Booty Looting : Wim Vandekeybus en pilleur au Théâtre de la Ville
Booty Looting Mise en scène, chorégraphie & scénographie de Wim Vandekeybus Créé avec & interprété par Jerry Killick, Birgit Walter, Musique originale live de Elko Blijweert Live still-photographie de Danny Willems Du lundi 14 au samedi 19 avril et du mardi 22 au vendredi 25 avril 2014 à 20h30 Durée 1h40 |
Du 14 au 25 avril 2014
Wim Vandekeybus représente une des images les plus puissantes de la danse flamande. En presque trente ans sa compagnie Ultima Vez, créée en 1986 et régulièrement invitée au Théâtre de la Ville, n’a rien perdu de sa fulgurance. Une pièce comme « Booty Looting », particulièrement instinctive et agressive, en est la preuve vivante. Chaque pièce d’Ultima Vez éclate tel un film d’action. Les courses, sauts et coups mettent la physiologie des interprètes à rude épreuve, au bénéfice du spectateur. L’empathie est immédiate, on se projette sur leurs envols ou roulades. Quels que soient les risques à prendre par les danseurs, nous ne sommes jamais perdus. Wim n’aime pas les choses compliqués. Il se nourrit, en toute simplicité, de notre quotidien et de nos phantasmes. Par contre, à partir de tout ce matériau terre à terre, il peut construire des schémas complexes. 30 ans bientôt! Vandekeybus a créé une référence, un style qui cogne. Chez les danseurs, ça fait des bleus. Toujours selon le principe de la collision, soit avec un autre corps, soit avec le sol, cette danse-là démontre comment chaque attraction de deux unités inclut conflit et explosion. Et au lieu de se démoder, cette métaphore faite de fureur et d’ardeur redouble de pertinence. Pour preuve : Le spectacle fondateur d’Ultima Vez, « What the Body does not Remember », créé en 1987, est de nouveau en tournée! Vandekeybus s’est fait la réputation d’être le guérillero de la danse contemporaine. Il y a de la violence dans ce monde, et ce n’est pas Wim qui s’interdira d’en parler. S’il raconte des histoires, celles-ci passent par les états de corps et font ressurgir la tentation refoulée de brutaliser l’autre. Le sommeil, l’inconscient et les pulsions en deviennent les narrateurs. On peut aborder une pièce d’Ultima Vez par la surface, à savoir la peau des héros sur scène. Ou bien on démonte les couches d’histoires dans l’histoire, qu’il s’agisse des mythes, de l’histoire de l’art ou de l’histoire de l’humanité. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=zG9KTnu-lhQ[/embedyt] Cependant, la danse n’est pas tout dans la vie d’un artiste aussi insatiable. Wim a débuté comme photographe avant de passer presque simultanément à la danse et au film. Car au bout du compte, il a réalisé autant d’œuvres cinématographiques que chorégraphiques. Souvent, les deux se croisent sur le plateau, comme dans « Puur », créé en 2005, où le film est le point de départ. S’y ajoutent des scènes de danse, comme en écho aux reflets de génocide qui sous-tendent l’œuvre vidéo. Mais de plus en plus, Wim se fait cinéaste, sans passer par la scène. En ce moment même il travaille sur un long-métrage, « Galopping Mind ». Lieu de tournage : La Hongrie ! « Booty Looting » (Piller le butin), une rencontre entre danse et photographie créée en 2012, illustre parfaitement comment les thèmes, les techniques et le style se rejoignent dans l’œuvre de cet éternel jeune homme à l’énergie inépuisable. Il s’agit ici de « voler » des gestes, autant sur le plateau avec l’appareil photo à la main, que par le pillage artistique. Là où l’on parlerait généralement de citation, Wim passe à un acte de banditisme assumé. La première « victime » est ici le célèbre artiste du mouvement Fluxus, Joseph Beuys (1921-1986) dont Wim « pille » une performance célèbre, qui vit Beuys dormir pendant plusieurs nuits aux côtés d’un coyote, dans une galerie newyorkaise. Pas de chance pour lui, chez Wim il se fait dévorer par des danseurs-coyotes. Mais personne n’est à l’abri de l’objectif, ni les pilleurs, ni les pillés. Les photos prises en direct et projetées révèlent les détails et les failles de chacun. Le rapport de la photographie à la violence est multiple. L’image peut documenter et révéler des violences qui sans elles resteraient impunies. Mais le cliché arraché par un paparazzo constitue une violation de la sphère personnelle, une forme de pillage. En plus, la photo peut détourner la réalité et créer un mensonge médiatique. A vérifier en direct dans « Booty Looting », pièce exemplaire qui boucle la boucle, parce qu’elle voit le retour du chorégraphe Vandekeybus à son point de départ artistique, la photographie. Même si ce n’est pas lui-même qu’on voit à l’œuvre, car celui qui arrache leur image aux interprètes se nomme Danny Willems. Mais Wim himself a déjà été exposé en tant que photographe. [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=I4ZAt5UZFtk[/embedyt] Toujours aussi agité, Vandekeybus vient d’emménager, avec sa compagnies, dans des locaux situés à Molenbeek, un quartier bruxellois très mélangé, comparable à la Goutte d‘or de Barbès. Désormais, Ultima Vez y accueille d’autres compagnies et invite les enfants du quartier à des cours de danse. Dans le film « Galopping Mind », certains de ces gamins jouent les membres de gangs de jeunes, dans une histoire autour d’un bébé volé par une infirmière jalouse. Sortie prévue pour mai 2015 ! Thomas Hahn [Photos : Danny Willems] |
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