Chapêlmêle, un lieu culturel multidisciplinaire alternatif à Alençon
Pierre Fourmeau, programmateur, régisseur et artiste à Chapêlmêle nous raconte son parcours, son poste et l’évolution de ce lieu de spectacles.
Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre rôle à Chapêlmêle ?
Je suis Pierre Fourmeau, je suis l’une des nombreuses personnes qui gravitent autour de Chapêlmêle, qui font vivre cet espace situé au tiers-lieu des Petits Châtelets. J’y suis arivé il y a deux ans et demi ; j’ai un rôle important parce que j’élabore la programmation, je m’occupe de l’administration et aussi de la régie. Je suis un homme à tout faire ! Nous sommes une petite dizaine à habiter aux Petits Châtelets dans lequel artistes (peintres, musiciens…) et artisans (marqueterie) ont leur propre atelier.
Quand je suis arrivé à Chapêlmêle c’était pour disposer d’un atelier et d’un studio de musique. Au fur et à mesure, je me suis engagé bénévolement et de manière plus intense dans l’activité du lieu. En février dernier, un emploi aidé a été créé pour mon poste. C’est le premier emploi de Chapêlmêle, jusque-là tous les acteurs étaient bénévoles.
Pouvez-vous présenter votre parcours professionnel ?
J’ai fait une prépa littéraire, j’ai ensuite étudié plusieurs années l’histoire de l’Art à l’école du Louvre, à Paris. En parallèle, j’avais une activité artistique. J’avais envie d’être artiste, j’ai donc pris plus au sérieux ma pratique de musicien et de peintre. J’ai beaucoup créé pour des pièces de théâtre. J’ai ainsi passé 10 ans à Paris à organiser des évènements et des concerts, de manière sporadique. C’est ce qui m’a plu à Chapêlmêle, l’organisation d’évènements ! Je me suis aussi créé une casquette de régisseur et de programmateur que je n’avais pas du tout avant. C’est un plaisir de le faire ! C’est un rythme très intense puisque nous accueillons une cinquantaine de compagnies à l’année, toutes les semaines quasiment, une nouvelle compagnie arrive. Cela ne s’arrête jamais !
Qu’est-ce que Chapêlmêle ?
Chapêlmêle est une association culturelle alternative qui a environ 6 ans, situé aux Petits Châtelets. Il s’agit d’un lieu historique d’Alençon qui a eu beaucoup d’usages différents : un centre d’accueil de filles de “mauvaises mœurs”, une congrégation religieuse, un accueil de femmes veuves… jusqu’au début des années 2000. Depuis cette date, le bâtiment était vide. Au bout de quelques années, les propriétaires de l’association des Petits Châtelets l’ont proposé à la location. Une compagnie de théâtre, la Compagnie Ces Dames Disent appelée maintenant la Compagnie Mycélium a loué la Chapelle. Chapêlmêle se crée avec l’idée d’organiser des soirées de temps en temps, d’accueillir des gens en résidence. Tout cela a commencé vers 2015. Depuis environ 2 ans, l’activité s’est beaucoup amplifiée parce que nous avons mieux agencé le lieu, nous avons communiqué autour de nos projets et nous nous sommes fait connaître.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de Chapêlmêle ?
L’activité de Chapêlmêle est d’accueillir des artistes en résidence. Un espace est mis à leur disposition avec tout le matériel dont ils auraient besoin (une salle noire, des lumières, un portique de cordes…) pour travailler, monter une pièce de théâtre… Nous sommes multidisciplinaires, nous accueillons aussi des plasticiens, photographes, peintres et ce depuis un an et demi. Les prix pour accéder au lieu sont plutôt bas, ce qui permet aux compagnies et aux artistes qui n’ont pas ou très peu de moyens financiers d’avoir la possibilité de venir. Par exemple, pour les plasticiens, nous demandons 3,50 euros par jour, pas plus. C’est symbolique, nous sommes tous artistes, nous connaissons donc les réalités du terrain, nous savons que c’est parfois compliqué d’accéder à des lieux de résidence. Nous accueillons des professionnels et des semi-professionnels amateurs. Dans le cadre de sortie de résidence, les artistes sont amenés à présenter leur travail au public alençonnais et la qualité est souvent au rendez-vous. Nous les aidons, les accompagnons, les soutenons techniquement et artistiquement, parfois. Nous avons un vrai rôle culturel, et travaillons en parallèle de circuits institutionnels. Nous aussi, nous avons notre fonction ! Les élus le comprennent de plus en plus. Nous établissons également une programmation de groupes de musique, de pièces de théâtre, de spectacles…
Il faut adhérer à l’association pour profiter de la programmation. L’adhésion et les repas sont en prix libre. Nous avons vraiment une volonté d’ouverture sur un public multi générationnel. Des consommations sont proposées au bar pour avoir quelques rentrées d’argent, mais nous ne sommes pas du tout un bar associatif, nous sommes avant tout une salle de spectacles et de concerts.
Pour la rémunération des artistes, tout les bénéfices du repas à prix libre leur est versé, et nous proposons un chapeau dans lequel le public donne ce qu’il veut – il peut aussi ne rien mettre. Une partie de la recette du bar va aux artistes. Nous espérons que l’activité continue ainsi longtemps. D’autres emplois sont à créer au vu de l’activité déjà très intense. Nous avons vraiment un rôle à jouer auprès des artistes et évidemment aussi auprès de la population alençonnaise.
Nous sommes soutenus par la Mairie et le département ce qui nous permet d’être un peu plus en sécurité quand il faut payer le loyer, le salaire ou les très nombreux achats de matériel et les frais de fonctionnement. Les institutions culturelles ont beaucoup de mal à nous comprendre parce que nous ne rentrons pas dans les cases.
Pourquoi ce nom ?
Je n’étais pas là quand ce nom a été choisi, mais il illustre bien ce qui se passe ici : un pêle-mêle culturel. Nous sommes dans un lieu assez magique et gigantesque : nous disposons de 5000 m2. Nous proposons de la danse, de la musique, du théâtre, du cirque, des marionnettes, de la photographie, de la peinture, de la sculpture… c’est tout ce qui fait notre richesse !
La programmation est éclectique et internationale, comment choisissez-vous les artistes qui viennent jouer à Chapêlmêle ?
Nous sommes ouverts quant au choix des artistes, notre ligne artistique se veut de qualité et avec les styles variés. Nous proposons même des concerts expérimentaux, un peu plus ardus à écouter mais peu de structures proposent de présenter ce style dans les 30 km aux alentours. Évidemment, nous avons aussi un public familial, des gens de tous horizons, donc nous proposons des évènements diversifiés pour tout public. Nous devons trouver un juste milieu entre des propositions artistiques difficiles d’accès, de la chanson française et du théâtre comique par exemple. Nous proposons une programmation hebdomadaire voire pluri-hebdomadaire intense. Nous travaillons aussi avec des bookers à l’international : nous avons ainsi accueilli des artistes américains, japonais, des groupes tchèques. Un groupe vénézuélien est normalement programmé pour octobre 2021.
Quelles autres activités organisez-vous ?
Au tiers-lieu culturel des Petits Châtelets, il y a l’association Chapêlmêle et l’association des Courts-Circuits, davantage orientée vers tout ce qui est environnement et éco-responsabilité. Cette dernière occupe une parcelle du jardin depuis plusieurs années, elle propose une guinguette au bout de la rue, à l’autre bout du bâtiment. L’AMAP locale (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) y vient, il y a l’association Transtopie qui organise plusieurs fois par an des festivals aux alentours. Transtopie prépare un festival féministe, le Lady Fest le 2 et 3 octobre à Chapêlmêle. Nous sommes beaucoup d’acteurs culturels différents à intervenir dans ce lieu.
Chapêlmêle a donc un rôle fédérateur. Ce n’est pas forcément Chapêlmêle qui va impulser certaines activités mais ce sont les bénévoles qui travaillent dans l’association qui vont permettre que des cours de yoga, des cours d’arabe, des ateliers d’initiation à la sérigraphie voient le jour. Depuis environ un mois, nous avons mis en place un labo photo dans le but d’initier à la photographie à partir de septembre 2021.
Chapêlmêle est une façade politique et culturelle visible qui permet de clarifier ce qui se passe sur le site.
Cette année, vous faites partie des lieux de diffusion du festival les Échappées Belles, une belle reconnaissance de la ville d’Alençon ?
Tout à fait, c’est une belle reconnaissance, nous sommes contents. Nous avons su créer des liens avec les autres initiatives culturelles de la ville dont la scène nationale 61 et nous avons pu leur montrer que nous existons et que nous accueillons des compagnies dont des compagnies émergentes qui proposent de beaux spectacles. C’est ainsi que le week-end du 17 et 18 juillet dernier, nous avons accueilli 4 spectacles des Échappées Belles, un festival organisé par la Ville d’Alençon et la Scène nationale 61. Ces quatre spectacles que Chapêlmêle a programmés sont des artistes qui sont déjà venus en résidence à Chapêlmêle. Nous sommes contents d’être pris au sérieux par les institutions ! Nous participerons le 10 octobre à l’ouverture du festival de la poésie d’Alençon. Nous devenons clairement un acteur culturel qui n’a pas à rougir !
Nous avons pu avoir un budget pour la programmation. Nous avons pris en charge l’accueil technique, hébergé toutes ces compagnies la semaine précédant le festival pour qu’ils puissent se réapproprier l’espace dans lequel ils avaient déjà travaillé les mois précédents. C’est important pour nous de soutenir ces compagnies ! Nous pouvons être la première marche pour des projets parfois difficile d’accès. Certaines compagnies talentueuses n’auraient jamais pu être programmées directement par la scène nationale par manque de réseau et d’expérience. Nous ouvrons une petite porte sur le côté par un travail de fond mis en œuvre depuis des années. Les artistes ont reçu des cachets d’intermittence. Le public a répondu à l’appel. Nous étions presque 150 pour tous les spectacles. C’était super, la cour se métamorphosait toutes les deux heures en fonction des spectacles.
Quelles sont les actualités de Chapêlmêle ?
Nous avons clôturé la saison précédentes avec les Echappées, mais nous avons accueilli des compagnies tout l’été en résidence. La reprise est prévue pour le samedi 28 août avec le groupe Dalès, un duo base guitare batterie, des performances poétiques, une performance de danse et des expositions différentes.
Les évènements vont s’enchaîner très vite : les 3, 4 et 5 septembre nous proposons un festival de théâtre, les 11 et 12 nous avons 6 groupes de musique qui viennent jouer, il y aura ensuite les journées du Patrimoine… Tout est bouclé jusqu’à janvier 2022 ! Il y a même beaucoup de dates arrêtées pour la suite !
J’encourage les Alençonnais à venir faire un tour à Chapêlmêle. Ils sont déjà de plus en plus curieux et nombreux, c’est super ! Pour les artistes qui liront cet article : n’hésitez pas à nous contacter ! Nous ne sommes pas là pour faire des sélections, nous militons fermement pour continuer à pouvoir accueillir des artistes en toute simplicité dans un lieu où les gens se sentent bien.
Retrouvez toutes les informations sur le site du Chapêlmêle, ainsi que sur la page Facebook du lieu.
Propos recueillis par Zoé Lavanant
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