Benoit Solès : « Incarner Cyrano de Bergerac est un immense défi ! »
Cyrano de Bergerac D’Edmond Rostand Mise en scène de Henri Lazarini Avec Benoit Solès, Emmanuel Dechartre, Clara Huet, Vladimir Perrin, Michel Melki, Emeric Marchand, Lydia Nicaud ou Christine Corteggiano,Anne-Sophie Liban, Michel Baladi, Pierre Thomas Jourdan, Julien Noïn et Jean-Jacques Cordival Jusqu’au 4 juillet 2015 Les mardis, vendredis et samedis à 20h30 Tarifs : de 11€ à 25€ Réservation : 01 45 45 49 77 Durée : 2h10 Théâtre 14 www.theatre14.fr |
Jusqu’au 4 juillet 2015
Alors qu’il jouait « Rupture à domicile », comédie ultra contemporaine qui triomphe encore à la Comédie Bastille, Benoit Solès répétait en journée Cyrano de Bergerac, un rôle immense que le comédien incarne actuellement au Théâtre 14. Trop beau, trop jeune pour incarner le poète au nez difforme ? Ce natif d’Agen a le théâtre dans le sang et Cyrano dans le coeur. Il l’explique à Artistik Rezo. Cyrano est un rôle magnifique qui se joue comme une performance verbale. Faut-il une sorte de maturité pour incarner ce rôle ? -Cyrano de Bergerac est pour un comédien le rôle en vers le plus long du répertoire, avec Arnolphe de « L’Ecole des Femmes » de Molière. On ne joue plus Cyrano aujourd’hui dans son intégralité mais bien qu’adapté, il reste un rôle énorme à jouer par l’énergie qu’il faut déployer pour porter haut le verbe. C’est un rôle qu’on a souvent donné à des acteurs d’une cinquantaine d’années et pourtant Cyrano de Bergerac est aux Cadets de Gascogne, il a donc entre trente et quarante ans. Et c’est d’ailleurs pour cela que cet homme est capable de lutter à l’épée avec une « centaine d’hommes » ou du moins une quinzaine ! Il est dans la force de l’âge. On donne souvent ce rôle à des acteurs d’un certain âge car il faut une maturité suffisante du point de vue de la technique et de l’émotion. Il faut être à la fois héroïque et brillant à l’acte I, profond et humaniste à l’Acte II, romantique à l’Acte III, héroïque à l’Acte IV et profondément dramatique à l’Acte V ! Comment ce personnage est-il venu à vous ? -Henri Lazarini, le metteur en scène et adaptateur, m’avait déjà fait travailler dans un de ses spectacles où je jouais un jeune premier et cela s’était très bien passé entre nous. Depuis, il est allé voir tous mes autres spectacles et c’est en voyant « Bash », que je jouais avec Sarah Biasini, qu’il m’a proposé Cyrano. Il m’a dit avoir vu toutes les palettes de jeu que je pouvais déployer à travers mes rôles, ce qui était nécessaire pour incarner Cyrano. Il l’avait déjà monté la pièce il y a vingt ans avec Patrick Préjean et souhaitait reprendre son adaptation. Lorsqu’il m’a demandé si je m’en sentais le courage, je ne m’étais jamais imaginé qu’on me proposerait un tel personnage et si on m’avait demandé il y a un an quel rôle je ne jouerais jamais j’aurais immédiatement répondu Cyrano ! Je n’ai pas hésité une seconde et je me suis lancé ce grand défi. Sur l’affiche on vous voit avec un faux nez que vous tenez à la main, comme un masque de commedia dell’arte que vous pouvez enlever. -C’est voulu par le metteur en scène. Par souci de fluidité et de légèreté, il a souhaité que l’auteur, Edmond Rostand, introduise tous les personnages de la pièce qui arrivent sur la scène en costumes du 17° siècle. Il rêve donc sa pièce, il l’imagine et les personnages s’échappent de son esprit d’écrivain. Plus tard, Rostand se transforme en Cyrano et met son nez de commedia dell’arte, comme si l’auteur se laissait dévorer par son personnage rêvé. A la toute fin, quand Cyrano meurt, c’est vraiment le personnage de Cyrano qui a pris forme entièrement et qui se penche sur sa vie. Comment fait-on pour jouer le soir une comédie légère et contemporaine, « Ruptures à domicile » et répéter la journée cet immense rôle en alexandrins ? C’est de l’athlétisme ? -Il faut avoir une très bonne hygiène de vie, qui peut être celle d’un sportif. Surtout le samedi lorsqu’on joue deux fois. On doit bien manger, bien dormir et ne pas faire la fête. Je courais le soir durant 1h45 dans « Rupture » et courais après les alexandrins durant la journée pour les apprivoiser dans Cyrano. Au bout d’une certain temps, je me suis aperçu que les deux pièces se nourrissaient mutuellement. Je pouvais éclairer un style de pièce par un autre, sans jouer du contemporain en alexandrins ! Dans la pièce la plus tragique, la plus versifiée, on peut toujours insuffler de la vie et de la légèreté et dans la pièce la pus comique et la plus décalée, on peut insuffler de la noirceur et de la gravité. Qui est Cyrano de Bergerac en 2015 ? Et est-ce que ce féru de poésie et de lyrisme peut encore intéresser un public jeune ? -Pour moi, Cyrano n’est pas démodé. Ce qui est moderne, c’est que cet homme défiguré par ce défaut physique est un grand amoureux et que l’amour est immortel. La projection que le public peut faire du trio Cyrano-Roxane-Christian marchera toujours. Le mec moche, mais qui est malin et qui sait parler, qui fait appel au mec beau pour draguer une fille, cela pourrait être dans tous les scénarios de films aujourd’hui ou même un sujet de discussion entre ados ! C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à Edmond Rostand jeune et qui lui a donné le sujet de sa pièce. Concernant l’utilisation des mots et de la poésie, il y a aujourd’hui des batailles de mots, de la musique urbaine basée sur le rythme du langage comme dans le rap. Je suis persuadé que les nombreux scolaires qui viendront seront séduits par ce génial improvisateur de vers qu’est Cyrano, sa verve, son imagination, son rythme. D’autant que les acteurs sont plutôt jeunes. La pièce est magique et attire toujours autant un public de tous âges qui veulent voir la tirade des nez, qui veulent entendre la déclaration d’amour à Roxane au balcon, la scène du duel ! Cyrano est dans notre ADN, dans notre inconscient. Ce rôle a été incarné par les plus grands comédiens. Cela ne vous fait pas peur ? -Je ne dois pas avoir peur. Si je me dis qu’il faut que je sois à la hauteur de Daniel Sorano, Patrick Préjean, Francis Huster, Jacques Weber, Gérard Depardieu et tous ceux qui ont incarné le rôle, cela devient impossible. Je suis plutôt un acteur qui doute de tout mais on ne peut pas jouer ce personnage en se posant mille questions. Le personnage vous porte, la tête haute et le verbe aiguisé comme il l’est. Alors je fonce. Aujourd’hui vous jouez Cyrano, en ayant déjà un beau parcours derrière vous. Comment vivez vous votre carrière d e comédien ? Bonheur, douleur, les deux à la fois ? -Je me considère comme un comédien chanceux. Depuis mes débuts, j’ai tout le temps travaillé au théâtre. J’ai joué 35 pièces en 20 ans. Il n’empêche que le théâtre reste une économie précaire et que l’immense majorité des comédiens ne peut vivre entièrement du théâtre. De 20 à 30 ans, j’ai enchaîné les tournages de série télé, plus ou moins bons, pour gagner ma vie. Il y a dix ans, j’en ai eu marre et avec un associé j’ai monté une petite affaire de location d’espace pour des événements. C’est ce qui me permet de vivre et d’être libre de faire du théâtre. Je suis un comédien chanceux et combatif. Ce n’est pas facile d’être acteur. Même lorsqu’on a la chance de travailler, on est soumis au doute et à l’incertitude permanente. Que va t-on faire demain, dans un an ? Impossible de le savoir, mais c’est aussi la beauté de notre métier. Vous vous êtes aussi engagé politiquement dans une mairie parisienne ? -Je me suis présenté dans mon quartier, le troisième arrondissement et j’ai été élu conseiller municipal sans étiquette politique. Aujourd’hui, en plus de tout ce que je fais, j’exerce mon mandat local qui consiste à siéger dans un conseil d’administration de collège, de lycée, d’attribution de places en crèche, de logements sociaux.. On est souvent beaucoup sur soi quand on est comédien, et j’ai trouvé qu’à 40 ans il était bon de s’ouvrir aux autres par un engagement désintéressé. C’est passionnant. Hélène Kuttner [ Crédit photos : © Lot ] |
Articles liés
“Simone de Beauvoir, la liberté à tout prix” : un seule en scène de Brigitte Bladou au Studio Hébertot
Se vouloir libre, c’est vouloir les autres libres… De l’enfant sûre d’elle à l’adolescente insouciante, de la femme indépendante à la femme mûre et engagée qui ose ce que la plupart des autres ont peur de faire : être...
« Les Parallèles » : comédie romantique douce amère sur la difficulté à se rencontrer
À l’heure du speed dating et de la multiplication des sites de rencontres, Alexandre Oppecini imagine une rencontre entre deux êtres que tout oppose, sur le pas d’une porte qui devait s’ouvrir sur une fête de crémaillère avec des...
Découvrez les artistes diplômés du Centre National des Arts du Cirque à La Vilette
Rendez-vous incontournable avec la relève du cirque, ce spectacle sous chapiteau à La Villette est l’occasion de découvrir les artistes tout juste diplômés du CNAC – Centre National des Arts du Cirque. Pour les jeunes talents qui arpentent la...