nécessaire à toute tentative innovante au théâtre !
Nathalie Troquereau
Ciel ouvert à Gettysburg
De Frédéric Vossier
Mise en scène de Jean-François Auguste
Scénographie : Marc Lainé // Lumières : Nicko Joubert // Son : Pascal Flamme
Avec Thibault Lacroix, Pauline Lorillard, Anthony Paliotti et Jacques Pieiller
Du jeudi 8 mars au jeudi 5 avril 2012
Le mardi à 19h
Du mercredi au samedi à 20h
Matinée le samedi à 16h
Relâche les dimanches et lundis (sauf les 12 mars et 2 avril à 20h)
Pein tarif : 20 € // Tarifs réduits : 15 € (groupe à partir de 8 personnes, seniors, habitants du 18è arrdt), 10 € (-26 ans, demandeurs d’emploi, intermittents), 8 € (scolaires) et 5 € (Tick’Art)
Réservation par téléphone : 01.42.55.55.50
Théâtre ouvert
4 bis cité Véron
75018 Paris
M° Blanche, Place de Clichy
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