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Catherine Poisson : “On est le prétexte pour une fête ou pour une rencontre”

Marcie Dupont 6 avril 2021
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© Nathalie Champagne

Catherine Poisson, comédienne polyvalente touchant aussi à la musique et à l’écriture à ses heures perdues, nous livre ici le récit de son métier et les coulisses de l’élaboration d’un projet dans le théâtre. Passionnée par son métier et amoureuse des gens et des rencontres, elle nous explique comment elle parvient à réunir les choses qui lui tiennent à cœur autour de ses projets.

Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Catherine Poisson, j’ai 56 ans, j’ai un parcours de comédienne chanteuse depuis très longtemps. J’ai commencé comme amateur en 1981, puis j’ai fait des études de lettres à la fac, avant de suivre une formation au conservatoire. J’ai travaillé pour plusieurs compagnies et j’ai monté la mienne en 1994, la compagnie La Lucarne, avec laquelle je monte toutes sortes de créations qui sont surtout tournées autour des mots, de la poésie et de la musique.

Comment définiriez-vous votre métier ?

Thérapeute des mots. Il y a une phrase de Vincent Van Gogh qui me parle bien : “Il n’y a rien de plus réellement artistique que d’aimer les gens.” Ce qui m’inspire c’est parler de l’humain, être dans la beauté des choses.

Comment cela s’exerce-t-il au quotidien ?

Ça passe d’abord par la lecture, que j’affectionne particulièrement. Je lis beaucoup de livres et j’écris, je me sers des mots que je compose. Je fais de la poésie en me laissant porter par ce qui vient. Des fois, je me réveille la nuit et j’ai des mots qui sortent. Je les relis le lendemain et parfois je me dis : “Ah c’est pas mal !” ou au contraire “Non, c’est pas bien”.

Quels sont vos projets à l’heure actuelle ?

En ce moment je suis en train de créer un spectacle qui est né comme ça, du confinement. Mon pianiste m’a dit : “Je sais que tu écris”. Alors j’ai commencé à lui montrer mes textes et puis on est allés faire un festival sur Nantes pour lequel j’avais carte blanche. J’y ai lu mes textes. On a fait grandir l’affaire et j’ai maintenant une résidence prévue dans quelques jours au Théâtre Quartier Libre d’Ancenis (44), avec plein de gens sur le plateau. Je suis entourée de gens qui ont envie de travailler et comme c’est compliqué en ce moment, on est très enthousiastes d’aller sur le plateau.

Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est une résidence ?

Je suis allée taper à la porte d’un théâtre pour prendre rendez-vous avec le programmateur. Je lui ai proposé ce projet que j’avais autour du théâtre, il a adhéré. On travaille pendant une semaine, on va présenter 15 minutes du spectacle et ensuite, des programmateurs vont venir pour nous dire si ça leur plaît et on va pouvoir continuer la création. On est accueillis par un espace et on crée notre spectacle. Ce qui est formidable dans les résidences d’artistes pour le théâtre et la musique, c’est qu’ils nous laissent la possibilité d’avoir un plateau conséquent et de répéter dans ce lieu pour créer. Ils sont intéressés par la résidence car financièrement, ça coûtera moins cher par la suite. Il y a un défi financier : comme on crée le spectacle, on aura une fidélité et ce sera moins cher. Une confiance s’acquiert avec le temps et l’expérience.

© Nathalie Champagne

Quels sont les événements ou les rencontres qui ont contribué à l’évolution de ta carrière ?

À côté de mon école, il y avait un théâtre. À l’école, j’avais commencé à monter un spectacle avec des copines. Ensuite je suis allée taper à la porte du théâtre d’à côté et très vite, j’ai été prise. C’était peut-être parce que je m’ennuyais à l’école, je voyais bien que j’étais bonne élève mais j’avais besoin de me challenger. Je crois que j’ai besoin de me donner des défis artistiques, ça me met en mouvement et ça me fait grandir. J’ai besoin de cette nourriture-là. J’ai continué mes études de lettres tout en faisant du théâtre amateur et on m’a alors proposé de rentrer directement au conservatoire ou d’aller à Dublin pour être lectrice à la fac. Je me suis retrouvée face à un choix un peu cornélien. Cet été-là, j’ai failli me noyer et à ce moment-là, je n’avais que la mer et le ciel comme perspective. Je me suis rendu compte que j’avais des choses à faire au théâtre et que ma priorité, c’était le théâtre. Pas l’anglais, ni la littérature anglaise. J’avais peut-être besoin de cet événement pour me sentir légitime et me rendre compte que c’était presque une question de vie ou de mort. Je me suis dit : “Fais-toi plaisir, va vers ce qui te rend heureuse parce que la vie est courte.”

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre compagnie, Lucarne ?

On fait autant du spectacle pour enfants que pour adultes et grand public. On adore la lecture, alors on fait beaucoup de lectures publiques. Il y a des auteurs qu’on affectionne particulièrement, comme Françoise Moreau par exemple. Je fais aussi beaucoup de travail de laboratoire, j’ai notamment travaillé sur une lecture dans le noir, qu’on appelle lecture sensorielle. C’était quelque chose d’un peu nouveau. On est six comédiens mais on n’est pas forcément toujours tous ensemble sur le plateau. On a aussi des musiciens dans la compagnie.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette façon propre à vous de jouer dans les maisons des particuliers ?

On est prétexte à la rencontre. Ce sont des gens qui aiment le théâtre, qui aiment la littérature, qui aiment le sujet qu’on traite et on est le prétexte pour une fête ou pour une rencontre et ça, ça a vraiment du sens pour moi. Des gens qui se connaissent déjà, ou pas, viennent se nourrir culturellement, intellectuellement, ou simplement pour s’amuser car il y a aussi des textes très drôles. Après, il y a un véritable échange entre eux et nous. On est là en tant qu’artistes et des fois, on a vraiment de belles rencontres avec le public. On est au milieu des gens et on passe une excellente soirée.

Quels sont les projets qui vous ont le plus marquée ?

J’ai commencé très fort, en incarnant Juliette dans Roméo et Juliette. J’avais alors 16 ou 17 ans. C’était amateur mais la mise en scène était faite par des professionnels. Quand je me suis retrouvée sur scène, ça a été une telle expérience, une telle déflagration d’émotions. Ça m’a marquée. C’était une expérience très riche, il y avait un orchestre philharmonique, 50 figurants. J’étais au centre de cette aventure-là, si bien que les gens m’appelaient Juliette. Ensuite j’ai continué mes études, parce que mes parents le voulaient, mais je tournais toujours autour du théâtre. Ce gros projet fait que j’ai toujours cherché à revivre quelque chose d’aussi fort dans mon métier. Alors je me suis donnée les moyens d’y arriver, même dans des conditions parfois plus difficiles. Aujourd’hui, les conditions deviennent de plus en plus sympathiques, on va avoir un grand plateau. J’ai également travaillé avec le Théâtre du Totem, je suis partie en tournée en Pologne où j’ai lu de la poésie française. C’était formidable parce qu’en Pologne, il y avait des gens qui parlaient français. En entendant de la poésie française, ils étaient touchés. Ils me faisaient l’honneur de me recevoir mais je ne me rendais pas compte du cadeau que je leur offrais. C’était des extraits littéraires, des choses pas faciles en plus. Ces gens-là me faisaient sentir à quel point la langue française est précieuse. Ça m’a vraiment marquée. On a aussi eu une tournée avec les bibliothèques, j’ai beaucoup aimé jouer devant les enfants. Prendre ta voiture tous les matins, aller jouer devant les enfants et savoir qu’il y aura des éclats de rire, c’est le bonheur. Tu rentres le soir, t’es fière de ta journée parce que t’as donné du bonheur à plus de 200 gamins. C’est mission accomplie !

© Nathalie Champagne

Plus d’informations sur le site internet de la Compagnie Lucarne.

Propos recueillis par Marcie Dupont

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