Avignon OFF 2023 : Quelques coups de cœur danse
Comme chaque année, le festival OFF d’Avignon fait la part belle à la danse. Retour sur quelques coups de cœur.
Phénix
Pionnier du hip-hop en France, directeur du centre chorégraphique national de Créteil de 2009 à 2022, Mourad Merzouki aime confronter sa danse à d’autres disciplines ou esthétiques. Après les Arts martiaux et la vidéo, il s’intéresse à l’univers baroque depuis Folia, créé en 2019 et repris à l’automne 2023. Commande du festival de musique baroque d’Ambronay, Phénix met en scène une joueuse de viole de gambe et quatre danseurs. Ces derniers tournent autour de la musicienne, exécutant avec brio leurs variations, la taquinant parfois comme lorsqu’ils s’amusent avec son instrument. Toutefois, les artistes partagent la scène mais ne dialoguent pas tant que cela. Les ruptures, créées par les passages de musique électronique, renforcent cette impression. La pièce donne à voir l’énergie du groupe et la concentration de la gambiste dans une chorégraphie efficace.
Phénix de Mourad Merzouki, par la compagnie Käfig, du 7 au 29 juillet à la Factory, 19 Place Crillon.
Outrenoir
Avec 4749, sa compagnie créée à Grenoble en 1989, François Veyrunes poursuit un parcours atypique dans le paysage de la danse contemporaine française, par ses réflexions sur le rôle social de l’être humain dans la société. Avec Outrenoir, pièce de 2019, il pose la question de la capacité de l’être humain à assumer ses responsabilités d’animal social, au niveau individuel et collectif. L’équilibre du corps et la maitrise de l’attraction terrestre, au travers de figures chorégraphiques virtuoses, en solo puis en groupe, symbolisent cette recherche : Arabesques plongées, grands écarts en pas de deux, corps étirés qui se relèvent… François Veyrunes emprunte à Pierre Soulages son titre, hommage à celui qui a consacré son art à révéler la lumière de l’obscurité, notions apparemment si contradictoires. La pièce joue également sur les contrastes, entre les solos et les ensembles, entre la lenteur des adages et l’énergie d’une parenthèse de break-dance, entre la pénombre de la scène et la lumière ponctuellement braquée sur un danseur, entre l’attirance du corps vers le sol alors que la jambe se tend vers le ciel. La musique hypnotique enveloppe l’ensemble d’une tension sombre. Une pièce à découvrir.
Outrenoir de François Veyrunes, par la compagnie 4749, du 7 au 19 juillet (jours impairs seulement) à la Scierie, 15 bd du quai St Lazare
Valse à Newton
Valse à Newton est une pièce chorégraphique pour trois danseurs et un pendule de Foucault monumental. Entre les boules en mouvement qui s’entrechoquent et s’envolent, les artistes courent, se faufilent et esquivent avec vivacité, dans une sorte d’urgence poétique. Le chorégraphe Frédéric Cellé mêle gestuelle contemporaine et hip-hop dans une danse qui flirte parfois souvent avec l’acrobatie. La musique électronique confère une forme de tension à l’ensemble, renforcée par la puissance du battement des boules dans l’air. Dans la seconde partie, les danseurs se hissent au sommet du portique. Surplombant les spectateurs, ils nous offrent un pas de trois fascinant qui va laisser la place à une sorte de duel de titans. Pièce d’extérieur, Valse à Newton se déroule dans le cloitre de l’église de Villeneuve qui lui offre un écrin sur plusieurs dimensions, au niveau du sol bien sûr mais aussi en hauteur avec ses grandes façades historiques. Pièce d’inspiration originale, Valse à Newton est à voir en famille.
Valse à Newton par la compagnie Le Grand jeté, du 10 au 22 juillet à Villeneuve les Avignon, dans le cadre de Villeneuve en scène.
Fall and Flow
Pendant longtemps, Hong Kong a été l’une des capitales du cinéma asiatique, célèbre pour ses films de Kung-Fu et de Wuxia – genre ayant pour thème les chevaliers du Moyen-âge -. Ata Wong Chun Tat, chorégraphe et metteur en scène basé à Hong-Kong, rend hommage à cet art dans les épisodes de Fall and Flow qui reprennent ces récits épiques et guerriers. A la fois mimes et danseurs, les artistes nous racontent, avec une puissance d’évocation impressionnante, les péripéties des chevaliers qui mêlent souvent action et philosophie. Ata Wong Chun Tat interroge ici la manière d’exprimer, sans parole et décor, l’amour, la haine, la peine, l’honneur. Avec une économie de moyen qui le caractérise, Fall and Flow réussit à nous transporter dans l’espace et dans le temps, sur un champ de bataille, dans une auberge et nous fait partager l’intimité d’un héros redoutable, de bandits de grand chemin ou encore d’une jeune veuve éplorée. Une pièce intrigante et redoutablement efficace.
Fall and Flow par le Théâtre de la Feuille, du 7 au 27 juillet au théâtre Golovine, 1 bis rue Sainte Catherine.
Stéphanie Nègre
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