Baal ou la fureur du poète
Baal De Bertolt Brecht Mise en scène de Christine Letailleur Avec Youssouf Abi-Ayad, Clément Barthelet, Fanny Blondeau, Philippe Cherdel, Vincent Dissez, Valentine Gérard, Manuel Garcie-Kilian, Emma Liégeois, Stanislas Nordey, Karine Piveteau, Richard Sammut Du 20 avril au 20 mai 2017 Du mercredi au samedi à20h30 Tarifs : 10 à 30 euros Réservation par tél. au 01 44 62 52 52 Durée : 2h30 La Colline |
Du 20 avril au 20 mai 2017
Baal est l’archétype du poète désespéré qui se heurte au monde. Comment créer et garder sa ferveur quand tout autour de soi est barbarie ? Cette première pièce de Brecht a été écrite alors que l’auteur a à peine vingt ans. Il est lui- même dévoré du besoin de créer mais l’Europe sort de la première guerre mondiale et les rêves de la jeunesse ont été dévastés par le déchainement mondial. C’est de cette collision tragique entre aspiration à la poésie et réalité de l’horreur que nait Baal.Il est ici interprété par Stanislas Nordey dont la cinquantaine juvénile n’enlève rien à la jeunesse du personnage. Ne quittant jamais le plateau, il arpente la scène à l’image de son égarement existentiel qui prend les formes les plus sombres. Dès la première scène, alors que nous sommes dans un salon bourgeois, Baal offense ceux qui le complimentent. Ainsi, d’entrée de jeu, la règle est posée : le poète, même face à des flatteurs, préfèrent la vérité. Il harangue les faux-dévots de l’art et brise l’artifice social. Mais de ce refus du moindre compromis découle un aveuglement macabre.Baal va tout dévaster sur son passage. Enivré jusqu’au nihilisme par sa quête absolue, il se saoule de sexe, de vin, de mots tout autant que de défis titanesques posés à l’amour et à l’amitié. Il aime par fulgurance, détruisant ce qu’il vient d’adorer et pas même sa mère, suppliante et brisée, ne parvient à faire ployer sa rage. Rien ne l’arrête. Quand il part dans la forêt ce n’est pas en solitaire mais pour y rencontrer des parias qu’il prendra un malin plaisir à détruire également. Son seul ami, le musicien Ekart qui l’accompagne partout, périra de ses mains pour une histoire de prostituée. Le plus aimé aura donc le châtiment suprême. C’est que la trahison, pour Baal, n’a pas de degré. Qu’elle ait eu lieu suffit à justifier le crime. Mise en scène par Christine Letailleur qui a déjà dirigé Stanislas Nordey notamment dans une pièce de Toller, Baal est cadrée par une extraordinaire scénographie d’Emmanuel Clolus ainsi que par les magnifiques lumières de Stéphane Colin. Toute la pièce se joue dans une stylisation sidérante qui projette les corps, la ville ou la foule à travers des couleurs et des ombres chinoises crépusculaires. Les personnages qui se livrent aux beuveries ou à l’amour se transforment en figurines éclairées par le feu du monde. Stanislas Nordey tout au long de cette obscure marche scande sa recherche poétique en captivant le public. Son long corps souple de félin, son torse nu de Rimbaud à 17 ans, son verbe aux accents de Villon, grondent sur un plateau que l’on croirait parfois composé en partie par Caravage. La scène finale, ou plutôt le tableau final, est un moment subjugant. Le triomphe esthétique peut-il cependant racheter la noirceur des actes humains ? C’est une des nombreuses interrogations que les spectateurs trouveront dans les flammes de ce grand spectacle. Emilie Darlier-Bournat photos Brigitte Enguerand |
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