Les Vitalabri
De Jean-Claude Grumberg
Mise en scène de Lisa Wurmser
Durée : 1h
Petit Louvre à 11H
Braise et cendres
De Blaise Cendrars
Mise en scène de Jacques Nichet
Durée : 1h10
Petit Louvre à 14h10
Kennedy
De Thierry Debroux
Mise en scène de Ladislas Chollat
Durée 1h30
Théâtre du Chêne Noir à 15h
Eclipse Totale
De Christopher Hampton
Mise en scène de Didier Long
Durée : 1h30
Condition des Soies à 21h45
Ay Carmela
De José Sanchis Sinsterra
Mise en scène de Franck Berthier
Durée : 1h20
Theâtre du Girasole à 15h15
Après une si longue nuit
De Michèle Laurence
Mise en scène de Laurent Natrella
Durée 1h20
Théâtre des Corps Saints à 12h20
Toute ma vie j’ai fait des choses que je savais pas faire
De Rémi de Vos
Mise en scène de Christophe Rauck
Durée : 45 mn
La Manufacture à 13h30
www.avignonleoff.com
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Dans la jungle des 1500 spectacles du Festival Off, il est difficile de faire son choix. Parades joyeuses, harangues improvisées sur les terrasses, explications intimistes dans les cafés, patchworks d’affiches et pluie de tracts qui envahissent la ville, l’amateur de spectacles se retrouve dans un bain d’images, de musique et de mots qui peuvent soudain faire éclore un désir de s’amuser, de rêver, d’admirer, de comprendre. Malgré l’actualité tragique de l’attentat de Nice, malgré la douleur qui plombe les esprits et les discours de solidarité, on continue de danser et de chanter sur le Pont d’Avignon et c’est tant mieux. Comme chaque année, Artistik Rezo vous aide à faire votre choix avec nos coups de coeur du Festival 2016.
Les Vitalabri : un hymne à la liberté signé Jean-Claude Grumberg
C’était au départ un livre finement illustré par Ronan Badel chez Actes Sud, qui devient aujourd’hui un conte pour tous les publics avec des personnages attachants, incarnés par des comédiens et des marionnettes. La famille des Vitalabri n’a ni patrie ni pays, ils errent de frontières en frontières, chassés, rejetés, avec pour seul bagage un violon ou un baluchon. Lisa Wurmser monte cette fable émouvante et d’une brûlante actualité avec Eric Slabiak, le violoniste-compositeur du groupe Les Yeux Noirs, la marionnettiste Pascale Blaison, et les comédiens Olga Grumberg et Pascal Vannson, tous formidables. Des marionnettes à taille humaine et des ombres chinoises peuplent cette fable qui fait la part belle à la musique et qui fait référence à l’histoire, à Albert Einstein et à la musique. On rit beaucoup, et on admire le remarquable travail des artistes qui touche enfants comme adultes avec intelligence et une simplicité lumineuse.
Braise et Cendres : Charlie Nelson voyage avec Blaise Cendrars
Le grand comédien Charlie Nelson nous embarque, avec pour seul accessoire une chaise de bistrot et un vieux pardessus, dans l’épopée personnelle du poète suisse Blaise Cendrars, de son vrai nom Frédéric Louis Sauser, adolescent rebelle puis voyageur insatiable, amoureux de la littérature, du jazz et de la peinture, qui rentre de New York avec les images électriques et fiévreuses de ses « Pâques à New York ». Engagé dans la Légion étrangère en 1914, patriote français mais aussi pacifiste, il n’aura de cesse de continuer à écrire romans et nouvelles sur les routes des continents qu’il traverse malgré une main droite amputée par la guerre. Dans la scénographie flamboyante de Philippe Marioge, Charlie Nelson s’empare des mots de Cendrars à pleine bouche, le corps entier emporté par la soif de voyages et de découvertes humaines. Dirigé par Jacques Nichet qui a effectué un remarquable montage, vibrant d’humanité, le comédien est magnifique.
Kennedy : la face cachée du mythe
Les Kennedy ont tout d’une tribu mythique. La beauté, le charme, le succès côtoient les morts successives comme dans une tragédie grecque. John tout d’abord, le 22 novembre 1963, assassiné à Dallas aux cotés de Jackie dans la décapotable présidentielle, puis son frère Bob six ans après à Los Angeles, David et Michael les deux fils de Bob lors par overdose et accident de ski, puis plus récemment le suicide de John-John, le fils de John et de Jacky, qui s’est craché en avion alors que l’aîné des Kennedy, Joseph junior, explose lui aussi en 1944 dans son avion. Fasciné par le mythe Kennedy, Thierry Debroux a imaginé John et son frère Bob le soir de son anniversaire le 19 mai 1962, dans une suite d’un grand hôtel, alors que sa maîtresse Marylin Monroe, moulée dans une robe fourreau en lamé argent, vient de lui chanter « Happy Birthday » devant des centaines d’admirateurs et de journalistes. Mais John a perdu de sa superbe. Il souffre atrocement du dos, porte un corset en raison d’une maladie incurable qui atteint les os, et reçoit la visite d’une étrange femme, mi Marylin mi Jacky, tantôt blonde tantôt brune, qui lui rappelle cruellement son histoire familiale, les secrets de ses liens avec la maffia irlandaise et ses mensonges. Ladislas Chollat dirige au cordeau Alain Lempoel, Dominique Rongvaux et Anouchka Vingtier dans ce huis-clos écrit comme un thriller.
Eclipse totale : passion totale entre Rimbaud et Verlaine
C’est une histoire d’amour fou entre Paul Verlaine, poète, qui vient d’épouser une jeune fille de 17 ans bientôt mère de son enfant, et Arthur Rimbaud, 17 ans lui aussi, dont il vient de découvrir les poèmes sauvages et fulgurants…
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Ay Carmela : duo d’amour mis à mort par Franco
Voici la très belle pièce de l’Espagnol José Sanchis Sinisterra reprise par les deux comédiens qui l’ont adaptée et créée sur une scène française, Teresa Ovidio et Jean-Marie Galey, aujourd’hui mis en scène par Franck Berthier. Durant la guerre d’Espagne, Paulino et Carmela parcourent le pays dans tous les théâtres de variété pour survivre. Ils vivent de petits contrats en poussant la chansonnette ou en se produisant dans des numéros de danse ou de comédie burlesque. Et voilà qu’aujourd’hui nos deux artistes en goguette doivent se produire devant un parterre de généraux à la gloire du franquisme et pire, humilier de jeunes soldats républicains condamnés à mort ! Ce joyeux programme ne les séduit pas vraiment. Paulino obtempère tant bien que mal pour sauver leur vie d’artistes mais Carmela se met à chanter haut et fort « Ay Carmela ! », une chanson populaire espagnole chantée durant la Guerre d’Indépendance et reprise par les soldats républicains en 1936. Elle est fusillée sur le champs. La pièce commence avec le retour du fantôme de Carmela alors que Paulino est sur sa tombe. Les deux comédiens rivalisent de talent, l’un en vieux cabot prêt à vendre son âme pour sauver sa vie, l’autre en passionnerai de la vérité. Teresa Ovidio chante et danse avec une belle présence et Jean-Marie Galley joue les funambules sur la corde de la vie.
Après une si une si longue nuit : quatre ados à l’histoire cabossée
Ils sont quatre, Sarah, Samir, Tekitoi et Pierrot. Une fille et trois garçons qui se retrouvent après une dizaine d’années au chevet de leur mère adoptive, dans une salle d’attente d’hôpital. Durant cette longue nuit qui s’achèvera par la mort de cette femme et par leur naissance d’adulte, ils vont échanger, revisiter leurs souvenirs, leur apprentissage de la vie à partir d’un fait commun et fondateur : ils ont été adoptés en France alors que la guerre avait détruit leur famille. Enfants réfugiés de Jérusalem, d’Afrique noire ou d’un pays d’Europe, d’Afghanistan ou d’Algérie, ces quatre là ont une sacrée mémoire à revisiter, celle d’avoir appris à lire, à écrire et à parler dans une langue nouvelle, pour se faire de nouveaux amis, et tenter de survivre avec la main tendue d’une nouvelle famille. Maxime Bailleul, Olivier Dote Doevi, Slimane Kadaoui et Elodie Menant ont l’âge de leur personnage et la jeunesse fiévreuse. Dirigés par Laurent Natrella avec une délicatesse infinie, ils incarnent joyeusement et avec beaucoup d’émotion ces fragments d’existence que la vie aura brisés pour mieux en reconstituer le sens. Sarah la meneuse cache aussi ses bleus à l’âme, face à Tekitoi le sprinter qui a gardé le surnom que ses camarades lui ont donné quand il ne savait pas encore bien parler. Sous ses allures de rouleur de mécanique, Pierrot va fuguer en douce et Samir ne révélera jamais les secrets de sa mélancolie. Un petit bijou de théâtre signé par l’auteur Michèle Laurence.
Toute ma vie j’ai fait des choses que je savais pas faire : le choc d’une actrice
Il y a des moments de suspension du temps au théâtre où les mots de la vie rejoignent le monde en furie. Durant quarante cinq minutes, Juliette Plumecocq-Mech, comédienne, incarne un personnage en fuite, le fantôme d’un homme pris pour cible dans un bar, violemment lardé d’injures et de mépris parce qu’il était différent. La peur, la fébrilité, l’incompréhension, le silence, en réaction contre la barbarie qui fait d’un individu une victime choisie. Rémi de Vos a écrit ce monologue haletant pour la comédienne, grand corps androgyne frémissant qui semble surnager au sol, les membre étendus, dans une danse de survie qui crie la révolte. Beethoven déploie sa petite sonate en accord avec sa voix rauque, ses yeux hagards de suppliante tragique happent les spectateurs. On ne ressort pas indemne de ce choc théâtral mis en scène par Christophe Rauck.
Hélène Kuttner
[ Photos : © Pascal Gely/Olivier Brajon/Simon Gosselin/Grégoire Zibell/Aude Vanlathem/Vincent LacotteD ]
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