Cédric Fernandez mélange l’improvisation et la mémoire dans “L’Expérience inoubliable”
Depuis environ 10 ans, Cédric Fernandez émerveille le public du monde entier avec son spectacle L’Expérience inoubliable, une performance mélangeant l’improvisation théâtrale et la mémoire. L’improvisateur nous raconte son parcours atypique fait de rencontres, de rires et de voyages.
Bonjour Cédric, peux-tu te présenter s’il te plaît ?
Je m’appelle Cédric Fernandez, je suis comédien improvisateur, entre autres, je fais aussi des formations en communication. J’ai un parcours un peu atypique : initialement, je suis ingénieur, j’ai travaillé en recherche dans l’industrie. J’ai aussi été prof à la fac. Et quand j’ai découvert l’improvisation en 2009, c’est progressivement devenu toute ma vie.
Qu’est-ce qui te passionne dans l’improvisation ?
C’est la philosophie qui rend l’improvisation possible. À savoir, pour être capable de construire une histoire avec quelqu’un que tu ne connaissais peut-être même pas 5 minutes avant. Il faut être capable d’écouter, soi et l’autre ; il faut être capable d’accepter les propositions quand elles se présentent, accepter ses propres propositions, plus celles de ses camarades de jeux et enfin construire. Et en fait, c’est une stratégie qui ne rate jamais. Ce moteur, c’est l’énergie infinie !
Peux-tu expliquer le concept de ton spectacle L’Expérience inoubliable ?
Pour ce spectacle, il y a un musicien qui va jouer la bande originale de l’improvisation pendant toute l’histoire et il y a un(e) comédien(ne) invité(e) qui va sortir au début du spectacle pendant que le public va me donner 20 mots que je vais mémoriser. Ensuite le/la comédien(ne) revient et là, on va improviser notre histoire qui dure environ une heure et dans laquelle je vais lui faire dire les 20 mots de mémoire et dans l’ordre.
Tu as inventé le spectacle toi-même ? Comment as-tu trouvé l’idée ?
Oui. C’est né d’une technique de mémorisation qui est un mélange de palais mental et de table de rappel qui une technique qui sert pour mémoriser des grandes listes. Je l’ai adapté pour créer ce spectacle. Au début, je le jouais tout seul, puis avec un musicien et après avec des invité(e)s. La formule qu’on a trouvée qui marche très bien, c’est le fait de faire deviner les mots par un(e) invité(e) parce que c’est là que l’on crée les situations les plus drôles. Voilà comment il a évolué.
Pourquoi avoir décidé de mettre de la musique dans le spectacle ?
La toute première fois que je l’ai fait, c’était sur la suggestion d’un improvisateur parisien qui s’appelle Philippe Saïd. J’ai joué ce spectacle pour la toute première fois en 2013, tout seul sur scène, je prenais les 20 mots du public et après, je partais dans une impro dans laquelle je remettais les mots tout seul dans l’ordre. Philippe me dit : ” Ton concept est cool, ça n’existe nul par ailleurs, c’est hyper impressionnant, mais au bout des 5-6 premiers mots, une fois que tu les as dits, on sait que tu ne vas pas te planter, la tension se perd. Il faudrait que tu embarques le public dans un univers, avec des émotions, que tu racontes quelque chose.”
Ayant commencé avec les matchs d’impro, pour moi, les moments les plus poétiques dans lesquels il y avait le plus de possibilités de faire ressentir l’émotion, plus facilement, qu’en le faisait seul sur scène, c’était avec de la musique.
La musique, ça part tout de suite, ça habille complètement l’improvisation, ça amène l’émotion. En plus, c’est improvisé donc ça apporte des émotions qui ne sont pas forcément les miennes et dont je peux m’inspirer pour partir et orienter l’histoire. C’était une voie de facilité. Aujourd’hui, le vrai challenge, ça serait d’arriver à créer ça, avec que de la présence scénique.
Avoir un artiste en live, c’est mieux que d’avoir une bande son ?
Les deux sont possibles. On a beaucoup travaillé avec Antoine Noirant notamment qui est régisseur à l’Improvidence à Lyon. Il est quelqu’un de brillant en lumière et son. On a fait tout le Festival d’Avignon en 2018 et 2019 sans musicien live, c’était lui qui passait la musique. Ça fonctionne, mais on perd une dimension. Et puis dans la mise en scène du spectacle, il y a une interaction au début avec le musicien quand je mémorise les mots qu’il n’y a pas quand ce sont les bandes son.
Tu as fait plus de 200 représentations, est-ce qu’on ne se lasse pas au bout d’un moment ?
Non. Déjà purement lié à l’improvisation, il n’y a jamais 2 spectacles pareils parce qu’on ne connaît pas l’histoire à l’avance. La deuxième chose, c’est que sur un peu plus de 200 représentations, j’ai dû jouer avec 90 improvisateurs/ improvisatrices différent(e)s.
Ce n’est pas une équipe de comédiens qui tourne ?
Non. Au début, en 2016, quand nous avions trouvé la forme à 4, William à la musique et Vincent au dessin, c’était Joe mon partenaire de jeu tout le temps et puis il est parti vivre au Québec. On avait déjà commencé à accueillir des invités quand on jouait déjà à 2, ça voulait dire 3 comédiens sur scène. Quand il est parti, naturellement, j’ai invité d’autres comédiens et finalement, on en est rendu aujourd’hui à un peu plus de 90 improvisateurs dans le monde qui ont joué le spectacle en tant qu’invité.
Tu as joué L’Expérience inoubliable un peu partout dans le monde, en anglais, notamment, est-ce qu’il y a des choses qui changent par rapport au français ?
Mon manque de vocabulaire. Il n’y a que ça. En fait, et c’est vraiment la force de ce spectacle, parce que les situations drôles viennent de l’ironie dramatique qui existe à partir du moment où le public se demande si j’ai bien le mot qui vient, quand ils s’aperçoivent que je suis en train de travailler dans le champ lexical qui va bien, ils se disent : “C’est bon, il l’a retenu”, et puis comment je suis en train d’essayer de le faire deviner, comment l’invité réagit aux indices et est-ce que ça tombe juste, est-ce que ça tombe à côté. Et en fait ça crée du rire, indépendamment de ce qu’on peut dire. La situation drôle ne va pas émerger du fait qu’on dit des choses drôles, mais du fait qu’on joue avec la situation et ça, ça n’a pas de frontière. Ça marche partout.
Pourquoi avoir décidé de mélanger l’improvisation et le jeu de mémoire ensemble ?
Initialement, parce que c’était un concept original. Il existait déjà des spectacles dans lesquels il y avait des listes de mots qui étaient affichés sur des tableaux, Les Bonimenteurs faisaient ça, ils prenaient des proportions du public, ils notaient ça sur un paperboard et puis ils rayaient les mots au fur et à mesure. Gérémy Crédeville, aussi, a un spectacle, qui a tourné pendant très longtemps et qui s’appelait Tournée générale où lui faisait son tableau en 6 ou 8 parties, il avait 60 mots et puis il incarnait des personnages et il barrait les mots au fur et à mesure et là, c’était le public qui en entrant notait les mots.
Donc, voilà, des concepts comme ça existait, avec des improvisateurs qui ont les mots sous les yeux, mais des gens qui les mémorisent, il n’y en avait pas.
Ça nécessite de l’entraînement. J’organise des stages pour apprendre aux gens à le faire.
Quel est ton secret pour mémoriser tous ces mots ?
Toutes les techniques sont disponibles en libre accès sur Internet. La technique la plus proche de celle que j’exécute sur scène, ça s’appelle la table de rappel. C’est le fait d’associer un chiffre à un objet qu’on va associer à l’élément qu’on doit mémoriser.
Ton cerveau est en quelque sorte ton outil de travail ? Comment fais-tu pour l’entretenir ? Pour travailler ta mémoire ? Tu mémorises des listes tous les jours ?
Non, non, la technique est complètement suffisante. C’est assez bluffant, les gens ne se rendent pas compte, j’ai l’impression. Ils trouvent ça exceptionnel alors que tout le monde est capable, c’est ça qui est fou en fait. Malheureusement, c’est comme si l’école ne nous avait jamais appris à utiliser notre cerveau tel qu’il fonctionne réellement. Cette technique-là, elle est redoutable et elle fonctionne pour tout le monde.
Le spectacle va-t-il continuer d’être joué ?
Oui, il va continuer d’être joué ! Pour le moment, il n’y a pas de calendrier très précis. Ce spectacle a beaucoup tourné, là maintenant, on fait en fonction de la disponibilité des uns et des autres. Il est bien stable donc on s’attend à ce que le spectacle soit vendu, affaire à suivre ! C’est sûr, en tout cas, qu’il y a des projets en cours, notamment toute la partie visuelle a été revue, il y a une nouvelle affiche qui est prête à sortir. Voilà on attend un événement pour lancer tout ça et donner un nouvel élan au spectacle.
Ton parcours atypique t’aide t-il à la création ?
Oui bien sûr ! J’arrive à recycler l’intégralité de ce que j’ai fait avant dans les improvisations.
Même l’ingénierie ?
Oui, tout ! Si je dois jouer un scientifique par exemple, il y a du vocabulaire qui peut tomber assez facilement. Pour investir des univers dans lesquels j’ai déjà évolué, c’est sûr que c’est plus facile.
Tu as étudié la psychologie, ça doit t’aider aussi ?
Énormément ! Sur le jeu de certaines émotions notamment ou pour comprendre des personnages qui sont loin de ma personnalité première. Par exemple, ça m’a servi à être capable de jouer des méchants sans être méchant. Que cela soit vraiment un personnage vraiment construit, que de pouvoir faire sortir des choses qui seraient inacceptables dans ma vie normale.
J’ai lu que ton parcours et ta carrière tournent beaucoup autour de l’Homme et de l’humain, c’est important pour toi ?
L’humain c’est le fil rouge de toute ma carrière. Quand je passe du CNS à l’industrie et de l’industrie à la fonction publique puis à travailleur indépendant, le point commun de chacun de mes départs, c’était quand ça ne se passait plus trop bien humainement sur place, ça n’a jamais été par manque d’intérêt pour le métier, j’ai aimé ce que j’ai fait quand je faisais de la recherche, j’aimais ce que j’ai fait quand j’étais dans le milieu industriel à faire des préventions des risques pour les travailleurs, j’ai aimé mon métier de prof. Mais voilà, parfois, les environnements devenaient un petit peu tendus et puis de nouvelles opportunités se présentaient et je les saisissais. L’humain a toujours été au cœur, c’est ça mon fil rouge.
Quelles sont tes inspirations ?
Bonne question ! Les rencontres ! Les rencontres et les lieux, parce qu’en improvisation, toute la matière, elle est là ! Enfin, pas toute, puisqu’il y a aussi des choses qui viennent de l’intérieur, des humeurs, de l’état, mais ça, c’est très influencé par ce qu’il se passe à l’extérieur et mon monde extérieur, ce sont les autres et les lieux : une ambiance, des gens, une caractéristique, ce sont des choses que je vais pouvoir observer et accueillir et restituer à ma manière.
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Propos recueillis par Sarah Chollet
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