Avignon 2015 premier épisode : le triomphe d’Ostermeier
Richard III De Shakespeare Mise en scène de Thomas Ostermeier Du 6 au 18 juillet à 18h Réservations Durée : 2h30
De Shakespeare Mise en scène d’Olivier Py Réservations Du 6 au 13 juillet 2015 |
Du 4 au 25 juillet 2015 Comme pour mieux régner sur le Festival d’Avignon cette année, le grand William Shakespeare a donné rendez-vous à trois metteurs en scène : Olivier Py, patron du Festival In, a entièrement traduit son Roi Lear pour la Cour d’Honneur, l’Allemand Thomas Ostermeier a lui choisi Richard III pour son acteur fétiche Lars Eidinger et le Portugais Tiago Rodrigues signe entièrement sa nouvelle version d’Antoine et Cléopâtre qui débute le 13 juillet. Pour l’heure, c’est Richard III qui triomphe dans une mise en scène festive et rock qui emballe la presse et le public. Rock star ou psychopathe ? Et si Richard III, le monstre le plus honni de l’histoire du théâtre, celui qui semble inspirer tous les dictateurs de la planète, de Hitler à Staline, était un gars aimable ? Lars Eidinger, gueule d’ange sous son casque de cuir noir, démarche chaloupée par une difformité de naissance qu’une vilaine bosse dans le dos fait ressembler à un beau diable, en slip et bretelles qui lardent sa musculature de bête en rut, s’amuse énormément avec son personnage de roi maudit. En grand comédien qu’il est, il joue avec le public qu’il balade de femmes en femmes et de crimes en supplices, laissant derrière lui des rivières de sang et de sanglots. Le boiteux difforme, exclu de la société des rois puissants, se venge bien avec la perversion des frustrés, avec un calcul et un machiavélisme qui s’habille de douceur et de faiblesse. Dès lors, dans ce théâtre transformé en théâtre du Globe londonien, cerné par des escaliers métalliques et des corbeaux noirs qui planent, Lars Eidinger, habillé ou nu comme une limace, au rythme palpitant de la batterie de Thomas Witte, va séduire à chaque seconde le public avec un double jeu fulgurant de rouerie et de malhonnêteté. Là est la force de la mise en scène d’Ostermeier : il met simplement, comme Shakespeare, l’acteur au centre du jeu, qui invente et réinvente l’histoire en permanence. Et les autres comédiens, tous formidables, énergiques et athlétiques, se repassent le ballon en permanence, comme dans un bon match où aucun moment n’est ennuyeux. Un micro-caméra suspendu à une corde à tout faire, qui se balade comme une liane au beau milieu de la scène, est l’unique attribut du narcissisme démoniaque de Richard, nous projetant à la loupe des morceaux de son visage devenu clownesque. Comme un miroir qui nous serait tendu de nous-mêmes et de nos propres démons. Un Roi Lear assourdissant Rêvé par Olivier Py dans cette Cour d’Honneur transformée à la fin en charnier, Le Roi Lear déçoit par un traitement excessif des personnages et des situations. Sous prétexte de faire de Lear l’origine des catastrophes du XXe siècle, guerres mondiales, Shoah, dictatures, le metteur en scène prive Cordélia, la préférée des filles de Lear, de parole. Alors que le vieux roi, au moment d’abdiquer, partage son royaume en trois en échange des discours élogieux de ses filles à son égard, Goneril (Amira Casar) et Régane (Céline Chéenne) rivalisent de flagornerie en minaudant par intérêt, ce que refuse Cordélia en opposant la simplicité de son discours à l’hypocrisie de ses sœurs. Par un parti pris pour le moins radical, on lui scotche d’emblée la bouche avec un ruban adhésif noir, et elle est danseuse classique, en pointes et tutu blanc, qui voltige telle une poupée de porcelaine. La voix de la raison ainsi écartée, le spectacle donne libre cours au trash, à la violence, au gore, dans un rythme scénique tellement accéléré qu’on en perd le fil narratif. Edmond (Nâzim Boudjenah) débarque à moto pétaradante sur scène, en combinaison de cuir noir et casque de motard avec des cornes. Edgar (Matthieu Dessertine) se promène la plupart du temps les fesses à l’air, dans la posture d’un pauvre chat égaré et sautant de toit en toit. La traduction, crue, ne lésine pas sur les vulgarités de langage qui emprunte au cinéma avec un voyeurisme appuyé. Dans le rôle de Lear, Philippe Girard perd de sa superbe pour devenir une longue marionnette désarticulée et Jean-Damien Barbin est un fou tonitruant et devin. Accueil très partagé donc pour cette production théâtrale ambitieuse et très personnelle du directeur du Festival d’Avignon. On vous parlera la prochaine fois davantage du Festival Off qui recèle de très belles surprises. Hélène Kuttner À découvrir sur Artistik Rezo : [Visuels © Christophe Raynaud de Lage] |
Articles liés
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...
“Les Imitatueurs” à retrouver au Théâtre des Deux Ânes
Tout le monde en prend pour son grade, à commencer par le couple Macron dans un sketch désormais culte, sans oublier Mélenchon, Le Pen, les médias (Laurent Ruquier & Léa Salamé, CNews…), le cinéma, la chanson française (Goldman, Sanson,...
La danseuse étoile Marie-Agnès Gillot dans “For Gods Only” au Théâtre du Rond Point
Le chorégraphe Olivier Dubois répond une nouvelle fois à l’appel du Sacre. Après l’opus conçu pour Germaine Acogny en 2014, il poursuit, avec For Gods Only, sa collection de Sacre(s) du printemps qu’il confie cette fois-ci à la danseuse...