Christiane Jatahy chahute la Comédie Française
La Règle du jeu D’après le scénario de Jean Renoir Mise en scène de Christiane Jatahy Avec Cécile Brune, Sylvia Bergé, Eric Génovèse, Alain Lenglet, Jérôme Pouly, Laurent Natrella, Elsa Lepoivre, Christian Gonon, Julie Sicard, Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Nicolas Lormeau, Gilles David, Suliane Brahim, Jérémy Lopez, Danièle Lebrun, Jennifer Decker, Elliot Jenicot, Laurent Lafitte, Benjamin Lavernhe, Claire de La Rüe du Can, Didier Sandre, Rebecca Marder, Pauline Clément, Dominique Blanc et Julien Frison En alternance à 20h30 ou 14h Tarifs : de 5 à 42 euros Réservation en ligne ou par tél. au 01 44 58 15 15 Durée : 2h Salle Richelieu |
Du 4 février au 15 juin 2017
Après la version théâtre et vidéo des « Damnés » de Visconti par Ivo van Hove, la metteure en scène brésilienne Christiane Jatahy bouscule le plus prestigieux des théâtres français en adaptant un chef d’oeuvre du cinéma, « La Règle du jeu » de Jean Renoir. Cinéma dans le théâtre, acteurs débridés dans la salle, tubes de variété chantés à pleins poumons au micro, tous les moyens sont déployés pour faire de ce spectacle une fête au beau milieu des spectateurs ébahis et amusés de cette exceptionnelle liberté de tous les artistes. Pour quelle histoire ? Ça, c’est une autre histoire. Quand le cinéma s’invite au théâtreL’administrateur du Français Eric Ruf nous avait prévenus. Il faut décloisonner les arts en faisant souffler dans ce vieux et prestigieux théâtre toutes les innovations qui permettent à un scénario de vivre autrement que dans un décor figé et poussiéreux. De l’air donc, et du cinéma qui s’engouffre à grand pas sur le plateau, puisqu’en hommage au cinéaste Jean Renoir, Christiane Jatahy projette durant 26 minutes, une durée incroyable sur un plateau de théâtre, un film en introduction de l’histoire. On y voit en gros plans des Mercedes et voitures de maîtres débarquer, aux abords de la Comédie Française qui servira de décor, 26 comédiens du Français dont certains resteront filmés, quand d’autres plongeront sur le plateau. Des personnages romanesques L’adaptation du film à l’époque actuelle ne modifie ni les personnages, ni les dialogues. Jérémy Lopez, survolté dans le rôle du Marquis de la Chesnay, passionné par les nouvelles technologies, manie la caméra en chef d’orchestre magnanime qui accueille ses invités. La blonde Elsa Lepoivre incarne Geneviève, sa maîtresse, alors que la brune Suliane Brahim campe Christine, l’étrangère épouse du Marquis, qui passe pour le coup d’Autrichienne à Arabe, et pour laquelle le navigateur André Jurieux, joué par Laurent Lafitte, a traversé l’Atlantique en sauvant des réfugiés. Bakary Sangaré (Edouard Shumacher) est chargé de la sécurité de ce petit monde d’aristocrates et de grands bourgeois et repousse Marceau (Eric Genovese) qui braconne des lapins (!) sur la place Colette. Dans l’arrière cuisine, la domestique Lisette (Julie Sicard), en hommage à Beaumarchais, en pince pour Marceau. L’ami fidèle Octave, hommage à Musset et aux Caprices de Marianne, joué par Jérôme Pouly, va être aussi de la partie. Qui font exploser les images Passé le film qui montre le début d’une scène de chasse à courre collective, les comédiens investissent toutes les parties de cet imposant théâtre à l’italienne, escaliers monumentaux, loges, foyers illuminés, couloirs somptueux, pour se déguiser en piochant dans l’improbable réserve de costumes des différents spectacles. Ainsi déguisés, parés dans leurs propres costumes de scènes, les acteurs déboulent face à nous, avec leurs verres de champagne qui coule à flots, leur micro dégoupillés et leur folie de vivre et de jouer. Au lieu de Mozart ou Schubert chez Renoir, on nous offre Charles Aznavour et Dalida, stars de télé des années 70 dont Serge Bagdassarian magnifie les chansons. Jérémy Lopez bondit au beau milieu des spectateurs et se hisse sur les fauteuils en haranguant le public, les techniciens braquent les projecteurs, et c’est l’Eurovision qui est de retour. Roman feuilleton Tromperies, embrassades, bagarres masculines, ivrogneries mondaines, le jeu des acteurs va très loin dans l’expression des sentiments et des situations, montrant une fois encore l’excellence et l’engagement total de la troupe qui s’est visiblement beaucoup amusée à jouer cette fantaisie. Mais à trop en faire, en surlignant de manière pléonastique l’identité du lieu de jeu et la personnalité des comédiens, le spectacle finit par tourner en boucle et laisser sur le carreau le propos. Christiane Jatahy a vraisemblablement, et on la comprend, été fascinée par la Comédie Française et sa troupe, et sa maîtrise à mêler les différents médias de jeu est impressionnante. Mais Jean Renoir, qui réalisa son film en 1939, cherchait à souligner la vacuité de cette aristocratie mondaine et superficielle, engoncée dans un patriotisme décalé, ignorante des bruits de bottes dont la menaçait l’Allemagne nazie et ses alliances belliqueuses. Un petit monde qui se soucie de ses plaisirs, sans se préoccuper des fureurs de la guerre. Si on omet ce petit rappel, qui manque totalement ici, ce spectacle décoiffant vaut bien le détour pour admirer une troupe à son apogée. Hélène Kuttner [Crédits Photos : © Christophe Raynaud de Lage/coll. Comédie Française] |
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