Carolyn Carlson : Occupy Chaillot !
Carolyn Carlson 4 programmes : Seeds – Retour à la terre Du 13 au 24 janvier 2016 Density 21.5 / Dialogue with Rothko Du 5 au 7 février 2016 Double Vision Du 10 au 12 février 2016 Pneuma Du 17 au 0 février 2016 Tarifs: 10€ – 39 € Réservation 01 53 65 30 00 Théâtre National de Chaillot |
Artiste associée au Théâtre National de Chaillot, Carolyn Carlson y propose quatre programmes, véritable panorama de son invention artistique. De son premier solo, sur une musique d’Edgar Varese, à sa première pièce tous publics, créée spécialement pour ce programme, elle montre sa vitalité créatrice. Dans deux solos, Carlson sera même en scène: « Double Vision », plongée dans la richesse visuelle des arts électroniques, et « Dialogue with Rothko », hommage haut en couleurs au peintre réputé sombre. Américaine aux racines finlandaises, attirée par les philosophies asiatiques, Carlson reste l’une des figures de proue de la danse française. Pour marquer ses trois années d’artiste en résidence à Chaillot, elle propose un programme qui inclut un retour sur ses origines artistiques autant que sa dernière grande création, avec le Ballet de l’Opéra National de Bordeaux. C’est en ce sens que le titre de sa création tous publics est doublement symbolique : « Seeds-Retour à la terre » s’adresse aux spectateurs entre huit et quatre-vingt-huit ans. Richesse visuelle, croisement des cultures, engagement sur le fond : les ingrédients carlsonniens sont au rendez-vous. Un couple japonais et un mime-danseur interprètent des personnages symboliques et mystérieux, liées à la terre, à l’air, aux racines, aux arbres… Quand Carlson décide de parler écologie, elle n’en reste pas moins poète. Les graines essaiment sur le plateau, l’énergie de la danse incarne la croissance de l’arbre. Au lieu d’un discours, « Seeds » met l’accent sur notre lien instinctif avec la nature. Deux collaborations avec YAK Tout le monde est touché par Elyx, petit bonhomme né de la plume du dessinateur Yacine Aït Kaci, aka YAK. On le suit quand il chevauche les nuages ou s’installe sur la lune, dans son envie de faire éclore des arbres sur n’importe quelle surface. Sur le plateau, le corps du mime Alexis Ochin sait épouser les mêmes courbes longilignes que le corps-trait d’Elyx, dans sa poésie et sa simplicité. On plonge dans un livre d’images, un conte ou une légende, souvent porté par une musique digne d’un film d’aventure. Pas besoin d’avoir huit ans pour se laisser emporter par la légèreté de Chinatsu Kosakatani qui incarne l’envol des graines autant que les racines de l’arbre. Ismaera Takeo Ishii, vêtu d’un costume ocre, plus proche du hip hop en tant que danseur, peut représenter la terre ou les rochers, et même là les arbres peuvent surgir, dans une scénographie de très belle inspiration plasticienne. Tous les écrans et sculptures, du rocher aux graines, sont en papier kraft, et prennent donc source dans l’arbre. Autre plasticien ô combien important, Guillaume Bonneau sculpte les couleurs vives et omniprésentes comme on meuble un salon, par la seule force des lumières, en inventant des effets qui portent le merveilleux, autant que les danseurs. « Seeds » est donc une œuvre totale, faite de danse, d’arts plastiques et visuels et bien sûr de la poésie d’Elyx avec son corps qui teint en quelques traits, si bien qu’il lui arrive de devenir le jongleur de sa propre tête. Les images de cette pièce ne sont jamais didactiques, toujours ouvertes à être investies par l’imaginaire de spectateurs, des plus jeunes à ceux qui ont lu les légendes du monde entier. La première collaboration entre Carlson et YAK date de 2006. Co-créateur, avec Naziha Mestaoui, d’Electronic Shadow, plate-forme de design multi-média et électronique. Pour le solo « Double Vision » de Carlson, ils créent un univers visuel en 3D, en constante transformation, capable d’évoquer toutes textures et ambiances, créant une empathie sensorielle forte chez le spectateur. La danseuse, et il s’agit de Carlson en personne, y est littéralement (mais virtuellement) enveloppée. Les projections deviennent comme une robe aux dimensions infinies. En arts électroniques, l’imagination n’a pas de limites. « Density 21.5 » / « Dialogue with Rothko » Carlson adore l’univers de Mark Rothko. Au peintre mystique, réputé ténébreux, elle a consacré un livre de poésie, dont elle fait le point de départ pour son solo créé en 2013. « Dialogue with Rothko » est autant le titre de ce recueil que celui de son solo, dernier en date d’une longue série ayant marqué la carrière de la chorégraphe et le paysage de la danse. Accompagnée de Jean-Paul Dessy au violoncelle, Carlson incarne le geste du peintre autant que son univers intime, mental et spirituel. Avec son tempérament si extroverti et joyeux, la chorégraphe se sent pourtant proche de Rothko: « J’ai toujours été frappée par sa simplicité, sa profondeur émotionnelle et l’intensité de ses couleurs. Je me sens très proche de lui dans l’esprit, dans sa façon de penser la poésie, la mythologie et la joie. » Elle signe donc un solo plein d’émotions traduites en gestes, avec cette finesse et la précision dont Carlson, ayant passé les soixante-dix ans, garde toute la maîtrise. Ce solo-hommage est précédé de « Density 21.5 », titre de la composition la plus célèbre d’Edgar Varese. C’est ce bref solo pour flûte, dont le son évoque naturellement l’air et le vent, que Carlson choisit alors qu’elle est danseuse à l’Opéra de Paris, pour créer son premier solo. En 2015 Carlson transmet « Density 21.5 » à Isida Micani, danseuse de sa compagnie, cette pièce fondatrice évoquant un oiseau. « Pneuma » Tout se tient dans l’œuvre de la Californienne, fondatrice de l’Atelier de Paris installé à la Cartoucherie, où elle est proche de la nature, qui lui importe tant, depuis ce premier solo dédié aux oiseaux jusqu’à sa dernière grande création. « Pneuma », peu vu depuis sa création à l’Opéra de Bordeaux en 2014. Comme « Eau » et « Now », « Pneuma » s’inspire d’une œuvre de Gaston Bachelard. « L’Air et les songes : essai sur l’imagination du mouvement » offre à Carlson une inspiration dans les deux sens du terme. L’air devenant le sujet même de cette pièce où la danse rend visible et palpable l’élément dont nous oublions au quotidien à quel point il nous est indispensable. Décliné en sept tableaux et interprété par les vingt-deux danseurs du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux, « Pneuma » est la création la plus importante de Carlson, un vrai poumon artistique où le souffle chorégraphique balaye le plateau telle une tempête créatrice. Sur des compositions de Gavin Bryars et Philip Jeck, l’histoire entre Carlson et Bachelard n’a rien d’une brise passagère. Thomas Hahn [ Photos : Laurent Paillier / Electronic Shadow (Double Vision) / Sigrid Colomyès (Pneuma)] |
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