Avignon Off 2018 : notre sélection danse
La danse du Off connaît quelques hauts lieux et des rendez-vous bien identifiés. Mais aussi des aventuriers solitaires. On peut s’étonner de voir combien de chorégraphes très repérés y vont à la rencontre du public. D’autres viennent chaque année. Alors, quels sont les lieux et les spectacles où on est certain de trouver son compte ?
Plus de 1 500 spectacles dans le Off, selon les chiffres de l’organisateur, Avignon Festival & Compagnies (AF&C). S’y cachent 85 classés danse ou danse/théâtre, et on se dit que ce n’est pas grand-chose : moins de 6% ! Il n’y a pas si longtemps, le nombre de propositions du Off avait franchi la barrière de mille, et ce fut un choc. A quand, les 2.000 spectacles ? Et 85 en danse, c’est tout de même énorme quand il faut se décider pour l’un ou l’autre. Voici donc quelques repères, qui peuvent évidemment passer à côté de très belles réalisations. Mais c’est le jeu et le risque de toute sélection.
Deux lieux avignonnais sont totalement dédiés à la danse. Le Théâtre des Hivernales, festival de danse et lieu de production bénéficiant du statut de Centre de Développement Chorégraphique National (CDCN) et le Théâtre Golovine, dont le nom renvoie à l’histoire de Ballets Russes. Un autre lieu très accueillant pour la danse est La Manufacture, qui double son intérêt pour la danse d’un engagement en faveur des droits de l’homme et surtout de ceux des migrants.
Aux Hivernales, un soupçon de festival In
Si le CDCN Les Hivernales n’est pas actif sur toute la durée du festival, il accueille des chorégraphes d’envergure et incontournables, comme Franck Micheletti et sa compagnie Kubilai Kahn Investigations, le Belge Thomas Hauert, et Cindy Van Acker, cette chorégraphe radicale qui travaille en Suisse. Mais aussi la Taïwanaise Ting-Ting Chang. Voilà déjà une programmation digne du In. Et pour la première fois, le CDCN accueille aussi des spectacles du In, avec « Ode to the Attempt » du Belge Jan Martens et « Ben & Luc » de Mickaël Pelippeau.
Au Golovine, une diversité époustouflante
Au Golovine, on trouve, entre autres, des spectacles d’Emilie Lalande, cette sublime soliste du Ballet Preljocaj, d’Hamid Ben Mahi, le plus littéraire des chorégraphes hip hop, d’une Sophie Carlin dont l’énergie endiablée rappelle la fameuse Louise Lecavalier, et la breakdance totalement scénarisée et théâtralisée de la compagnie Tie Break, où chaque danseur est en même temps un comédien burlesque accompli.
Des écritures radicales à La Manufacture…
Prenons Farah Saleh, cette chorégraphe palestinienne qui vit à Edinburgh (GB). Dans « Gesturing Refugees », performance interactive mêlant vidéo et danse, elle invite son public à se mettre à la place d’un.e réfugié.e, non sans le nourrir de témoignages réels ou fictifs. Spectacle hautement politique, évidemment. La Manufacture présente également deux spectacles de la compagnie française Dyptik qui pratique la danse hip hop et interroge des dysfonctionnements de notre société avec une belle excellence artistique.
Et on y retrouve Maxence Rey dans son très beau solo « Anatomie du silence », composé en dialogue avec les arts plastiques, la nudité et la vérité de soi. Rey oppose son dépouillement au vacarme du monde et aux diverses pollutions que nous subissons au quotidien. Nudité aussi chez Thierry Smits chorégraphe belge radical qui signe avec « Anima Ardens » une pièce pour onze hommes qui se dénudent et approchent de la transe, pour se libérer en formant une tribu éphémère.
… et ailleurs !
Pour rester avec la gente masculine: Dans « Les Sauvages » de Sylvère Lamotte, cinq hommes au torse nu manipulent des dizaines d’éléments de bois brut, comme dans un jeu de construction à taille humaine, jeu qui exige de ces « sauvages » une coopération solidaire et beaucoup de finesse ! (La Parenthèse, du 9 au 14 juillet)
Au Théâtre des Lucioles, François Veyrunes déballe son « Sisyphe heureux », entre tragédie grecque et Albert Camus, faisant se croiser dans les corps des danseurs la gravité et le temps, de manière aussi poétique que philosophique. (du 7 au 21, sauf 10,11 et 17)
https://vimeo.com/205350172
A La Manutention, également connue comme Le Hauts Plateaux (il est vrai que ça monte un peu, du côté des Escaliers Sainte-Anne), Camille Mutel a trouvé le nid qu’il fallait pour son « Go, Go, Go, said the bird (Human kind cannot bear very much reality », un essai sur l’érotisme, épuré comme un jardin japonais mais accompagné par la présence et la voix d’Isabelle Duthoit, artiste vocale hors norme. (Du 7 au 19 juillet – relâche les 11, 18 juillet)
https://vimeo.com/149569972
Malgré la richesse du patrimoine de la Cité des Papes, il plus que rare de voir un dialogue entre l’architecture et la création. Cette année, cette chose exceptionnelle se produit au Fort Saint-André, dans le cadre de Villeneuve en Scène. « La Figure du Baiser » de Nathalie Pernette a déjà enchanté châteaux, abbayes et même les Colonnes de Buren à Paris et vient au Festival d’Avignon du 12 au 14 juillet, pour un festin partagé entre la vieille pierre et la chair qui danse.
Suisse et Taïwan
La Condition des Soies est le fief de la présence taïwanaise au Festival d’Avignon, avec des spectacles forcément centrés sur la danse et le geste. La scène chorégraphique taïwanaise est riche et l’Institut culturel taiwanais sélectionne toujours des compagnies de qualité. Cette année, le Tjimur Dance Theatre présente « Varhung – Heart to Heart » à la Condition des Soies et on retrouve (du 7 au 17 juillet) la compagnie T.T.C. Dance avec « Déjà vu » au CNDC Les Hivernales, également fidèle aux compagnies de l’île.
Si on aime les grandes émotions, entre danse, musique, chant et théâtre, on ne peut passer à côté de la compagnie Interface, présente chaque année avec un nouvel épisode de sa tétralogie « Les âges de vie ». Dans « Vive la vie » ils retracent le passage d’une société rurale et codifiée à l’ère industriel avec le mode de vie de la modernité. A Sion, en Suisse, ils travaillent dans un lien direct et naturel avec la montagne. Aussi sont-ils, jour par jour, renvoyés au fondamentaux de l’existence humaine et créent un théâtre musical et chorégraphique directement lié aux sentiments de l’âme. Depuis des années, ils rencontrent leur public au Théâtre du Balcon, tous les matins à 10h45.
Il faut aussi charmer les enfants…
Philippe Saire aussi est Suisse. Dans sa série « Dispositifs » il joue avec la matière et des effets lumineux, dans des scénographies très ingénieuses. « Hocus Pocus » est la version jeune public de « Néon », où un duo de danseurs, intégré dans une structure de tubes métalliques et de néons, ne dévoile jamais qu’une petite partie de leurs corps. Ce clair-obscur produit des images comme dessinées au fusain. Mais dans cette version pour les futurs adultes, on termine tut de même sur une histoire. « Hocus Pocus » est à la Maison du Théâtre pour Enfants, du 10 au 24 juillet.
Les enfants vont également adorer « Petite Fleur » d’Aurélien Kairo (au Collège de la Salle), un solo de théâtre gestuel burlesque par un ancien danseur hip hop, pièce créée dans le IN de Mimos, Festival International des Arts du Mime et du geste. Un bijou de comique où un agent d’entretien nettoie la loge d’une artiste de cabaret. Pendant que les numéros s’enchainent sur le plateau, il se laisse prendre par la musique et se fantasme en amoureux de la star. C’est mis en scène par une célébrité du genre comique : Patrice Thibaud. Succès auprès des jeunes garanti.
Thomas Hahn
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