Baby Doll au théâtre de l’Atelier
L’histoire: 1939 – Sud des Etats-Unis. Archie Lee, exploitant de coton en faillite est marié à Baby Doll, une femme enfant. Suite à la promesse faite au père de Baby Doll, le mariage ne sera consommé que lorsque celle-ci aura 20 ans. La veille de l’anniversaire de Baby Doll, arrive Silva Vaccaro, l’étranger, voisin et concurrent d’ Archie Lee. Il soupçonne ce dernier d’être responsable de l’incendie qui a détruit son égreneuse à coton, et est bien décidé à se venger de lui. Son arme sera Baby Doll.
De Tennessee Williams
Adapté de deux pièces en un acte (qui portent un autre titre), « Baby Doll » c’est tout d’abord le film tourné en 1956 par Élia Kazan, nommé plusieurs fois aux Oscars et devenu à l’époque matière à scandale (il fut boycotté par l’Église à sa sortie « sous peine de pécher »)… L’ensemble donne lieu aujourd’hui pour la première fois en France à la création d’une pièce unique, d’une évidente théâtralité.La nouvelle version scénique que présente le Théâtre de l’Atelier fait appel à la fois au matériau théâtral et cinématographique. Elle ne conserve que les cinq personnages principaux. À travers une ambiance sudiste, l’essentiel consiste à garder vifs l’énergie sexuelle, le rythme quasi organique des corps, le mélange de rire et de mort, la violence du racisme ordinaire et l’extrême solitude des personnages… Les thèmes les plus personnels de Tennessee Williams sont ici présents, et peut-être plus apparents que dans toute autre pièce de l’auteur.Pierre LavilleJe me suis passionné pour cette histoire de désir, de vengeance, de sexe et de manipulation. Dans le Sud des Etats-Unis en pleine crise des années 30, c’est la rencontre érotique, explosive et chaotique d’une jeune femme et de deux hommes. Elle les entrainera au bord de la folie, de l’amour et de la mort.Mélanie Thierry a de Baby Doll la beauté sulfureuse, l’émotion, la fragilité, la grâce enfantine et l’incandescence. Xavier Gallais avec qui j’ai noué depuis dix ans une complicité artistique sera Silva Vacarro. Et quel plaisir d’associer à eux le talent, l’humanité de Chick Ortega, Monique Chaumette et Théo Légitimus.Après « Adultères » de Woody Allen en 2006, revenir à l’Atelier pour la création française de « Baby Doll » de Tennessee Williams est pour moi un immense bonheur.Benoît Lavigne
Tennessee Williams nous livre ici un drame psychologique qu’il situe, comme à son habitude, dans le sud des Etats-Unis, dans les années 30. Ce qui était à l’origine un scénario destiné au film réalisé par Elia Kazan a été retravaillé par Pierre Laville et mis en scène par Benoît Lavigne pour cette pièce déjà encensée par la critique, qui se joue au théâtre de l’Atelier depuis le 20 janvier.
Baby-Doll, ou l’histoire d’une femme-enfant mariée à un exploitant de coton alcoolique, au bord de la faillite, qui attend ardemment le moment de consommer cette union, fixé aux jour de ses 20 ans. Une union orageuse, ponctuée de violentes disputes où le désir de l’homme se heurte à l’indifférence moqueuse de la femme. A la veille de l’échéance, Archie Lee, le mari, provoque un incendie chez son concurrent, Silva Vaccaro. Celui-ci va alors utiliser la naïveté et l’innocence de Baby Doll aux fins de lui faire avouer la culpabilité de son mari. Cette dernière va découvrir à travers lui l’existence de la volupté, et s’abandonner à une passion finalement destructrice.
L’univers de Tennessee Williams est ici savamment représenté, entre ces personnages dominés par leurs pulsions, cultivant l’illusion pour retarder la déchéance. Le décor enfantin (vaste cabane en bois aux multiples recoins) est l’allégorie du personnage principal ; salle surchauffée qui rappelle la chaleur moite de la Louisiane propre à la lourdeur et domination des corps.
Le jeu entre les deux personnages principaux est interprété d’une façon éblouissante : Mélanie Thierry, personnage féminin candide et spontané, passe du rire aux larmes avec un naturel déroutant. Les réactions désarmantes de Baby Doll face au monde qui l’entoure, monde d’une violence bestiale qui contraste avec son innocence, suscitent bien des éclats de rires et apporte de la légèreté au sein même de la noirceur de la condition humaine. Xavier Gallais, quant à lui, apporte au personnage de Silva Vaccaro une parodie hilarante d’un homme conscient de sa virilité, un peu simple, et jouant de ses atouts d’une façon animale et grotesque, sans jamais perdre son objectif de vengeance envers celui qui l’a provoqué. L’harmonie est entière entre ces personnages qui se complètent et se répondent, entre ces comédiens qui parviennent à faire parler leurs corps, ensemble, suscitant une passion sauvage qui heurte le public de plein fouet.
Baby Doll, ou la naïveté et la simplicité d’une femme enfant confrontée aux désirs masculins et aux siens propres. A ne pas manquer.
Sophie Thirion
Adaptation: Pierre Laville Mise en scène: Benoît Lavigne
Avec: Mélanie Thierry, Xavier Gallais, Chick Ortega, Monique Chaumette et Théo Légitimus
A partir du 20 janvier 2009.
Du mardi au samedi à 21h; matinées le samedi à 17h30 et le dimanche à 16h
Location au 01 46 06 49 24
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin
75018 Paris
Métro: Abbesses, Pigalle, Anvers
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