“Cabaret de l’Exil” : fantômes du monde Yiddish
Après deux années de silence forcé, Zingaro revient au Fort d’Aubervilliers avec un spectacle magique célébrant la culture Yiddish et la musique Klezmer. Pour ce premier volet des cultures nomades, les fantômes d’Europe centrale errent à cheval ou dans les airs, à la manière de toiles de Chagall, entre paradis et superstitions. Un vrai moment de grâce.
Les fantômes de Bashevis Singer
“J’écris en yiddish car j’aime les fantômes. Et je crois qu’un jour ces milliers de juifs morts qui parlaient yiddish vont ressusciter, et en sortant de leur tombe, vont demander quel est le dernier livre publié en yiddish.” Ainsi s’exprimait le grand écrivain polonais lors de la remise de son Prix Nobel, répondant à tous ceux qui lui demandaient pourquoi, alors naturalisé Américain, il continuait d’écrire dans cette langue mourante. Ce spectacle est à l’image des fantômes de Singer et le formidable “Petit Mish-Mash”, formation musicale composée de quatre musiciens, peuple cet univers de chansons et de mélodies tziganes et klezmer à la beauté nostalgique et aux harmonies mineures enivrantes. Un accordéon, une clarinette, un cymbalum et un violon et nous voici en Bohême, en Pologne ou en Galicie avec des oies sur la piste et un maréchal ferrant qui tambourine.
L’écuyère de Chagall
L’intelligence de Bartabas est d’avoir associé à son spectacle un comédien d’origine argentine, remarquable Raphaël Goldwaser, spécialisé dans la culture Yiddish, qui nous raconte, sous forme d’un fil conducteur et avec les mots de Singer, l’esprit de cette culture basée sur l’humour et la poésie. Alternant l’original et la traduction française, il raconte aux plus novices pourquoi c’est la langue des contes et de l’oralité, en même temps que celle du monde spirituel. Un passage par des mots, drôles et caustiques, qui décapitent les faux-semblants, se moquent de la souffrance en l’invitant à table, alors que sur la piste déboulent à toute allure des chevaux noirs ou blancs montés par de jeunes cavaliers acrobates. Voltiges incroyables, chorégraphie dansante sur des chevaux ailés, couples de fiancés en blanc suspendus à une selle, dibouk volant, la maestria équestre de Zingaro se traduit ici en un florilège d’images inventives et puissamment émotionnelles.
Poésie équestre
Des ânes, des chèvres, un cheval de trait, une carriole avec un châle de prière dessinent des villages pauvres de Pologne avec des synagogues en feu, images saisissantes de la dernière partie du spectacle. Un orgue, perché en plein centre du chapiteau, déroule le chant des morts. Mais les jeunes artistes, vibrant de vie, expriment aussi par leur prouesse créatrice et technique, par le risque qu’ils prennent chaque soir, un immense sursaut de vie et d’énergie qu’ils nous offrent en partage. Les chevaux, petits ou élancés, trappes ou élégants, expriment dans leur figures et leur énergie un langage sensible qui est celui des bêtes qui nous ont toujours entourés. Humains et chevaux, musiciens, chanteuse et comédiens, constituent ici un univers fantasmagorique qui est celui de la poésie et de la peinture. Un monde d’images et d’émotions, de bons sens et d’évidences. Assis à des petites tables à la nappe fleurie, savourant un verre de vin chaud, nous avons décollé sans avoir senti le temps passé et traversé toute cette histoire européenne. A cheval et en musique !
Hélène Kuttner
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