Ballett am Rhein – Théâtre de la Ville
Chez nos voisins, le Ballett am Rhein est aujourd’hui reconnu comme la référence du genre. Et c’est dû, entre autres, à l’exégèse croustillante qu’il fait de l’objet fétiche en ballet : le chausson à pointe. Schläpfer a interloqué le public, en demandant aux ballerines d’utiliser leurs pointes de plomb pour des frappes violentes au sol. Voilà qui fait du bruit, littéralement. Et plus encore: « Ainsi nous conférons à la ballerine un côté phallique! » Sa marque de fabrique, en quelque sorte.
Voilà qui retourne le ballet comme un gant, et c’est en cela que Schläpfer est éminemment contemporain. Cela se vérifie aussi dans Neither, l’une des deux pièces qu’il présente au Théâtre de la Ville. La musique est de Morton Feldman, une polyphonie effervescente mais peu classique, à ranger dans la mouvance des révolutions sonores à la John Cage.
Dans Neither, c’est toute la compagnie qui est sur scène, plus d’une quarantaine de danseurs, l’ensemble le plus nombreux jamais accueilli au Théâtre de la Ville. La danse est presque sphérique. Pas de sauts spectaculaires, mais des tableaux vivants, intenses et splendides, légèrement perturbants. Et il précise: « C’est ma première œuvre où j’ai interdit aux maîtres de ballet de « nettoyer » la gestuelle et de parfaire les unissons. Je voulais préserver les différences individuelles, rendre ainsi la danse indépendante du rythme musical et la faire vivre dans l’instant même. »
C’est toujours une œuvre musicale qui est à l’origine de ses choix chorégraphiques. Un coup de cœur, et des recherches sur le compositeur et des thèmes pouvant alimenter une création chorégraphique. Et surtout ce choix crucial: Pointes ou pied nu? Pour dialoguer avec Feldman, c’est le pied nu. Mais la soirée ne se limite pas à « Neither ».
La seconde pièce, Forellenquintett, permet de découvrir une autre couleur de la galaxie Schläpfer. Il s’agit bien sûr de la fameuse « Truite » de Schubert, et le chorégraphe invente une dramaturgie pleine d’humour et d’autodérision. « C’est ma pièce la plus joyeuse », dit-il. Et elle raconte une histoire, celle de la truite qui nage à contre-courant et se fera bouffer, ici déclinée avec ironie. Serait-ce un peu l’histoire de Schläpfer lui-même?
Suisse-Allemand, il pratique le patinage. Mais quand il a quinze ans, une professeure de ballet le découvre et le forme à a danse. Un jour elle l’inscrit au Concours le Lausanne où il finit meilleur danseur suisse. Ses parents cessent enfin de s’opposer à ce qu’il en fasse son métier. Après une brillante carrière d’interprète du célèbre Heinz Spoerli à Bâle, il fait sa reconversion en ouvrant une école de danse. Mais il la ferme peu après, attiré par un nouveau départ aux Etats-Unis. Et puis, nouveau coup de théâtre, on l’appelle pour lui proposer la direction du ballet de Berne. Et en 2009, c’est le Ballett am Rhein (Cologne/Duisbourg), qu’il a depuis porté vers de nouveaux horizons, auxquels s’ajoute aujourd’hui Paris.
Un peu inquiet, sachant que le Théâtre de la Ville est connu pour être un temple de la recherche chorégraphique où le public n’a pas l’habitude de voir des ensembles formés à la technique classique, il n’en perd pas son aplomb: « Je suis très curieux de voir les réactions. Mais si elles sont négatives, je ne changerai pas forcément de métier. »
Thomas Hahn
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Ballett am Rhein – Forellenquartett / Neither
Chorégraphie : Martin Schläpfer
Musique : Don’t be shy de The Libertines & Quintette pour piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse en la majeur D 667 (La Truite) de Franz Schubert
Décor, costumes & vidéo : Keso Dekker
Lumières & vidéo : Franz-Xaver Schaffer
Avec 23 danseurs & 1 enfant
Du 28 novembre au 5 décembre 2012
Le mercredi 28 novembre 2012 – 20h30
Le jeudi 29 novembre 2012 – 20h30
Le vendredi 30 novembre 2012 – 20h30
Le samedi 1 décembre 2012 – 15h
Le samedi 1 décembre 2012 – 20h30
Le lundi 3 décembre 2012 – 20h30
Le mardi 4 décembre 2012 – 20h30
Le mercredi 5 décembre 2012 – 20h30
Tarifs : 1ère catégorie 35€ // 2ème catégorie : 30€
Tarif jeune : 1 seule catégorie : 26€
Durée : 2h
Théâtre de la Ville
2, place du Châtelet
75004 Paris
M° Châtelet ou RER Châtelet-les-Halles
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