“Les Bijoux de pacotille”, une bague au deuil
Dans la pièce Les Bijoux de pacotille qu’elle a écrite et qu’elle interprète, Céline Milliat Baumgartner narre sans pathos la mort tragique de ses parents alors qu’elle était enfant. À travers cet hommage joliment rendu, le spectacle se déroule tout enveloppé d’une volonté d’alléger le drame.
Frêle et la voix presque adolescente, Céline Milliat Baumgartner place son personnage sous le signe d’une fraîcheur invaincue. Alors que c’est son propre traumatisme qu’elle transmet, elle opte en effet pour un texte et une interprétation jamais pesants. Après l’accident survenu une douce nuit de juin 1985 entre Paris et Fontainebleau, seuls quelques bijoux de la femme ont pu être restitués à la famille. Tout le reste a brûlé, la voiture et les deux corps côte à côte. Pour la fillette devenue adulte, le cliquetis des nombreux bracelets de sa mère, qu’ils soient précieux ou en toc, devient une sorte de bruissement enfoui dans la mémoire tel un doudou, un son familier et rassurant qui représente la figure maternelle. Bercée par ce souvenir qui incarne la féminité, Céline Milliat Baumgartner donne à entendre dans son monologue le même tintement quasiment joueur et charmeur. La narration raconte l’intime sur un fil primesautier et offre au public les inoubliables moments d’enfance, les joyeuses atmosphères familiales, les vacances en bord de mer, l’admiration de la petite fille pour le père, princier à ses yeux. On sent alors comment se comportaient ces jeunes parents attachants et heureux, comment ils vivaient pleinement leur amour tout autant que leur métier, respectivement d’actrice et de dessinateur, et de quelle moelleuse protection ils entouraient leurs enfants, Céline ayant un frère cadet.
Autant que les mots, le jeu de la comédienne se tisse avec le sourire. Formée également à la danse, l’interprète occupe seule le plateau avec fluidité, le pas gracieux et le mouvement souple. Habillée d’une simple robe bleu clair, elle échange un moment ses bottines contre des chaussons roses de petit rat et lentement, évoquant une cadence de boîte à musique, elle se déplace quelques instants en s’étirant vers le ciel. De même qu’elle se grandit en faisant les pointes, elle reste tout au long du spectacle toujours aérienne et ne sombre jamais dans la tragédie. Le choix est clairement affirmé de demeurer de bout en bout dans la fragilité.
La mise en scène de Pauline Bureau se pose avec harmonie sur cette histoire personnelle. Les deux femmes se connaissent et ont travaillé ensemble plusieurs fois. Leur proximité et leur complicité ont trouvé ici un espace de rencontre intime. Pauline Bureau souligne le scintillement de la vie en apportant sur le plateau des films en noir et blanc qui tantôt jaillissent d’une malle, tantôt se répercutent sur un grand miroir apposé obliquement au-dessus de la scène. Et l’écume de la mer, dans cette tonalité délicate, se répand magiquement sous les pieds de la comédienne qui semble sautiller au bord de la plage. Les reflets du passé se fondent ainsi sans brutalité, la violence de la mort des parents se dissémine sous le présent et l’esquisse d’une chanson finale sertit définitivement le drame de couleurs finement pastel.
Émilie Darlier-Bournat
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